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souffrir soi-même un dommage considérable, ou si la chose a été prohibée depuis par une loi, ou si elle est devenue moralement impossible ou inutile à celui à qui elle a été promise, alors la promesse n'oblige plus en conscience. Il en est de même pour le cas où la cause principale et déterminante, pour laquelle on a promis, vient à cesser : « Si non facit quod promisit, dit saint Thomas, tunc videtur infideliter agere per quod animum mutat. Potest tamen « excusare ex duobus : uno modo, si promisit quod manifeste est illicitum; alio modo, si sunt mutatæ conditiones personarum et negotiorum. Ad hoc enim quod homo teneatur facere quod promisit, requiritur quod omnia immutata permaneant (1). » Dans les promesses gratuites qu'on fait à quelqu'un, tout est favorable du côté de celui qui veut les faire : elles ont toujours cette condition sous-entendue, que les choses demeureront dans le même état. Ainsi, lorsque, après avoir promis une somme d'argent à quelqu'un, on tombe soi-même dans la pauvreté ; ou si on ne la lui a promise qu'à raison du besoin où il était, et qu'une succession inattendue a fait disparaître; ou à titre d'amitié, dont il rompt le premier les il y nœuds par une ingratitude manifeste : dans ces différents cas, a lieu de se refuser à l'exécution de sa promesse. De même, on a promis son cheval à quelqu'un pour faire un voyage; ce projet de voyage est rompu : la promesse tombe d'elle-même. On avait promis une chose pour être employée à un usage saint, honnête; on apprend que c'est à mauvaise intention qu'elle a été demandée, et qu'on se propose d'en faire un usage tout opposé: on n'est plus tenu d'accomplir une semblable promesse.

785. Il en est de la promesse comme de toute autre convention; elle doit être licite dans son objet : toute promesse contraire aux bonnes mœurs est nulle, et ne peut produire aucun effet. Concluez de là que celui qui a promis une somme d'argent ou autre chose pour porter au crime ou à une chose défendue par les lois divines ou humaines, n'a contracté, ni devant Dieu ni devant les hommes, ni avant ni après le crime commis, aucune obligation de payer l'argent ou de faire la chose promise. En promettant quelque chose pour récompense du crime, on pèche; et l'on commet un nouveau péché, ou l'on favorise plus ou moins indirectement le désordre, en exécutant la promesse (2).

(1) Sum. part. 2. 2. quæst. 110. art. 3. — Conférences d'Angers, sur les Con trats, conf. 1. (2) Ibidem. quest. 5. — Voyez, ci-dessus, le no 753.

CHAPITRE X.

Des Donations.'

786. La donation, en général, se définit: un acte par lequel une personne dispose en faveur d'une autre, à titre gratuit, de la totalité ou d'une partie de ses biens. On distingue les donations entre-vifs et les donations testamentaires. Aujourd'hui on ne peut, en France, disposer légalement de ses biens, à titre gratuit, que par donation entre-vifs ou par testament (1).

ARTICLE I.

Dispositions générales.

787. Les substitutions sont prohibées : toute disposition par laquelle le donataire, l'héritier institué, ou le légataire, sera chargé de conserver et de rendre à un tiers, est nulle, mème à l'égard du donataire, de l'héritier institué, ou du légataire (2). Mais, pour une substitution prohibée, il faut : 1o qu'il y ait charge de rendre; les expressions je désire, je prie, ne sont pas suffisantes pour caractériser une substitution prohibée; 2° qu'il y ait charge de conserver; la charge de rendre, qui ne serait pas accompagnée de la charge de conserver, ne forme point une substitution proprement dite; 3° qu'il y ait charge de rendre à un tiers. Et, par la charge indéterminée de rendre, on entend la charge de rendre après la mort de l'institué, après avoir conservé toute sa vie les biens qui sont l'objet de la substitution (3). De là on conclut que le fidéi-commis pur et simple, c'est-à-dire, la disposition par laquelle l'institué serait chargé de rendre tout de suite, ne doit point être rangé dans la classe des substitutions prohibées. On ne regarde pas non plus comme substitution la disposition par laquelle un tiers serait appelé à recueillir le don, l'hérédité ou le legs, dans le cas où le donataire,

(1) Cod. civ. art. 893. —(2) Ibidem. art. 896. — (3) Merlin, Toullier, Pailliet, Rogron, etc.

l'héritier institué, ou le légataire, ne le recueillerait pas. Il en est de même de la disposition entre-vifs ou testamentaire, par laquelle l'usufruit serait donné à l'un, et la nue propriété à l'autre (1).

