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peut se faire à qui de droit, il faut y exhorter celui que l'on croit y être tenu, sans cependant l'exiger sous peine du refus de l'absolution (1). On convient aussi que ceux qui forment le conseil de révision se rendent coupables d'injustice, quand, se laissant corrompre par la faveur ou par l'argent, ils exemptent du service ceux qui n'ont aucun droit à l'exemption; que les remplaçants qui désertent blessent la justice envers ceux qui les ont engagés à prix d'argent, s'ils désertent avant l'expiration du temps pendant lequel ceux qu'ils remplacent sont tenus d'en répondre suivant la loi. Mais, depuis la loi du 10 mars 1818, les conscrits appelés par le sort, qui refusent d'obéir ou qui désertent, ne devant pas être remplacés par d'autres, ne violent que la justice légale, et ne sont tenus à aucune restitution, quoiqu'ils pèchent mortellement contre l'obéissance.

103. Les militaires pèchent contre la justice: 1° lorsque, sous prétexte que leur paye n'est pas suffisante, ils cherchent à se dédommager sur les citoyens, en prenant le bien d'autrui ; ils n'ont aucun droit sur les biens des particuliers, qui payent à l'État ce qui est nécessaire pour l'entretien des troupes. 2o Lorsque, étant logés chez les bourgeois, ils emploient la violence ou les menaces pour se faire donner plus qu'il ne leur est dû. 3o Lorsqu'ils vendent les armes ou autres choses qu'ils tiennent du Gouvernement, et dont ils n'ont que l'usage. 4° Lorsque, de leur autorité privée, ils prennent des chevaux ou des voitures aux particuliers pour conduire leurs bagages. Quand les troupes ont besoin de voitures pour leurs bagages, elles peuvent les demander sur la réquisition du chef qui les commande; mais on doit, à cet égard, se conformer aux règlements. 5° Lorsque par une négligence gravement coupable, ou par lâcheté, ils laissent faire à l'ennemi des incursions dans le pays, et causer des dommages aux particuliers. Les militaires, et surtout les chefs, sont tenus, par justice, d'empêcher ces dommages.

1004. Un général, un commandant, un officier doit, suivant sa position, pourvoir aux besoins de ses soldats: si, par une négligence vraiment coupable, il manque à ce devoir en matière grave, il pèche mortellement, et devient responsable de tous les dommages qui en résultent, soit pour les soldats, soit pour le public. Il pèche encore contre la justice, en approuvant ou en tolérant les dégâts et les vols de fruits, de denrées ou d'autres choses, faits par ses soldats dans les campagnes ou ailleurs; il est tenu de restituer, si

(1) Voyez l'Examen raisonné sur les Commandements de Dieu, par un ancien professeur de théologie de la Société de Saint-Sulpice, tom. 1, etc.

les soldats ne restituent pas eux-mêmes. Il en est de même d'un officier qui, au lieu de suivre la route qui lui a été tracée par ses chefs, répand ses troupes, sans nécessité, dans les pays voisins, les rançonnant, y prenant des logements et s'y faisant donner des vivres. Les officiers sont obligés de suivre exactement la route qui leur est tracée par l'autorité légitime. Un officier se rend également coupable de concussion, soit en levant des contributions sans y être légitimement autorisé, soit en chargeant des villes ou des villages de dépenses superflues, ou en les contraignant à s'en racheter à prix d'argent. Dans ces différents cas, il est obligé de restituer tout ce qu'il a injustement perçu.

1005. Ceux qui sont chargés de payer les soldats, commettent une injustice en retenant une partie de la solde qui leur est due. La solde est une dette de justice; on doit la payer aux militaires sans autres retranchements que ceux qui sont de droit, ou qu'exigent les dépenses qu'on fait pour eux. Se rendent aussi coupables d'injustice, ceux qui, ayant commission de faire les fournitures nécessaires aux troupes, les font payer plus cher qu'elles ne coûtent, et en profitent au préjudice du Gouvernement et des soldats. Il en est de même encore de ceux qui trompent le Gouvernement par de faux mémoires de dépenses pour le service, exagérant les frais et les pertes dont il est responsable.

