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5o Celui de l'aubergiste sur les effets apportés dans son auberge, pour les dépenses du voyageur auquel ils appartiennent.

6o Celui du voiturier sur le prix de la chose voiturée, pour les frais de voiture et dépenses accessoires.

7o Celui qui résulte des condamnations obtenues contre les fonctionnaires publics, pour abus et prévarications commis par eux dans l'exercice de leurs fonctions. Ce privilége s'exerce sur les fonds de leur cautionnement, et sur les intérêts qui peuvent en être dus (1).

§ III. Des Priviléges sur les immeubles.

914. Les créanciers privilégiés sur les immeubles sont : 1o le vendeur sur l'immeuble vendu, pour le payement du prix, et pour les intérêts, lorsqu'ils sont dus. S'il y a plusieurs ventes successives dont le prix soit dû en tout ou en partie, le premier vendeur est préféré au second, le deuxième au troisième, et ainsi de suite.

2o Ceux qui ont fourni les deniers pour l'acquisition d'un immeuble, pourvu qu'il soit authentiquement constaté, par l'acte d'emprunt, que la somme était destinée à cet emploi; et, par la quittance du vendeur, que ce payement a été fait des deniers empruntés.

3o Les cohéritiers, sur les immeubles de la succession, pour la garantie des partages et des soultes, et pour le prix des licitations. 4o Les architectes, entrepreneurs, maçons et autres ouvriers employés pour édifier, reconstruire ou réparer des bâtiments, canaux ou autres ouvrages quelconques; pourvu, néanmoins, qu'on ait rempli les formalités prescrites.

5o Ceux qui ont prêté les deniers pour payer ou rembourser les ouvriers jouissent du même privilége, pourvu que cet emploi soit authentiquement constaté par l'acte d'emprunt, et par la quittance des ouvriers (2).

ARTICLE II.

Des Hypothèques.

915. L'hypothèque est un droit réel sur les immeubles affectés à l'acquittement d'une obligation. Elle est de sa nature indivisible, et subsiste en entier sur tous les immeubles affectés, sur chacun et

(1) Cod. civ. art. 2102. — (2) Ibid. art. 2103.

sur chaque portion de ces immeubles; elle les suit, dans quelques mains qu'ils passent. On distingue l'hypothèque légale, qui résulte de la loi; l'hypothèque judiciaire, qui résulte des jugements ou actes judiciaires; et l'hypothèque conventionnelle, qui dépend des conventions, et de la forme extérieure des actes et des contrats.

Dans le droit actuel, sont seuls susceptibles d'hypothèques les biens immobiliers qui sont dans le commerce; ce qui comprend les immeubles réels ou fictifs dans certains cas, leurs accessoires réputés immeubles, et l'usufruit des mêmes biens pendant sa durée. Quant aux simples meubles, ils ne peuvent être hypothéqués par euxmêmes; et quand ils le sont avec l'immeuble dont ils sont l'accessoire, ils n'ont pas de suite par hypothèque; c'est-à-dire que les meubles une fois sortis de la main du propriétaire, les créanciers ne peuvent les poursuivre ou les saisir entre les mains d'un tiers (1).

Les droits et créances auxquels l'hypothèque légale est attribuée sont ceux des femmes mariées, sur les biens de leur mari; ceux des mineurs et interdits, sur les biens de leur tuteur; ceux de l'État, des communes et des établissements publics, sur les biens des receveurs et administrateurs comptables.

916. Entre les créanciers, l'hypothèque, soit légale, soit judiciaire, soit conventionnelle, n'a de rang que du jour de l'inscription prise par le créancier sur les registres du conservateur, dans la forme et de la manière prescrites par la loi, sauf les exceptions suivantes, savoir: l'hypothèque existe indépendamment de toute inscription, 1o au profit des mineurs et des interdits, sur les immeubles appartenant à leur tuteur, à raison de sa gestion, du jour de l'acceptation de la tutelle; 2° au profit des femmes, pour raison de leurs dot et conventions matrimoniales, sur les immeubles de leur mari, et à compter du jour du mariage. La femme n'a d'hypothèque pour les sommes totales qui proviennent de successions à elle échues, ou de donations à elle faites pendant le mariage, qu'à compter de l'ouverture des successions ou du jour que les donations ont eu leur effet; et, pour ce qui regarde l'indemnité des dettes qu'elle a contractées avec son mari, et le remploi de ses propres aliénés, elle n'a d'hypothèque qu'à compter du jour de l'obligation ou de la vente (2).