La loi qui défend les substitutions admet des exceptions: les biens dont il est permis de disposer peuvent être donnés, en tout ou en partie, par acte entre-vifs ou testamentaire, avec la charge de les rendre à un ou plusieurs enfants du donataire, nés ou à naitre, jusqu'au deuxième degré inclusivement (2).

788. Dans toute disposition entre-vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui sont contraires aux lois ou aux mœurs, sont réputées non écrites (3); c'est une dérogation à l'article 1172 du Code civil, portant que toute condition d'une chose impossible ou contraire aux bonnes mœurs est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend. Mais on peut dire, en général, que, pour rejeter une condition, il ne suffit pas qu'elle gène la liberté ou l'inclination du donataire; il ne peut s'en plaindre, puisqu'il est libre de ne pas accepter la donation, si la condition lui paraît trop onéreuse. Suivant M. Toullier (4), « les conditions de changer ou « de ne pas changer de religion seraient rejetées comme non « écrites: » par conséquent, la condition de demeurer fidèle à la foi de ses pères, de ne point adhérer à un schisme, serait regardée comme non avenue devant les tribunaux ; elle ne serait point obligatoire pour le donataire. En serait-il de même au for intérieur? Non, certainement; le donataire ne peut, en conscience, profiter d'une donation qui dépend d'une condition qu'il n'a point remplie, condition évidemment honnête, à laquelle il est d'ailleurs, de droit divin, obligé de se conformer.

789. Toutes personnes peuvent disposer et recevoir, soit par donation entre-vifs, soit par testament, excepté celles que la loi en déclare incapables. Sont incapables de donner, ceux qui ne sont pas sains d'esprit, et ceux qui sont morts civilement. Le mineur n'est pas absolument incapable: il peut, à l'âge de seize ans, disposer par testament de la moitié de ce dont il pourrait disposer s'il était majeur. S'il s'agit de disposer entre-vifs, il peut le faire, par contrat de mariage, en faveur de son époux, et avec le consentement et l'assistance de ceux dont le consentement est requis pour la validité du mariage civil. Quant à la femme mariée, elle peut tester sans autorisation; mais elle ne peut disposer entre-vifs sans l'assis

(1) Cod. civ. art. 898, etc. - (2) L. du 17 mai 1826. —(3) Cod. civ. art. 906. -(4) Droit civ. frang. tom. v. no 260.

tance ou le consentement spécial de son mari, ou sans y être autorisée par la justice (1). Les donations de biens immeubles faites par un failli, dans les dix jours qui précèdent l'ouverture de la faillite, sont nulles et sans effet, relativement à la masse des créanciers (2).

790. Pour être capable de recevoir entre-vifs, il suffit d'être conçu au moment de la donation; s'il s'agit d'une disposition testamentaire, il suffit de l'être à l'époque du décès du testateur. Mais la donation ou le testament n'ont leur effet qu'autant que l'enfant nait viable. Le tuteur ne peut rien recevoir de son pupille, même par testament; il ne le peut, lors même que le pupille est devenu majeur, tant que le compte définitif de la tutelle n'a pas été rendu et épuré. Si cependant le tuteur était un ascendant, la prohibition de recevoir de son pupille n'aurait pas lieu (3). La femme mariée ne peut recevoir aucune donation sans être autorisée par son mari ou par la justice (4). Le mort civilement ne peut non plus recevoir une donation, à moins que la disposition ne soit purement alimentaire (5). Les enfants naturels sont incapables de rien recevoir de leurs père et mère, au delà de ce qui leur est accordé par la loi.