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1006. Les droits de la guerre sont très-étendus : s'il s'agit d'une guerre légitime ou regardée comme telle, on peut lever, sur le territoire ennemi, les contributions les plus fortes. Cependant on doit laisser aux habitants paisibles les choses nécessaires à la vie. « Lors « même qu'on est en guerre, dit Fénelon, il reste un droit des gens qui est le fond de l'humanité même. C'est un lien sacré et invio<< lable envers les peuples, que nulle guerre ne peut rompre; autre«ment la guerre ne serait qu'un brigandage inhumain, une suite « perpétuelle de trahisons et de barbaries (1). » Le pillage des villes et des campagnes ne doit être ordonné ou autorisé par le général ou le commandant en chef, que lorsqu'il est jugé nécessaire; et, hors le cas où il est autorisé, les soldats et les officiers doivent respecter les biens et les propriétés du pays qu'ils occupent, se contentant de ce qui leur est accordé par ceux qui ont le commandement de l'armée, conformément aux lois militaires et au droit des gens.

(1) Discours sur la justice.

CHAPITRE XXVIII.

De la Restitution pour cause d'homicide, de mutilation, de blessures.

1007. Celui qui a tué, mutilé ou blessé injustement un homme, est tenu, même avant la sentence du juge, de réparer, autant que possible, le dommage qu'il a causé. Ce n'est pas que cette réparation soit due précisément pour la perte de la vie, ni pour la perte d'un membre, ni pour les douleurs qu'on ressent d'une blessure; car ces choses ne sont point, de leur nature, estimables à prix d'argent : « Cicatricum autem aut deformitatis nulla fit æstimatio, quia libe«rum corpus nullam recipit æstimationem (1). » La restitution n'aura donc pour objet que les frais de maladie, et les dommages extrinsèques qui résultent pour un tiers de la mort de quelqu'un, ou, pour celui qui est blessé, de la privation d'un membre, ou de la blessure qui ne lui permet pas d'en faire usage pendant un certain temps. Ces dommages une fois réparés, le coupable sera, suivant le sentiment le plus commun et le plus probable (2), libéré de toute obligation pécuniaire; à moins, cependant, qu'il ne soit condamné à quelque chose de plus par les tribunaux. A défaut d'une sentence qui fixe le dédommagement dû par suite de l'homicide, de la mutilation ou des blessures, il est très-difficile de déterminer à quoi il peut monter; le meilleur parti à prendre est de traiter à l'amiable avec les parties intéressées; ou, si cela n'est pas praticable, de faire régler l'indemnité par des experts sages et éclairés, eu égard à la qualité, à l'emploi, à l'état et à l'âge du défunt ou du blessé, ainsi qu'à la condition et aux moyens du coupable.

1008. Pour ce qui regarde l'homicide, celui qui en est l'auteur est tenu de restituer aux héritiers du défunt, nécessaires ou non, et à raison des dépenses occasionnées par la maladie, et à raison des bénéfices cessants pendant tout le temps qu'il est resté dans l'im

(1) L. Cum liberi, ff. De his qui effuderint. — (2) S. Alphonse de Liguori, lib. m. no 626; Lessius, de Lugo, Bonacina, Sanchez, Sporer, etc.

possibilité de se livrer à ses occupations. En un mot, toutes les dettes contractées par le meurtrier envers le défunt, tandis que celui-ci vivait encore, doivent être acquittées envers ses héritiers, quels qu'ils soient. Quant aux bénéfices que le défunt eût vraisemblablement faits s'il eût vécu, si on ne lui eût pas ôté la vie, le coupable n'en doit tenir compte qu'aux héritiers nécessaires, c'est-à-dire aux enfants, aux père et mère, et à la femme du défunt : il n'est obligé à rien par justice ni envers les frères et sœurs, ni envers les oncles et neveux auxquels le défunt fournissait et auxquels il eût fourni les aliments, s'il eût vécu plus longtemps, lors même qu'il eût connu d'avance le préjudice qu'il allait leur occasionner en tuant leur bienfaiteur. C'est le sentiment de saint Alphonse, que nous adoptons comme nous paraissant plus probable que le sentiment contraire: Probabilior sententia docet nihil deberi nisi parentibus (patri et << matri), filiis et conjugi, etiamsi homicida illorum (fratrum) damna prævideret (1). Nous ne le croyons pas non plus obligé à dédom mager les créanciers du défunt, qui, par suite de la mort de celui-ci, ne pourront être payés. Mais il en serait autrement, et à l'égard des créanciers, et à l'égard des frères et sœurs ou de toute autre personne, si on eût donné la mort dans l'intention de leur nuire direc tement. « Regula qua quis habet jus ne vi impediatur a consecu« tione justi boni, currit quando directe intenditur illius damnum, « non vero, si eveniat per accidens (2). »

