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part, comme sont les jeux de dés, certains jeux de cartes, et la loterie; les jeux d'adresse, qui dépendent principalement de l'industrie, comme les jeux de dames, d'échecs, de billard, de paume, et autres jeux qui tiennent à l'exercice du corps; enfin, les jeux mixtes, où il y a autant d'adresse que de hasard, moralement parlant, comme, par exemple, le tric trac et certains jeux de cartes. Les jeux de hasard sont généralement défendus par les lois de l'Église; mais la rigueur des anciens canons se trouve, sur ce point, tempérée par l'usage, du moins pour ce qui concerne les laïques.

Relativement aux dettes du jeu, nous disons, 1° qu'on est tenu, naturellement et civilement, de payer les dettes contractées aux jeux d'adresse, quand ces dettes ne sont pas trop considérables, eu égard à la position des personnes intéressées. En refusant toute action pour une dette du jeu ou le payement d'un pari, la loi excepte de cette disposition « les jeux propres à exercer au fait des armes, « les courses à pied ou à cheval, les courses de chariot, le jeu de << paume et autres jeux de même nature, qui tiennent à l'adresse et « à l'exercice du corps (1). » Néanmoins, pour ce qui regarde l'obligation civile, il est important de faire remarquer que « le tribunal " peut rejeter la demande quand elle lui paraît excessive (2). »

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Nous disons, 2° que, suivant le sentiment qui nous paraît le plus probable (3), on est obligé, en conscience, d'acquitter même celles des dettes de jeu auxquelles la loi refuse son action, parce qu'elles paraissent excessives, ou parce qu'elles ont été contractées par un pari ou à un jeu de hasard. Le jeu, même illicite à raison de la défense de jouer, est un contrat aléatoire qui oblige naturellement les parties, tandis qu'il n'est point cassé, annulé par les lois. Or, il n'existe aucune loi qui annule ce contrat. Cependant, comme ce sentiment n'est pas certain, il ne faudrait point inquiéter, au tribunal de la pénitence, ceux qui feraient difficulté de payer ce qu'ils ont perdu au jeu : on doit les y engager, sans leur en faire une obligation (4).

Nous disons, 3o qu'on peut conserver le gain qu'on a retiré du jeu, la somme qu'on a reçue du perdant, lorsque celui-ci l'a payée volontairement, si d'ailleurs il n'y a pas fraude de la part du gagnant. Qu'il s'agisse d'un jeu permis ou défendu, d'une somme excessive ou modérée, le gagnant n'est point obligé de restituer.

(1) Cod. civ. art. 1966. (2) Ibidem. Mgr Bouvier, Pothier, Delvincourt, etc. S. Alphonse de Liguori, etc.

(3) Voyez Sylvius, Billuart, Habert, -(4) Voyez Sanchez, de Lugo, Lessius,

Dans aucun cas, porte l'article 1967 du Code civil, le perdant ne « peut répéter ce qu'il a volontairement payé, à moins qu'il n'y ait « eu, de la part du gagnant, dol, supercherie ou escroquerie, » Un gain peut être illicite sans être injuste.

890. Nous disons, 4° que celui qui, en jouant, a usé de violence, de dol, de supercherie ou d'escroquerie, s'est rendu coupable d'injustice, et ne peut par conséquent retenir ce qu'il a gagné. Ainsi l'on est tenu de restituer le gain qu'on a retiré du jeu, lorsqu'on a contraint une personne à jouer, ou qu'on l'y a engagée par menaces, par injures, ou par des importunités pressantes et excessives. Ces menaces, ces injures, ces importunités trop grandes, sont comme une espèce de violence qui ne doit jamais tourner au profit de celui qui en est l'auteur. Il y a encore injustice de la part du gagnant qui a recouru à la fraude, à la supercherie. Ceux qui sont complices de la fraude, ceux qui, par exemple, font signe à un joueur pour lui donner connaissance du jeu de celui avec lequel il joue, ou qui donnent, par malice, un mauvais conseil à un joueur pour lui faire jeter une carte mal à propos, se rendent par là même complices de l'injustice, et sont obligés de la réparer, à défaut de celui qui en a profité. On doit, en cas de fraude, restituer au perdant, non-seulement ce qu'il a perdu par suite de la fraude, mais encore ce qu'il eût certainement ou probablement gagné, si on ne l'avait pas trompé. « Certum est, dit saint Alphonse de Liguori, quod fraudator tenetur restituere non solum id quod lucratus est, sed etiam quod alter juste lucraturus erat, si fraus abfuisset (1). Si le gain qu'il eût fait sans cette fraude était incertain, on doit l'indemniser à raison de l'espérance qu'il avait de gagner: « Tenetur ad dandum alteri quantum valebat spes lucrandi........ Quia « spes illa qua alter per fraudem privatus est, jam aliquo pretio digna erat (2). »