917. Les hypothèques ainsi que les priviléges s'éteignent, 1o par l'extinction de l'obligation principale; 2° par la renonciation du créancier à l'hypothèque; 3° par l'accomplissement des formalités

(1) Cod. civ. art. 2114 et suiv. (2) Ibidem. art. 2121 et 2134.

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et conditions prescrites aux tiers détenteurs, pour purger les biens qu'ils ont acquis; 4o par la prescription.

La prescription est acquise au débiteur, quant aux biens qui sont dans ses mains, par le temps fixé pour la prescription des actions que donnent l'hypothèque ou le privilége. Quant aux biens qui sont dans la main d'un tiers détenteur, elle lui est acquise par le temps réglé pour la prescription de la propriété à son profit : dans le cas où la prescription suppose un titre, elle ne commence à courir que du jour où il a été transcrit sur les registres du conservateur (1).

CHAPITRE XXII.

Des Engagements qui se forment sans convention.

918. Il est certains engagements qui se forment sans qu'il intervienne aucune convention expresse, ni de la part de celui qui s'oblige, ni de la part de celui envers lequel il est obligé. Les uns résultent de l'autorité seule de la loi; les autres naissent d'un fait personnel à celui qui se trouve obligé. Les premiers sont les engagements formés involontairement, tels que ceux qui existent entre propriétaires voisins, ou ceux des tuteurs et des autres administrateurs qui ne peuvent refuser la fonction qui leur est déférée. Quant aux engagements qui résultent du fait de l'une des parties, il faut distinguer: ou ce fait est licite, ou il est illicite. Dans le premier cas, il y a quasi-contrat; dans le second, il y a délit ou quasi-délit: délit, si le fait a été commis avec l'intention de nuire; quasi-délit, s'il a été commis par imprudence, sans intention de nuire (2).

ARTICLE I.

Des Quasi-Contrats.

919. Les quasi-contrats sont les faits purement volontaires dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties (3).

Lorsque volontairement on gère l'affaire d'autrui, soit que le pro

(1) Cod. civ. art. 2180, etc. (2) Voyez, ci-dessous, le chapitre XXIV. --(3) Cod. civ. art. 1370 et suiv.

priétaire connaisse la gestion, soit qu'il l'ignore, celui qui gère contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il a commencée, et de l'achever jusqu'à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même; il doit se charger également de toutes les dépendances de cette même affaire, et se soumettre à toutes les obligations qui résulteraient d'un mandat exprès que lui aurait donné le propriétaire. Exemple: Paul est absent de ses propriétés ; le moment de la vendange est arrivé; Pierre, un de ses amis, qui est sur les lieux, fait couper les raisins : il contracte ainsi l'engagement tacite de les faire presser, d'apporter les soins nécessaires à la fabrication du vin, et de le mettre en sûreté quand il sera fait.

920. Celui qui gère une affaire d'autrui est tenu d'apporter à la gestion tous les soins d'un bon père de famille (1). Cependant, il est des cas où il n'est obligé d'y apporter que de la bonne foi, sans être responsable des fautes qu'il aurait commises par une simple imprudence ou par impéritie: tel est, par exemple, le cas d'urgence où les affaires de l'absent se trouvant abandonnées, et personne ne se présentant pour en prendre soin, une personne bienveillante, mais peu intelligente dans les affaires, en aurait pris la gestion, pour ne pas les laisser péricliter, et prévenir des pertes. Dans d'autres circonstances, il peut être tenu de la faute la plus légère: ce qui arrive lorsque le gérant volontaire, en se chargeant mal à propos d'une affaire, sans mandat et sans nécessité aucune, a nui au propriétaire; car c'est déjà une faute de s'immiscer, sans nécessité, dans les affaires d'autrui : « Culpa est se immiscere rei ad se non pertinenti (2). »

