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objets mobiliers, n'excédant pas trois cents francs, peut être autorisée par le préfet. Mais toutes les fois qu'il y a charge de service religieux, l'autorisation n'est accordée qu'après l'approbation provisoire de l'évêque diocésain (1).

L'acceptation desdits dons et legs dùment autorisés doit être faite, savoir par les évêques, lorsque les dons ou legs ont pour objet leur évêché, leur cathédrale, ou leurs séminaires; par le curé ou desservant, lorsqu'il s'agit de dons ou legs faits à la cure ou succursale, ou pour la subsistance des ecclésiastiques employés à la desservir; par le trésorier de la fabrique, lorsque le donateur ou le testateur a disposé en faveur de la fabrique, ou pour l'entretien de l'église et le service divin; par le supérieur des associations religieuses, lorsqu'il s'agit de libéralités faites au profit de ces as sociations; par les administrateurs des hospices, bureaux de bienfaisance et de charité, lorsque les libéralités sont en faveur de ces établissements; par le maire de la commune, lorsque les dons et legs sont au profit de la généralité des habitants, ou pour le soulagement et l'instruction des pauvres de la commune; et enfin, par les administrateurs des autres établissements d'utilité publique légalement reconnus, pour tout ce qui est donné ou légué à ces sortes d'établissements (2).

Il n'est pas rare que les héritiers d'un testateur aient recours au gouvernement, pour faire réduire les legs qui se font en faveur des églises, des séminaires, et autres établissements publics. Celui qui par fraude, c'est-à-dire, en falsifiant les faits ou en exagérant ses besoins, obtient cette réduction, se rend manifestement coupable d'injustice. C'est bien assez qu'on soit admis, en exposant la vérité, à frustrer en partie les intentions sacrées d'un mourant, qui comptait peut-être sur cette disposition comme sur le seul moyen qui lui restât de tranquilliser sa conscience, en réparant une injustice, ou en remplissant un devoir de charité. Cependant, on ne doit point, à notre avis, inquiéter les héritiers qui ont obtenu la réduction dont il s'agit sans recourir au mensonge.

794. Quand on n'a ni ascendants ni descendants, les libéralités entre-vifs ou testamentaires peuvent épuiser la totalité des biens du disposant; mais elles ne peuvent excéder la moitié des biens, si le défunt laisse un enfant légitime; le tiers, s'il laisse deux enfants; le quart, s'il en laisse trois ou un plus grand nombre. Si, à défaut d'enfant, il laisse un ou plusieurs ascendants dans chacune

(1) Ordonnance du 2 avril 1817. — (2) Ibidem.

des lignes paternelle et maternelle, les libéralités ne pourront excéder la moitié des biens; s'il ne laisse des ascendants que dans une ligne, elles pourront comprendre les trois quarts, mais elles ne les excéderont point. Les biens réservés au profit des ascendants seront par eux recueillis dans l'ordre où la loi les appelle à succéder; ils auront seuls droit à cette réserve, dans tous les cas où un partage, en concurrence avec des collatéraux, ne leur donnerait pas la quotité des biens à laquelle elle est fixée (1). Les frères et sœurs n'ont pas de réserve.

Les donations entre-vifs ou par testament, qui excèdent la quotité disponible, sont réductibles à cette quotité lors de l'ouverture de la succession; elles ne sont pas nulles, mais elles peuvent être réduites à la portion dont on peut disposer; ou elles ne sont nulles que pour l'excédant de la quotité disponible (2).

Lorsque la valeur des donations entre-vifs excède ou égale la portion disponible, toutes les dispositions testamentaires deviennent caduques; elles doivent être regardées comme non avenues. Mais si les dispositions testamentaires excèdent, soit la quotité disponible, soit la portion de cette quotité qui reste après avoir déduit la valeur des donations entre-vifs, la réduction se fait au marc le franc, sans aucune distinction entre les legs universels et les legs particuliers. Cette réduction se fait proportionnellement à la valeur des legs: celui qui a une valeur double supporte le double dans la réduction. On n'a pas égard à l'époque où les legs ont été faits; ils ont tous la même date, celle du décès (3).