791. Les docteurs en médecine ou en chirurgie, les officiers de santé, les pharmaciens, les ministres d'un culte, ne peuvent profiter des dispositions qu'une personne à laquelle ils ont donné des soins pendant la maladie dont elle est décédée, aurait faites en leur faveur pendant cette même maladie. Ils sont cependant capables de profiter des dispositions rémunératoires, faites à titre particulier et proportionnées aux facultés du donateur, ainsi qu'aux services qu'on lui a rendus. Ils peuvent même recevoir des dispositions universelles dans deux cas : le premier, quand ils sont euxmêmes héritiers en ligne directe du donateur; le second, quand le donateur n'a pas d'héritiers en ligne directe, et que les donataires sont ses parents en ligne collatérale au quatrième degré, ou à un degré plus proche (6). Au civil, les degrés de parenté, même en ligne collatérale, se comptent par génération; de sorte que le quatrième degré civil répond au deuxième degré canonique.

Pour ce qui regarde les ministres de la religion, c'est à la qualité de directeur de la conscience que l'article 905 du Code, que nous venons de rapporter, est applicable. Un prêtre n'est point in

(1) Cod. civ. art. 904. (2) Cod. de commerce, art. 444. (3) Cod. civ. art. 907. — (4) Ibidem. art. 217. —'(5) Ibidem. art. 25. — (6) Ibidem. art. 905.

capable de recueillir les dispositions faites à son profit, quoiqu'il soit continuellement resté auprès d'une personne pendant la maladie dont elle est morte, lorsqu'il n'a point été le confesseur du malade, lors même qu'il lui aurait donné l'extrême-onction (1). Il résulte aussi, de la manière dont le Code s'exprime, que la donation serait valide, si elle était faite à une époque antérieure à la dernière maladie, pourvu que la date fût certaine. Enfin, la mort est la condition de la nullité de la donation ou du testament. Si le malade, revenu en santé, persistait dans sa première disposition, la défense n'aurait plus d'application.

Nous ferons remarquer qu'un curé, qu'un desservant, un vicaire, ou tout autre prêtre exerçant le ministère sacré, ne devrait jamais, sans l'agrément de son évêque, accepter de ceux qui sont ou qui ont été ses pénitents, aucune donation entre-vifs ou testamentaire, ayant pour objet quelque immeuble, ou des meubles de grande valeur, ou une somme d'argent qui serait considérable, cu égard à la position du donateur ou testateur (2). Tout ce qui est permis n'est pas expédient.

792. Toutes dispositions faites au profit de personnes légalement incapables sont nulles, soit qu'elles aient été déguisées sous la forme d'un contrat onéreux, soit qu'elles aient été faites sous le nom de personnes interposées. Sont réputées de droit personnes interposées, les père et mère, les enfants et descendants, et l'époux de la personne incapable (3). Mais est-il important de faire observer que la loi ne prononce la nullité que contre les dispositions déguisées en faveur des incapables? Une donation de ce genre, faite sous la forme d'un contrat onéreux, d'une vente, par exemple, serait valide, si elle était faite au profit d'une personne capable de recevoir, pourvu d'ailleurs qu'elle ne fût en rien contraire aux lois (4).

793. Les dispositions entre-vifs ou testamentaires des biens meubles ou immeubles au profit des églises, des archevêchés et évêchés, des chapitres, des séminaires, des cures et des succursales, des fabriques, des pauvres, des communes, et, en général, de tout établissement public et de toute association reconnue par la loi, ne pourront être acceptées qu'après avoir été autorisées par le gouvernement, sur l'avis préalable des préfets et des évêques, suivant les divers cas. L'acceptation des dons ou legs en argent ou (1) Arrêt de la cour de cassation, du 18 mai 1807. (2) Statuts du diocèse de Rodez, de l'an 1833; du diocèse d'Avignon, de l'an 1836; du diocèse de l'è rigueux, de l'an 1839, etc. (3) Cod civ. art. 911. Grenier, Pailliet, etc.

(4) Merlin, Toullie",

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