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Nous disons, 5° qu'on est encore obligé de restituer, quand on a gagné de l'argent ou des objets qu'on savait avoir été volés, ou qu'on a joué avec des enfants de famille auxquels on a gagné ce dont ils ne pouvaient disposer. Il en est de même à l'égard des femmes qui sont sous la puissance de leur mari. Cependant la mcdicité des sommes qu'on aurait loyalement gagnées à ces personnes peut dispenser de la restitution; parce qu'il est à présumer que ceux qui avaient droit de s'opposer aux pertes qu'elles font au jeu, y consentent du moins après coup. Mais et les femmes

(1)Lib. m. no 882. —(2) Ibidem

et les mineurs peuvent exposer au jeu l'argent dont ils ont la libre dispensation.

891. Nous finirons cet article en rappelant que les Pères et les docteurs de l'Église se sont constamment élevés contre ceux qui s'adonnent au jeu, surtout aux jeux de hasard. Les curés et les confesseurs feront donc tout ce qui dépendra d'eux pour prémunir les fidèles contre la passion du jeu, qui ne peut être qu'une source de désordres et dans les jeunes gens et dans les pères de famille. Ils ne peuvent tolérer, au tribunal sacré, la conduite de ceux qui s'exposent à des pertes fréquentes et considérables, capables de déranger notablement leurs affaires; ou qui tiennent des maisons de jeux de hasard, ou qui établissent ces sortes de jeux dans les rues, chemins, places ou lieux publics. Ils ne pourront non plus tolérer la conduite des enfants de famille qui, pour pouvoir jouer, commettent fréquemment des vols envers leurs parents, quelque peu considérables qu'ils soient, pris isolément.

ARTICLE II.

Du Contrat de rente viagère.

892. La constitution de rente viagère est un contrat par lequel une partie s'engage envers l'autre, à titre gratuit ou onéreux, à servir une rente annuelle, payable pendant la vie naturelle de la personne ou des personnes désignées au contrat. Si la rente viagère est constituée à titre purement gratuit, c'est une véritable donation qui doit être revêtue des formes requises pour les dispositions entre-vifs ou testamentaires, et qui est assujettie aux règles concernant la portion disponible, et la capacité du donateur et du donataire. Si, au contraire, elle est constituée à titre onéreux, elle a le caractère d'une vente, dont le prix peut consister, soit dans une somme d'argent, soit dans un meuble ou un immeuble quelconque.

La rente viagère peut être constituée, soit sur la tête de celui qui en fournit le prix, soit sur la tête d'un tiers qui n'a d'ailleurs aucun droit d'en jouir; comme elle peut l'être sur une ou sur plusieurs têtes, ou au profit d'un tiers, quoique le prix en soit fourni par une autre personne.

Tout contrat de rente viagère créé sur la tête d'une personne qui était morte au jour du contrat, est nulle et ne produit aucun effet. Si donc, par exemple, je vous donne une somme pour la

constitution d'une rente sur la tête de mon frère, dont nous ignorons la mort, le contrat est nul de plein droit; je puis répéter cette somme, parce que je vous l'ai donnée sans cause. Il en est de même du contrat par lequel la rente a été créée sur la tête d'une personne atteinte de la maladie dont elle est décédée dans les vingt jours de la date du contrat.