Un père de famille qui a disposé de la portion disponible de ses biens peut-il faire d'autres dispositions gratuites par des dons manuels, soit en faveur du premier donataire, soit en faveur d'un autre? Nous pensons qu'il le peut, pourvu que les dons manuels ne soient pas trop considérables. En permettant à un père de famille de disposer d'une certaine quotité de ses biens, la loi ne parait pas lui interdire la faculté de disposer à volonté de ses revenus. Mais il ne lui serait pas permis, généralement, d'éluder la loi par une donation manuelle, en prenant, par exemple, un capital considérable ou le prix d'un immeuble, pour en faire de nouvelles dispositions.

795. Les dispositions entre-vifs ou testamentaires entre personnes capables de donner et de recevoir, et n'excédant point la

(1) Cod. civ. art. 913 et suiv. 921, etc.

(2) Ibidem. art. 920. - (3) Ibidem. art. 920,

portion disponible, sont-elles nulles au for intérieur, lorsqu'elles ne sont point revêtues des formalités prescrites sous peine de nullité pour le for extérieur? Les docteurs ne s'accordent point sur cetté question. Les uns, en bon nombre, pensent qu'elles sont valables au for intérieur. Distinguant entre l'obligation naturelle et l'obligation civile, ils font tomber la nullité résultant d'un défaut de forme sur l'obligation civile, et non sur l'obligation naturelle. Ce sentiment est certainement probable. D'autres soutiennent que la nullité de l'obligation civile entraîne la nullité de l'obligation naturelle; que toute disposition testamentaire, et même celle qui se fait par acte entre-vifs, est radicalement nulle et sans effet au for intérieur, toutes les fois qu'elle est regardée comme absolument nulle au for extérieur. Ce sentiment n'est point non plus dépourvu de probabilité. Entre ces deux opinions vient se placer une troisième, qui veut que, dans l'incertitude provenant de ce conflit, on donne la préférence au possesseur. C'est l'opinion de plusieurs théologiens, parmi lesquels nous remarquons Billuart et saint Alphonse de Liguori. D'après ce sentiment, le donataire ou légataire qui est en possession des objets qu'on lui a donnés ou légués sans observer les formalités prescrites par la loi, peut les conserver en sûreté de conscience; mais les héritiers du donateur ou testateur peuvent également, en conscience, refuser d'exécuter les dispositions de leur auteur, en faisant casser, au besoin, le testament ou l'acte de donation.

796. Dans cet état de choses, à quoi s'en tenir? Voici ce que nous pensons pour la pratique, modifiant l'opinion que nous avons émise dans notre édition des Conférences d'Angers: 1o un curé, un confesseur étant consulté si on peut en conscience recevoir des héritiers du testateur, ou conserver un legs ou un don nul par défaut de forme, répondra qu'on le peut certainement. Le Code civil même le reconnait, puisqu'il ne permet pas aux héritiers de répéter ce qu'ils ont volontairement payé, pour acquitter un semblable legs, une donation qui n'était point revêtue des formalités prescrites (1). 2° Consulté par les héritiers s'ils sont obligés en conscience d'accomplir les volontés bien connues du testateur, il leur conseillera de les accomplir, ou de traiter à l'amiable avec le légataire; mais il évitera de leur en faire une obligation, de crainte d'aller trop loin; à moins qu'il ne s'agisse d'un legs pieux, et qu'on n'ait de fortes raisons de croire que le testateur n'a fait

(1) Cod. civ. art. 1340.

ce legs que pour réparer une injustice, ou satisfaire au devoir de l'aumône envers les pauvres, pour lesquels il n'aurait pas fait, pendant sa vie, ce qu'il était obligé de faire, de l'aveu de ceux qui l'ont connu. 3o S'il est consulté sur les donations manuelles, accompagnées ou suivies de la délivrance des choses qui en sont l'objet, il répondra qu'elles sont valables. On suppose qu'elles n'excèdent point notablement la quotité disponible, et qu'elles ne sont point faites en fraude de la loi, qui défend de donner à un incapable.