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1009. Nous dirons encore que celui qui a commis un homicide n'est pas tenu de réparer le dommage qu'éprouverait un tiers à qui ce crime serait imputé, lors même qu'il aurait prévu que la chose arriverait ainsi. Saint Alphonse le dispense de l'obligation de restituer, même dans le cas où il aurait eu l'intention de faire imputer son crime à un autre; parce que, dit-il, cette intention ne peut, par elle-même, être la cause efficace de cette fausse imputation, sur laquelle elle n'influe en aucune manière; à moins qu'elle ne soit accompagnée de quelque acte extérieur, capable d'induire les juges en erreur; comme, par exemple, s'il avait commis le crime, étant revêtu des habits du tiers auquel on l'impute, ou s'il l'avait commis avec les armes de celui-ci, dans la maison ou la propriété de celui-ci (3).

1010. Si le défunt avait non-seulement pardonné à l'auteur de sa mort l'injure qu'il lui avait faite, mais l'avait aussi déchargé de

(1) Theol. moral. lib. 1. n° 632. —(2) S. Alphonse, ibidem. — (3) Ibidem.

n° 636.

toute obligation, le coupable ne serait tenu à aucun dédommagement envers les héritiers; pourvu que cette remise eût été parfaitement libre, entièrement volontaire. Mais lorsque celui qui a reçu un coup mortel, a seulement déclaré avant sa mort qu'il pardonnait à son meurtrier, on ne doit regarder cette déclaration que comme une remise de l'injure personnelle, et non comme une dispense, une décharge de l'obligation de restituer.

Celui qui, étant assailli par un injuste agresseur, lui donne la mort en gardant les bornes d'une légitime défense, n'est point obligé de réparer le dommage qui en résulte pour la famille du défunt. Mais est-il tenu de le réparer, s'il dépasse les bornes d'une juste défense? Les uns, entre autres saint Alphonse (1), disent qu'il y est obligé ; d'autres ne l'obligent à restituer qu'en partie; d'autres enfin pensent qu'il n'est obligé à rien. Ce troisième sentiment nous parait plus probable que les deux autres; car l'injuste agresseur est censé, par le fait, avoir renoncé à son droit (2). Pour la même raison, d'après le sentiment le plus communément suivi, ni celui qui provoque au duel, ni celui qui l'accepte librement, n'est tenu à aucune restitution envers les héritiers de celui qui succombe, à moins qu'il n'y soit condamné par les tribunaux. Mais il en serait autrement, si celui-ci n'avait accepté le duel que parce qu'il y aurait été moralement forcé, que parce qu'on aurait eu recours à la violence, aux menaces ou aux injures, pour le décider à se battre.

1011. Les obligations de celui qui a tué, mutilé ou blessé quelqu'un, passent à ses héritiers: si donc il n'a pas réparé le tort qu'il a fait, ceux qui lui succèdent sont obligés, chacun pour leur part, de le réparer. Cette obligation subsiste, lors même que le coupable aurait subi la peine de mort. On peut cependant excepter le cas où les héritiers de celui qui a été victime ne réclament pas de réparation; parce qu'alors ils sont présumés en faire l'abandon, du moins quand il ne s'agit que d'un dommage de peu de valeur (3).

Nous finirons ce chapitre en faisant remarquer que celui qui, par le poison ou par quelque mauvais traitement, prive une personne de l'usage de la raison pour un temps plus ou moins considérable, est tenu, par justice, de l'indemniser à raison du dommage qu'elle doit en souffrir.

(1) S. Alphonse, Theol. moral. lib. 1. no 637. —(2) Billuart, Sporer, M. Carrière, etc.— - (3) S. Alphonse de Liguori, Instruction pratique pour les Confesseurs, etc.

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