Le gérant est obligé de continuer sa gestion, encore que le maître vienne à mourir avant que l'affaire soit consommée, jusqu'à ce que l'héritier ait pu en prendre la direction. Celui qui est chargé d'une affaire doit lui continuer ses soins tant qu'il y a péril à l'abandonner.

Quant au maître dont l'affaire a été bien administrée, il doit remplir les engagements que le gérant a contractés en son nom, l'indemniser de tous les engagements personnels qu'il a pris, et lui rembourser toutes les dépenses utiles et nécessaires qu'il a faites (3).

921. Une autre espèce de quasi-contrat: celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, ni civilement ni naturellement, s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu. Aussi, lorsqu'une personne qui, par erreur, se croyait débitrice, a

(1) Cod. civ. art. 1374. — (2) L. XXXVI. ff. de Regulis juris. — (3) Cod. civ. art. 1375.

acquitté une dette, elle a le droit de répétition contre le créancier. Néanmoins, ce droit cesse dans le cas où le créancier a supprimé son titre par suite du payement, sauf le recours de celui qui a payé contre le véritable débiteur (1).

Si la chose indûment reçue est immeuble ou un meuble corporel, celui qui l'a reçue s'oblige à la restituer en nature, si elle existe, ou sa valeur, si elle est périe ou détériorée par sa faute; il est même garant de sa perte par cas fortuit, s'il l'a reçue de mauvaise foi, à moins qu'elle n'eût également péri, par cas fortuit, chez celui qui la lui a livrée par erreur (2).

Mais si celui qui a reçu de bonne foi a vendu la chose, il ne doit restituer que le prix de la vente (3), quand même il aurait vendu la chose au-dessous de sa valeur. Pareillement, s'il l'avait détériorée ou s'il en avait disposé gratuitement sans en retirer aucun profit, sans être devenu plus riche, il ne serait tenu à aucune restitution : il en est exempt, même dans le cas où la chose est endommagée ou périe par sa négligence, lorsque toutefois la détérioration ou la perte arrive durant la bonne foi: « Qui quasi suam rem neglexit, • nulli querelæ subjectus est (4). »

922. Celui qui, par erreur, a donné en payement une chose qu'il ne devait pas, et qui veut la répéter après son erreur découverte, n'a d'action que contre celui à qui il l'a donnée. Si celui-ci l'a vendue, le maître ne peut attaquer l'acquéreur pour faire résilier la vente et restituer la chose vendue; il ne peut réclamer que le prix; la chose a été véritablement aliénée pour lui; s'il en souffre, il doit se l'imputer à lui-même. Il en serait de même pour le cas où celui qui l'a reçue de bonne foi en payement, en aurait disposé gratuitement. Exemple: Paul hérite de Pierre; on trouve un testament par lequel Pierre me lègue une maison; Paul me la livre, et je la reçois de bonne foi. Je la vends ensuite, durant cet état de bonne foi, à Julien, qui me la paye 20,000 francs. Quelques mois après cette vente, on découvre un testament postérieur qui révoque le legs fait en ma faveur. Dans ce cas, Paul a droit de réclamer le prix de la maison, qui est de 20,000 fr. Mais il ne pourra pas attaquer l'acquéreur; il doit s'imputer à lui seul d'avoir livré un immeuble qu'il ne devait pas ; il n'est pas juste que Julien, qui, d'après la tradition que je lui ai faite de cet immeuble, a cru que j'en étais propriétaire,

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(1) Cod. civ. art. 1376 et 1377. — (2) Toullier, Droit civil français, tome xi o 109. (3) Cod. civ. art. 1380.4) L. n. de Petit. hæred.

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