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«quod furaci servo nihil domi obsignatum aut occlusum esse po« test (1).» Les ouvriers sont également coupables, quand, n'ayant pas travaillé comme ils le devaient, ils exigent néanmoins leur salaire en entier (2). Ainsi que nous l'avons fait remarquer un peu plus haut, on ne peut excuser du péché de vol, ni les ouvriers', ni les domestiques qui, se persuadant que leur salaire ou leur gage n'est pas suffisant, croient pouvoir user de compensation (3). Si le tort qu'ils font à leurs maîtres est considérable, ils sont obligés de le réparer; ce qu'ils pourront faire, soit en restituant, soit en redoublant leur travail et leurs soins.

994. Mais les maîtres pèchent contre la justice, en retenant sans raison, en tout ou en partie, le salaire de leurs ouvriers ou le gage de leurs domestiques; ils ne peuvent pas même en différer le payement au delà du terme convenu ou fixé par l'usage. Ceux qui ne payent point aux ouvriers leur salaire sont des ravisseurs, dit le Catéchisme du concile de Trente: « Qui debitam operariis mercedem « non solvunt, sunt rapaces (4). » Suivant l'apôtre saint Jacques, c'est une injustice qui crie vengeance: « Ecce merces operariorum qui messuerunt regiones vestras, quæ fraudata est a vobis, clamat; et clamor eorum in aures Domini sabaoth introivit (5). »

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ARTICLE III.

Des autres Injustices qui se commettent le plus ordinairement.

995. Ceux qui, dans le commerce, usent de fraude, se rendent coupables d'injustice et sont obligés de restituer. Ceux-là surtout sont coupables, qui vendent pour bonnes, et sans diminuer le prix, des marchandises gâtées et corrompues, ou qui vendent à faux poids, ou qui ne remplissent pas la mesure : ce qui est une chose abominable aux yeux de Dieu : « Statera justa, et æqua sint pondera, jus« tus modius, æquusque sextarius (6). Abominatio est apud Domi« num pondus et pondus: statera dolosa non est bona (7). » Si celui qui vend à faux poids ou à fausse mesure, ou qui use de fraude d'une manière quelconque, a l'intention d'acquérir par là une somme considérable, il pèche mortellement chaque fois qu'il vend ainsi, quoiqu'il ne fasse qu'un petit vol à la fois. Comme, dans le cas dont

(1) Catéch. du conc. de Trente, sur le vie précepte. (2) Ibid. —(3) Voyez le no 985.-(4) Sur le vno précepte.-(5) Epist. c. 5 v. 4.-(6) Levit. c. 19. v. 35. — (7) Proverb. c. 20. v. 23.

il s'agit, il est souvent difficile de connaître à qui l'on a fait tort, a meilleure manière de restituer, pour le marchand, serait, ou de diminuer le prix de ses marchandises en faveur de ceux qui fréquentent depuis quelque temps sa boutique, ses magasins; ou d'ajouter quelque chose en sus à la mesure ordinaire. S'il n'est plus dans le commerce, il doit disposer des sommes injustement acquises, au profit des pauvres ou de quelque établissement d'utilité publique.

996. Ce que nous disons des marchands s'applique aux tailleurs et aux couturières, qui retiennent des morceaux d'étoffe de quelque importance. Il en est de même de tous les ouvriers qui s'approprient une partie des choses d'autrui qu'ils ont entre les mains, pour faire un ouvrage dont on leur paye la façon. On ne peut excuser ni les marchands, ni les ouvriers dont il s'agit, sous le prétexte que les autres font comme eux, et qu'ils ne peuvent faire autrement, à moins qu'ils n'augmentent le prix de leur marchandise ou de leur ouvrage.

997. Suivant le Catéchisme du concile de Trente, ceux qui, par des discours pleins de dissimulation et d'artifice, ou par une indigence affectée, parviennent à extorquer de l'argent, semblent aussi se rendre coupables de vol; et leur faute est d'autant plus grande, qu'ils ajoutent le mensonge au vol (1). Ils sont donc obligés de restituer tout ce qu'ils ont reçu ; mais l'intention présumée de ceux qui leur ont fait l'aumône, est que cette restitution se fasse à ceux qui sont véritablement pauvres.