797. 4° Une personne donne irrévocablement, mais sans acte légal, certains effets mobiliers, le donataire présent et acceptant, sous la condition que le donateur conservera jusqu'à la mort l'usage ou l'usufruit des choses qui sont l'objet de cette donation. L'héritier demande s'il est obligé d'acquitter une semblable donation: le confesseur répondra comme pour les donations qui ne sont nulles que par défaut de forme; il exhortera, mais il ne commandera point. 5° Pierre, se trouvant dangereusement malade, donne irrévocablement à Paul une certaine somme d'argent, à condition, cependant, que s'il revient en santé, cette somme lui sera rendue. Quelque temps après, Pierre meurt: Paul peut-il conserver la somme qui lui a été donnée? Nous croyons qu'il peut la conserver; c'est une donation manuelle, dont la condition, qui n'est point potestative, mais casuelle, n'a rien de contraire aux lois. Elle est irrévocable de sa nature, ne pouvant être anéantie que par le retour en santé, qui est la seule condition d'où elle dépend.

6o Paul donne à Pierre une certaine somme d'argent, à condition qu'elle lui sera rendue, s'il la redemande avant sa mort; mais que, s'il ne la redemande pas, Pierre pourra la conserver. Paul étant mort, Pierre demande à son confesseur s'il est obligé de rendre cette somme aux héritiers du donateur. Le confesseur peut, à notre avis, répondre qu'il n'y est point obligé. Que cette donation soit révocable ou non, si elle n'est point révoquée, si le donatcur veut qu'elle subsiste, elle doit avoir son effet. « Dans les donations et autres actes de bienfaisance, dit M. Toullier, il de« vrait être permis à celui qui fait une libéralité, de stipuler qu'il pourra la révoquer par sa volonté seule. C'est au donataire à voir «<s'il doit se soumettre à cette condition, qui n'a rien de contraire - aux bonnes mœurs. Le donateur peut mettre à son bienfait telle condition que bon lui semble (1). »

(1) Droit civ. franç. tom. v. no 219. — Voyez aussi Delvincourt, Cours de Cod. civ. tom. 11. pag. 468.

798. 7° Paul, se trouvant malade, dit à son domestique de prendre dans son secrétaire l'argent qui s'y trouve, ajoutant qu'il Je lui donne sans préjudice de son gage. Le domestique l'accepte, et répond qu'il le prendra; mais il ne le prend qu'après la mort de Paul. Peut-il conserver cet argent? Nous pensons encore qu'il peut le conserver, car il lui a été vraiment donné : qu'il l'ait pris avant ou après la mort de son maître, la donation n'en est pas moins réelle; après, comme auparavant, l'argent était à la disposition du domestique.

8° Paul répète de temps en temps à son domestique qu'il veut reconnaître ses services; qu'il se propose de faire un legs en sa faveur, ou de lui donner une certaine somme d'argent. Paul meurt sans avoir fait aucune disposition au profit de son domestique. Celui-ci peut-il prendre la somme qu'il croit lui avoir été promise? Non; car autre chose est de donner, autre chose de former le projet de donner, d'en faire même une espèce de promesse vague et générale, sans avoir intention de s'obliger.

ARTICLE II.

Des Donations entre-vifs.

799. La donation entre-vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte. Tout acle portant donation entre-vifs doit être passé devant notaire, dans la forme ordinaire des contrats; et il doit en rester minute, sous peine de nullité (1). Nous disons d'après le Code, tout acte, et non pas toute donation: dans le fait, il est des donations qui peuvent être consommées sans rédaction d'aucun acte : ce sont celles des choses mobilières. Du moment où les choses ont été livrées, la donation est parfaite, même au for extérieur. Ces donations se nomment manuelles, parce qu'elles sont faites de la main à la main : on ne pouvait pas les proscrire; c'eût été enlever à l'homme un des droits qui lui appartiennent le plus naturellement, c'est-à-dire le droit de donner des gratifications, de faire des présents pour exercer des actes de générosité, et récompenser à l'instant même des services rendus. La donation entre-vifs n'engage le donateur et n'a son effet que

(1) Cod. civ. art. 931,

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