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ils détruisent le contrat de société, puisqu'ils affranchissent de toute perte l'un des associés. Ils invoquent d'ailleurs la bulle Detestabilis de Sixte-Quint, qui paraît être contraire au triple contrat. Les autres (1), dont saint Alphonse de Liguori croit le sentiment assez probable, satis probabilis (2), pensent que les trois contrats sont permis, pourvu que les parties aient vraiment l'intention de faire un contrat de société, et que celui qui reçoit le fonds en argent soit obligé de l'employer au commerce pour lequel la société a été établie. Ces auteurs ajoutent qu'il n'est pas exact de dire qu'un contrat fait de cette manière se change en prêt, puisque l'associé qui reçoit l'argent ne peut pas, comme dans le simple prêt, en disposer à volonté. Quant à la bulle de Sixte-Quint, ils répondent qu'elle n'est point applicable au triple contrat. Aussi, le pape Benoît XIV, après avoir rapporté les raisons et les autorités pour ou contre, ajoute que le saint-siége n'a pas encore, jusqu'ici, censuré l'opinion qui est pour le triple contrat, et qu'un évêque doit s'abstenir de la censurer: « Neque apostolica sedes priori opinioni, etsi minus congruere videatur Síxtinæ constitutioni, ullam « hactenus censuram inussit, a qua proinde eidem infligenda debet « episcopus abstinere (3). » On peut donc tolérer, dans la pratique, ceux qui ont recours aux trois contrats pour faire valoir leur argent. Néanmoins, comme ces trois contrats sont dangereux, de l'aveu de tous, il faut en dissuader les fidèles. C'est l'avis du même Pape (4) et de saint Alphonse de Liguori. « Cæterum, quia non po<< test negari hujusmodi contractum periculo non carere animi usu

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« rarii, hinc censeo, dit ce saint évêque, expedire ut prima sententia « (contra trinum contractum) universe omnibus suadeatur (5). »

CHAPITRE XV.

Du Dépôt.

882. Le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d'autrui, à la charge de la garder, et de la restituer en nature.

(1) Navarre, de Lugo, Lessius, Bonacina, Laynıann, etc., etc. (2) Lib. I. n° 908.-(3) De Synod, diœces. lib. vì. cap. 50. — (4) Ibidem. — (5) Lib. 111. n° 908.

Il y a deux espèces de dépôts : le dépôt proprement dit et le séquestre.

Le dépôt proprement dit est un contrat par lequel une personne confie une chose corporelle et mobilière à garder à une autre, qui s'en charge gratuitement, et s'oblige de la rendre à la volonté du déposant. C'est un contrat essentiellement gratuit, contrat réel, qui n'est parfait que par la tradition de la chose déposée. Il ne peut avoir pour objet que des choses mobilières. Ce dépôt est volontaire ou nécessaire.

ARTICLE I.

Du Dépôt volontaire.

883. Le dépôt volontaire se forme par le consentement réciproque de la personne qui fait le dépôt et de celle qui le reçoit. Il ne peut régulièrement être fait que par le propriétaire de la chose déposée, ou de son consentement exprès ou tacite.

Le dépositaire est tenu, par la nature du contrat, d'apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu'il apporte à la garde des choses qui lui appartiennent. Toutefois, on a droit d'exiger de lui une exactitude plus rigoureuse dans les cas suivants: 1o si le dépositaire s'est offert lui-même pour recevoir le dépôt; 2° s'il a stipulé un salaire pour la garde du dépôt; 3o si le dépôt a été fait uniquement pour l'intérêt du dépositaire; 4° s'il a été convenu expressément que le dépositaire répondrait de toute espèce de faute. Mais le dépositaire n'est tenu, en aucun cas, des accidents de force majeure, à moins qu'il n'ait été mis en demeure de restituer la chose déposée.

Il ne peut se servir de la chose déposée sans permission expresse ou présumée du déposant. Il ne doit point non plus chercher à connaître quelles sont les choses qui forment le dépôt, si elles lui ont été confiées dans un coffre fermé ou sous enveloppe cachetée.

884. Le dépositaire doit rendre identiquement la chose même qu'il a reçue. Si donc le dépôt est d'argent monnayé, il doit rendre les mêmes pièces, sans égard à l'augmentation ou à la diminution qui a pu s'opérer dans leur valeur. Il est tenu de rendre la chose dans l'état où elle se trouve au moment de la restitution, et il ne répond que des détériorations survenues par son fait. Si par dol, ou par quelque faute du genre de celles dont il est tenu, il a

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cessé de posséder la chose, il en doit restituer la valeur, avec dommages et intérêts, s'il y a lieu. Il en est de même à l'égard de son héritier, s'il avait connaissance du dépôt. Si, au contraire, il a vendu la chose de bonne foi, il n'est tenu que de rendre le prix qu'il a reçu, ou de céder son action contre l'acheteur, s'il n'a pas touché le prix.

Le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu'à celui qui la lui a confiée, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, ou à celui qui a été indiqué pour le recevoir. En cas de mort de la personne qui a fait le dépôt, la chose déposée ne peut être rendue qu'à ses héritiers.

Les obligations du dépositaire cessent, s'il vient à découvrir qu'il est lui-même propriétaire de la chose déposée.

Le déposant est obligé de rembourser au dépositaire les dépenses qu'il a faites pour la conservation de la chose déposée, et de l'indemniser de tout le préjudice que le dépôt peut lui avoir occasionné. Le dépositaire peut retenir la chose déposée jusqu'à l'entier payement de tout ce qui lui est dû (1).