D'après le même principe, un élève du séminaire qui, pouvant facilement payer sa pension, se ferait passer pour indigent, afin de profiter des secours que l'on doit à la charité du clergé et des fidèles, pécherait contre la justice. L'intention des bienfaiteurs est de n'accorder ces secours qu'à ceux qui ne peuvent, moralement parlant, suffire aux frais de leur éducation cléricale. Il en serait de même d'un élève qui, quoique indigent, recevrait des secours sans l'intention ni d'entrer dans l'état ecclésiastique, ni même d'examiner sa vocation. Mais, à moins que les jeunes gens n'aient été avertis à cet égard, on doit facilement les supposer dans la bonne foi. Quoi qu'il en soit, pour n'avoir aucune inquiétude sur ce point, les curés éviteront avec soin de présenter au séminaire, comme pauvres ou indigents, ceux des jeunes gens de leur paroisse dont les parents peuvent payer la pension.

(1) Sur le vu précepte.

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998. Le même Catéchisme met au rang des voleurs, c'est-à-dire de ceux qui sont coupables d'injustice, ceux qui, exerçant une charge particulière ou publique, en négligent les obligations, et ne laissent pas néanmoins de jouir des émoluments qui y sont attachés : « Illi quoque in furum numero reponendi sunt qui, cum ad « privatum aliquod vel publicum officium conducti sunt, nullam << vel parvam operam navantes, munus negligunt, mercede tantum «< ac pretio fruuntur (1). » Ainsi, celui qui, par négligence ou par suite de longues ou de fréquentes absences non autorisées, ne remplirait qu'imparfaitement, ou ne remplirait qu'une partie du temps les engagements qu'il a pris, soit avec le Gouvernement, soit avec l'administration d'une commune ou d'une paroisse, soit avec un simple particulier, n'aurait pas droit aux mêmes honoraires, au même traitement, au même salaire, que s'il les avait remplis convenablement. Ce qui s'applique non-seulement aux magistrats, aux juges et à tous employés, mais encore aux ministres de l'Église. Un évêque, un chanoine, un curé, ni tout autre prêtre ayant un bénéfice ou charge d'âmes ou une commission quelconque, ne peut faire siens ses honoraires s'il ne réside pas, ou s'il ne s'acquitte point des obligations qui lui sont imposées par les canons s'il ne s'en acquitte qu'en partie, il ne doit retenir qu'une partie de ses honoraires, disposant du reste au profit de l'Église.

999. C'est une obligation de justice pour tous les sujets, de contribuer aux charges de l'État, proportionnellement aux facultés et aux moyens de chacun. Les lois sur les impôts, soit directs, soit indirects, sont obligatoires. « Reddite ergo quæ sunt Cæsaris Cæsari, « et quæ sunt Dei Deo (2). Necessitate subditi estote non solum propter iram, sed etiam propter conscientiam; ideo enim tributa præstatis ministri enim Dei sunt, in hoc ipsum servientes. Red<< dite ergo omnibus debita; cui tributum, tributum ; cui vectigal, « vectigal; cui timorem, timorem; cui honorem, honorem (3). » Aussi, comme l'enseigne le Catéchisme du concile de Trente, ceux qui refusent de payer les impôts, les tributs, vectigalia, tributa, sont coupables de rapine: In hoc crimine rapacitatis includuntur (4). C'est donc un devoir pour ceux qui instruisent et dirigent les fidèles, de leur rappeler, de temps en temps, l'obligation où ils sont d'acquitter exactement et paisiblement tous les impôts directs et indirects actuellement établis. Cependant il ne serait pas prudent

(1) Sur le vie précepte. — (2) Matth. c. 22. v. 21.— (3) Rom. c. 13. v. 5, 6 et 7.(4) Sur le vie précepte.

