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même affaire, la transaction faite par l'un d'eux ne lie point les autres, et ne peut être opposée par eux (1).

CHAPITRE XX.

Du Nantissement.

905. Le nantissement est un contrat par lequel un débiteur remet une chose à son créancier pour sûreté de la dette. C'est un contrat réel, qui ne peut avoir lieu que par la tradition de la chose qui en est l'objet. Il y a cette différence entre le nantissement et l'hypothèque, que, par le nantissement, la chose est remise au créancier, au lieu que le débiteur garde la chose hypothéquée. Le nantissement d'une chose mobilière s'appelle gage; et celui d'une chose immobilière s'appelle antichrèse.

ARTICLE I.

Du Gage.

906. Le gage confère au créancier le droit de se faire payer sur la chose qui en est l'objet, par privilége et préférence aux autres créanciers. Le débiteur reste propriétaire du gage, qui n'est dans la main du créancier qu'un dépôt pour assurer le privilége de celui-ci. Le créancier ne peut en disposer, même à défaut de payement; il peut seulement faire ordonner en justice que le gage lui demeurera en payement et jusqu'à due concurrence, d'après une estimation faite par experts, ou qu'il sera vendu aux enchères. Toute clause qui autoriserait le créancier à s'approprier le gage ou à en disposer à volonté serait nulle (2). Cette nullité a pour but d'empêcher la fraude du créancier usurier, qui, en ne donnant qu'une très-modique valeur à la chose engagée, trouverait moyen de se procurer par là des intérêts excessifs. Le créancier doit apporter à la conservation du gage tous les soins d'un bon père de famille (3); il répond de la perte ou détérioration survenue par sa

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(1) Cod. civ. art. 2044 et suiv. (2) Ibid. art. 2078. 2080.

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négligence; mais il n'est pas tenu des cas fortuits. Il doit tenir compte au débiteur des fruits que la chose engagée a pu produire. Si donc il s'agit d'une créance donnée en gage, et que cette créance porte intérêts, il doit les imputer sur les intérêts de la dette, si elle en produit; sinon, sur le capital. Comme aussi, dans le cas où un animal, une vache, une jument, par exemple, aurait été donné en gage, s'il vient à mettre bas, le veau ou le poulain appartiendrait au débiteur; le créancier ne pourrait les retenir que pour sûreté de sa créance.

907. De son côté, le débiteur doit tenir compte au créancier des dépenses utiles et nécessaires que celui-ci a faites pour la conservation du gage; et, à moins que le détenteur du gage n'en abuse, le débiteur ne peut en réclamer la restitution qu'après avoir entièrement payé, tant en principal qu'intérêts et frais, la dette pour la sûreté de laquelle le gage a été donné. S'il existait de la part du même débiteur, envers le même créancier, une autre dette contractée postérieurement à la mise en gage, et devenue exigible avant le payement de la première dette, le créancier ne serait point tenu de se dessaisir du gage avant d'être entièrement payé de l'une et de l'autre dette, lors même qu'il n'y aurait eu aucune stipulation pour affecter le gage au payement de la seconde.

Le gage est indivisible, nonobstant la divisibilité de la dette, entre les héritiers du débiteur ou ceux du créancier. Par conséquent, l'héritier du débiteur qui a payé sa portion dans la dette ne peut demander la restitution de sa portion dans le gage, tant que la dette n'est pas entièrement payée; et, réciproquement, l'héritier du créancier qui a reçu sa part dans la dette ne peut remettre le gage, même en partie, tant que ses cohéritiers ne sont pas entièrement payés (1).

ARTICLE II.

De l'Antichrèse.

908. Par l'antichrèse, le créancier acquiert la faculté de percevoir les fruits de l'immeuble qui en est l'objet, à la charge de les imputer annuellement sur les intérêts, s'il lui en est dû, et ensuite sur le capital de sa créance. Il est tenu, s'il n'en est autrement convenu, de payer les contributions et les charges annuelles de l'im

(1) Cod. civ. art. 2071 et suiv.

meuble qu'il tient en antichrèse. Il doit également, sous peine de dommages et intérêts, pourvoir à l'entretien et aux réparations utiles et nécessaires de l'immeuble, sauf à prélever sur les fruits toutes les dépenses relatives à ces divers objets.

Le créancier ne devient point propriétaire de l'immeuble par le seul défaut du payement au terme convenu; toute clause contraire est nulle; mais, en ce cas, il peut poursuivre l'expropriation de son débiteur par les voies légales. Lorsque les parties ont stipulé que les fruits se compenseront avec les intérêts, ou totalement, ou jusqu'à une certaine concurrence, cette convention s'exécute comme toute autre qui n'est point prohibée par les lois.

Il en est de l'antichrèse comme du gage, elle est indivisible entre les héritiers du débiteur ou ceux du créancier. Ni le débiteur ni ses héritiers ne peuvent, avant l'entier acquittement de la dette, réclamer la jouissance ou la rentrée de l'immeuble, dont le créancier est détenteur à titre d'antichrèse (1).

CHAPITRE XXI.

Des Priviléges et Hypothèques.

909. Quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir ses engagements sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, corporels et incorporels, présents et à venir. Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers, et le prix s'en distribue entre eux par contribution, ou au marc le franc, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence. Les causes légitimes de préférence sont les priviléges et les hypothèques.

ARTICLE I.

Des Priviléges.

910. Le privilége dont il s'agit ici est un droit que la qualité de la créance donne à un créancier d'être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires. Cette préférence se règle par les diffé

(1) Cod. civ. art. 2085 et suiv.

M. I.

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rentes qualités des priviléges, sans égard à l'époque où la créance a été contractée : Privilegia creditorum non ex tempore æstimantur, sed ex causa (1). » Si plusieurs créanciers privilégiés se trouvent dans le même rang, ils doivent être payés par concurrence. Exemple: Un médecin a donné ses soins à un malade, et un pharmacien lui a fourni les remèdes; il leur est dû à chacun 100 fr. ; les frais de justice et funéraires payés, il ne reste que 100 fr.; dans ce cas, le médecin et le pharmacien viennent par concurrence, c'est-à-dire qu'ils recevront chacun 50 fr.

Les priviléges peuvent frapper sur tous les biens, ou seulement sur les meubles, ou seulement sur les immeubles.

§ I.-Des Priviléges sur tous les biens.

911. Les créances privilégiées sur la totalité des biens, sont : 1o les frais de justice, tels que les frais de scellés, d'inventaire, de vente, de liquidation, etc.; 2° les frais funéraires, non excessifs, mais proportionnés à la naissance, au rang et à la fortune du défunt; 3o les frais quelconques de dernière maladie, tels que les avances du pharmacien, l'honoraire du médecin, etc.; 4° les gages ou salaires des gens de service pour l'année échue, et ce qui est dû sur l'année courante; 5° les fournitures des subsistances faites au débiteur et à sa famille, savoir: pendant les six derniers mois, par les marchands en détail, tels que boulangers, bouchers et autres; et, pendant la dernière année, par les maîtres de pension et marchands en gros (2).

Ces priviléges s'exercent dans l'ordre où nous venons de les placer, et par concurrence pour ceux de la même classe. Ils frappent d'abord sur le mobilier; et, en cas d'insuffisance, ils peuvent frapper sur les immeubles, et sont préférés même aux créances privilégiées sur lesdits immeubles (3).

SII.-Des Priviléges sur les meubles seulement.

912. Ces priviléges ne frappent pas tous les meubles du débiteur, mais seulement sur quelques-uns d'entre eux; ce sont, 1o celui du bailleur à ferme ou à loyer, sur les fruits de la ré

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(1) L. xvn. ff. de Privil, credit. — (2) Cod. civ. art. 2101. — (3) Ibidem. art.

colte de l'année, ainsi que sur le prix de tout ce qui garnit la maison ou la ferme, et tout ce qui sert à l'exploitation. Quant à la quotité de la somme pour laquelle ce privilége peut être exercé, il faut distinguer si le bail a une date certaine, ou non. Si le bail a une date certaine, le privilége a lieu pour tous les loyers échus et à échoir jusqu'à la fin du bail; sauf aux autres créanciers à relouer à leur profit la maison ou la ferme, pour le restant du bail. Mais, dans ce cas, si le propriétaire ne se trouve pas entièrement payé des loyers échus et à échoir, par l'effet de son privilége, ils sont personnellement responsables envers lui de tout ce qui lui serait encore dû. Si le bail n'a pas de date certaine, le privilége n'a lieu que pour une année, à partir de l'expiration de l'année courante.

Le même privilége a lieu pour les réparations locatives, et pour tout ce qui concerne l'exécution du bail. Néanmoins, les sommes dues pour les semences ou pour les frais de la récolte de l'année sont payées sur le prix de la récolte; et celles dues pour ustensiles, sur le prix de ces ustensiles, par préférence au propriétaire.

Celui-ci peut saisir les meubles qui garnissent sa maison ou sa ferme, lorsqu'ils ont été déplacés sans son consentement, et il conserve sur eux son privilége, pourvu qu'il ait fait la revendication, savoir lorsqu'il s'agit du mobilier qui garnissait une ferme, dans. le délai de quarante jours; et dans celui de quinze jours, s'il s'agit de meubles garnissant une maison.

913. 2o Le privilége du créancier saisi d'un gage, sur le prix de la chose engagée.

3o Celui des frais faits pour la conservation d'une chose, sur la chose conservée.

4o Celui du vendeur d'effets mobiliers non payés, sur le prix desdits effets, tant qu'ils sont en possession du débiteur, lors même qu'il aurait été donné terme et délai pour le payement. Si la vente a été faite sans terme, outre ce privilége, le vendeur a encore le droit de revendiquer les objets et d'en empêcher la revente; mais il faut pour cela que les objets soient encore dans la main du débiteur, qu'ils se trouvent dans le même état que lors de la livraison, et que la revendication soit faite dans la huitaine de ladite livraison.

Le privilége du vendeur ne s'exerce toutefois qu'après celui du propriétaire de la maison, ou de la ferme, à moins qu'il ne soit prouvé que le propriétaire avait connaissance que les meubles et autres objets garnissant sa maison ou sa ferme n'appartenaient pas au locataire.

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