893. La rente viagère étant un contrat aléatoire, peut être constituée aux conditions qu'il plaît aux parties de contracter. Ainsi, je puis vous donner une somme de 40,000 fr., à condition que vous me servirez pendant toute ma vie une rente annuelle de 3,000 fr. Ce contrat sera valable, quoique la rente excède l'intérêt légal; car je vous ai abandonné mon capital, et nous courons l'un et l'autre des chances de perte ou de gain, selon que je vivrai plus ou moins longtemps. Comme les chances de perte ou de gain peuvent varier, le taux de la rente peut par là même être plus ou moins élevé, sans que le contrat puisse être attaqué pour cause d'usure ou de lésion. Si cependant le taux était excessif; si, tout considéré, il paraissait exorbitant, il serait réductible au for intérieur, au jugement des hommes prudents. Il serait évidemment injuste, généralement, d'abuser de la nécessité d'un homme qui vous demande de l'argent, pour constituer une rente viagère, à raison de trente ou de vingt pour cent.

894. Celui au profit duquel la rente viagère a été constituée, à titre onéreux, peut faire résilier le contrat, si le constituant ne lui donne pas les sûretés qu'on avait promises, sans être obligé de restituer les arrérages qu'il a perçus. Mais il ne peut demander la restitution du capital ou de l'objet aliéné à charge de la rente, pour défaut de payement des arrérages. Il a seulement droit de saisir et de faire vendre les biens de son débiteur, et de faire ordonner ou de consentir, sur le produit de la vente, l'emploi d'une somme suffisante pour le service de la rente.

Le débiteur d'une rente viagère est tenu de la servir pendant toute la vie de la personne ou des personnes désignées au contrat, quelle qu'en soit la durée, et quelque onéreux que puisse devenir le service de la rente, sans qu'il puisse s'en libérer en aucune manière, même en offrant de restituer le prix ou capital, et de renoncer à la répétition des arrérages payés.

La rente viagère n'est acquise au propriétaire ou créancier que dans la proportion du nombre de jours qu'il a vécu ou qu'a vécu la personne désignée au contrat, à moins cependant qu'il n'ait été

convenu qu'elle serait payée d'avance: auquel cas le terme entier est acquis du jour où le payement a dû être fait (1).

CHAPITRE XVII.

Du Mandat.

895. Le mandat est un contrat par lequel un des contractants confie la gestion d'une ou de plusieurs affaires à l'autre, qui s'en charge et s'oblige à lui en rendre compte. On nomme mandant celui qui confie les pouvoirs, et mandataire celui qui les accepte. Le mandat prend aussi le nom de procuration, et le mandataire celui de procureur fondé. Ce contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire; mais l'acceptation peut n'être que tacite, et résulter de l'exécution du mandat (2).

En acceptant le mandat, le mandataire contracte trois obligations: la première, de gérer l'affaire dont il est charge; la seconde, d'y apporter tout le soin qu'elle exige; et la troisième, de rendre compte de sa gestion. Premièrement, il est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé; et il répond des dommagesintérêts qui pourraient résulter de son inexécution. Il est même tenu d'achever la chose commencée au décès du mandant, s'il y a péril en la demeure. Mais il doit se renfermer rigoureusement dans les termes du pouvoir qui lui a été donné, en observant que le mandat, même conçu en termes généraux, n'est présumé contenir, à défaut d'une stipulation expresse, que le pouvoir de faire les actes d'administration. Ainsi, toutes les fois qu'il s'agit d'aliéner, d'hypothéquer, ou de faire quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès. Par la même raison, le pouvoir de transiger ne renferme pas celui de compromettre.

896. La seconde obligation du mandataire est d'apporter à l'affaire tout le soin qu'elle exige. Il répond non-seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion. Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit, qu'à celui qui reçoit un salaire. Il répond de celui qu'il s'est substitué dans la gestion,

(1) Voyez le Code civ. art. 1968 et suiv. — (2) Ibid. art. 1984 et suiv.

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