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d'insister sur les expressions du Catéchisme qu'on vient de citer, en assimilant la fraude au vol ou à la rapine, vu le discrédit dans lequel la plupart de nos lois fiscales sont malheureusement tombées parmi les peuples. Généralement, en France, on ne se croit obligé de payer les droits concernant la régie, la douane et l'octroi, qu'autant qu'on ne peut se soustraire à la vigilance de ceux qui sont chargés de les faire acquitter. On se rassure d'ailleurs sur ce que, malgré les fraudes, l'État ne souffre point, qu'il trouve toujours son compte; soit parce qu'il a soin d'augmenter les impôts en raison des fraudes qu'il prévoit, soit parce qu'il sait se faire indemniser par les amendes qu'il inflige à ceux qui sont surpris en flagrant délit. Ce préjugé, ou, si l'on veut, cette erreur populaire, qui est tellement enracinée qu'on tenterait en vain de la détruire, doit entrer pour beaucoup dans l'appréciation morale des fraudes qu'on commet envers le Gouvernement. Aussi nous pensons que, sans approuver jamais ces sortes de fraudes, un confesseur doit se montrer indulgent envers ceux qui s'en rendent coupables; il est prudent, à notre avis, de ne point inquiéter ceux qui sont dans la bonne foi, ceux à qui l'on ne peut persuader qu'ils font tort à l'État; mais si un pénitent s'accuse d'avoir fraudé les droits, ou s'il demande à quoi s'en tenir sur ce point, le confesseur doit lui rappeler l'obligation où il est d'observer les lois et de payer les impôts directs et indirects; il exigera même qu'il restitue, autant que possible, à raison des fraudes qu'il a commises. A qui doit se faire cette restitution? Il semble d'abord qu'elle doit se faire au Gouvernement; car on doit rendre à César ce qui est à César. Cependant, si on excepte quelques cas extraordinaires où il s'agirait de la restitution d'une somme considérable, on peut restituer au profit des pauvres, des hospices, ou d'autres établissements utiles au pays. Le Gouvernement ne saurait le trouver mauvais, soit parce que ce mode de restitution est le plus souvent le seul moralement possible; soit parce qu'il tourne au profit de la chose publique; soit enfin parce que, vu la disposition générale des esprits, il n'est guère possible d'obtenir mieux, surtout depuis que la philosophie anti-religieuse, en affaiblissant le sentiment de la foi parmi nous, a, par là même, affaibli le sentiment de la subordination.

La même décision est applicable à l'égard de ceux qui se sont enrichis par la contrebande : le confesseur exigera, autant que la prudence le permettra, qu'ils fassent, à titre de restitution, quelques dons en faveur des établissements d'utilité publique; et les éloignera, par tous les moyens possibles, de cette espèce de commerce,

en insistant et sur les dangers et les désordres qu'il entraîne, et sur la nécessité d'observer les lois. Mais on tolère généralement la conduite de ceux qui achètent des marchandises importées par contrebande, ou des denrées ou autres choses pour lesquelles on n'a pas payé les droits: ces sortes de marchandises ne doivent point être assimilées, sous le rapport de la justice, à une marchandise volée ou possédée sans titre légitimé.

1000. On ne peut tolérer, au tribunal de la pénitence, la conduite des commis, des préposés, des receveurs et autres, qui, étant chargés, d'office, de faire acquitter les contributions indirectes, laissent commettre des fraudes, de connivence ou par une négligence gravement coupable. Ils sont tenus, par justice, de payer les droits au défaut de ceux qui les fraudent. En est-il de même des amendes auxquelles ceux-ci eussent été condamnés? Nous ne le pensons pas le Gouvernement n'y a droit qu'après la condamnation (1).

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1001. Si les sujets pèchent en transgressant les lois, les princes, les législateurs pèchent également, lorsqu'ils établissent, sans aucune nécessité, des impôts exorbitants : « Si principes a subditis exigant quod eis secundum justitiam debetur propter bonum «< commune conservandum, etiam si violentia adhibeatur, non est rapina, dit saint Thomas; si vero aliquid principes indebite extorqueant per violentiam, rapina est, sicut et latrocinium. Unde « dicit Augustinus in lib. Iv de Civitate Dei, cap. 4: Remota jus« titia, quid sunt regna, nisi magna latrocinia?... Unde ad restitu«tionem tenentur sicut et latrones; et tanto gravius peccant quam . latrones, quanto periculosius et communius contra publicam jus« titiam agunt, cujus custodes sunt positi (2). » Dans le doute si un impôt est légitime, on doit le payer, du moins quand on y est requis par ceux qui sont chargés de l'exécution de la loi.

1002. Pour ce qui regarde la loi de la conscription, on se rend coupable d'injustice à l'égard de celui sur lequel on fait tomber le sort, lorsqu'on a recours à la fraude ou à la faveur, pour se faire exempter, sans raison légitime, du service militaire. Cependant, comme ceux qui usent de fraude ou de mensonge, dans le cas dont il s'agit, ne croient pas commettre une injustice, et que, le plus souvent, il est moralement impossible de réparer le tort qu'ils ont fait, les confesseurs doivent être bien circonspects; si la restitution

(1) Lessius, de Lugo, Sanchez, et alii contra plures. — (2) Sum. part. 2. 2. quæst. 66. art. 8.

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