ARTICLE II.

Du Dépót nécessaire.

885. Le dépôt nécessaire est celui qui a été forcé par quelque accident, tel qu'un incendie, une ruine, un pillage, un naufrage ou autre événement imprévu. Ce dépôt est régi par les mêmes règles que le dépôt volontaire.

Les aubergistes ou hôteliers sont responsables, comme dépositaires, des effets apportés par le voyageur qui loge chez eux. Le dépôt de ces sortes d'effets est regardé comme un dépôt nécessaire. Il se forme une convention entre l'hôtelier et le voyageur, par laquelle l'hôtelier s'oblige, envers le dernier, de le loger, et de garder ses hardes, chevaux et autres équipages; et le voyageur, de son côté, s'oblige de payer la dépense.

Il n'est pas nécessaire que le voyageur remette ses effets au maitre lui-même; celui-ci répond de ses domestiques et des personnes qui font le service de sa maison. Ainsi, lorsqu'un voyageur donne aux domestiques qui le conduisent dans les chambres une valise ou

(1) Voyez le Cod. civ. art. 1917, etc.

uatres effets, ou lorsqu'il remet son cheval dans l'écurie à la garde du palefrenier, le maître en répond comme si la remise lui en avait été faite à lui-même (1). Il n'en serait pas de même si un voyageur miprudent remettait, hors de la présence du maître, des effets à un enfant ou à une autre personne qu'il trouve à la porte, et qu'il a crue, par erreur, domestique de la maison : dans ce cas, le maître n'en répondrait pas; il n'en répond que lorsque le dépôt a été fait à lui-même ou à ses domestiques. Mais il n'est point responsable des vols faits avec force armée ou autre force majeure (2).

ARTICLE III.

Du Séquestre.

886. Le séquestre est le dépôt d'une chose contentieuse, entre les mains d'un tiers qui s'oblige de la garder et de la remettré, après la contestation terminée, à celui auquel elle aura été aðjugée. Le séquestre est conventionnel ou judiciaire. Il est conventionnel, quand il a été fait du consentement des parties, sans ordonnance du juge. Il peut n'être pas gratuit; et, à la différence du dépôt proprement dit, qui n'a pour objet que des effets mobiliers, le séquestre peut avoir lieu même pour des immeubles. Le séquestre judiciaire est celui qui est fait par l'ordre de la justice (3).

CHAPITRE XVI.

Du Jeu, de la Rente viagère, et autres Contrats aléatoires.

887. Le contrat aléatoire est une convention réciproque, dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un événement incertain: tels sont le contrat d'assurance, le prêt à grosse aventure, le jeu et le pari, et le contrat de rente viagère (4). Dans ces sortes de contrats, la perte ou le bénéfice des parties dépend d'un événement incertain: aussi n'y a-t-il jamais lieu à rescision pour cause de lésion.

(1) L. 1. §3. Nautæ, caupones. →→→ (2) Cod. civ. art. 1949, etc. (3) Voyez le Cod. civ. art. 1955, etc. (4) lbidem. art. 1964.

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Le contrat d'assurance est celui par lequel une des parties répond, moyennant un prix convenu, du risque des cas fortuits auxquels se trouve exposée la chose d'un autre. Toute réticence, toute fausse déclaration de la part de l'assuré, toute différence entre le contrat d'assurance et le connaissement, qui diminueraient l'opinion du risque ou en changeraient le sujet, annulent l'assurance. L'assurance est encore nulle, même dans le cas où la réticence, la fausse déclaration ou la différence n'auraient pas influé sur le dommage ou la perte de l'objet assuré (1).

Le prêt à grosse aventure est celui qui est fait sur des objets composant une expédition maritime, avec la condition que si les objets périssent, la somme prêtée ne sera point remboursée, et que, s'ils ne périssent pas, le prêteur recevra non-seulement la somme prétée, mais encore un profit convenu, qui peut excéder l'intérêt du prêt fixé par la loi. Ce contrat diffère essentiellement du simple prêt, où la chose prêtée demeure aux risques de l'emprunteur, qui en est devenu le propriétaire absolu (2).

ARTICLE I.

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Du Jeu.

888. Le jeu, en général, est la convention faite par les parties, que celle qui perdra payera à l'autre une certaine somme ou une certaine chose. Le pari est la convention par laquelle deux personnes, prétendant que telle chose est ou n'est pas, que tel événement arrivera ou n'arrivera pas, stipulent que celle qui se trouvera avoir tort payera à l'autre telle ou telle chose déterminée.

Le jeu n'est point mauvais de sa nature; mais il est facile d'en abuser. On doit donc le régler suivant les principes de la sagesse chrétienne, par rapport aux personnes, aux temps, aux lieux et Attendendum est, dit aux circonstances qui l'accompagnent.

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saint Thomas, sicut et in omnibus aliis humanis actionibus, ut « ludus congruat personæ, tempori et loco, et secundum alias circumstantias debite ordinetur, ut scilicet sit tempore et homine dignus (3).

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889. On distingue les jeux de hasard, ainsi appelés parce qu'ils dépendent uniquement du hasard, saus que l'adresse y ait aucune

(1) Voyez le Code de commerce, art. 332 et suiv. —(2) Ibid. art. 311 et sniv (3) Sum. part. 2. 2. quæst. 168, art. 2.

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