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pose à ce que dans le cas d'une nécessité urgente, lorsqu'on ne peut recourir au supérieur, on ne puisse alors agir avec la dispense présumée de futuro (1). Mais il est aussi simple de dire que, dans le cas dont il s'agit, la loi n'oblige pas.

207. La dispense cesse de trois manières, savoir : par la cessation de la cause, par la révocation de la part du supérieur, et par la renonciation de celui qui a été dispensé. D'abord, une dispense cesse par la cessation de la cause finale, quand cette cause cesse entièrement. Si elle ne cessait qu'en partie, la dispense resterait en vigueur. Dans le doute si la cause finale a cessé, ou si elle a cessé entièrement, la dispense est encore valide, parce qu'elle est en possession. Quant à la cause impulsive, soit qu'elle cesse, soit qu'elle ne cesse pas, elle ne peut faire tomber la dispense (2).

208. La cessation même totale de la cause finale n'entraine point la cessation d'une dispense, ni quand elle a sorti son effet, ni quand elle a été accordée moyennant une commutation grave, ni enfin quand elle a été donnée absolument, sans aucune condition expresse ou présumée. Dès qu'une fois l'obligation de la loi est levée par une dispense, il est assez probable que cette obligation ne revit pas, à moins que le supérieur ne la fasse revivre. Ainsi, celui qui a obtenu dispense du vœu de chasteté pour se marier, peut contracter un second mariage après la mort de sa première femme, si le rescrit de la dispense ne porte pas expressément qu'elle n'est accordée que pour une seule fois. Mais la dispense du jeûne et de l'abstinence, pour cause d'infirmité, cesse en même temps que l'infirmité; car cette dispense n'est donnée que sous la condition tacite, si lr cause dure (3).

209. La dispense cesse par la révocation du supérieur qui l'a accordée. Il est tenu de la révoquer s'il a connaissance que la cause finale ait cessé entièrement. Au contraire, il pécherait, mais véniellement, s'il faisait cette révocation sans motif; ce qui toutefois n'empêcherait pas la validité de la révocation (4).

Lorsqu'une dispense est accordée d'une manière absolue, ou jusqu'à la révocation, donec revocetur, ou avec cette clause, ad arbitrium sanctæ sedis, episcopi, elle n'expire point par la mort ni par la démission de celui qui l'a donnée. Elle cesse au contraire, dans le second comme dans le premier cas, si elle a été accordée avec la clause, donec nobis placuerit, ad arbitrium nostrum (5).

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(1) S. Alphonse de Liguori, de Legibus, no 187. (3) Ibidem. (4) Ibidem. Voyez aussi les Conférences d'Angers, sur les Lois,

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conf. x. quest. 4.

(2) Ibidem, no 196.

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210. La dispense cesse par la renonciation de celui qui l'a obtenue, pourvu toutefois que cette renonciation ait été acceptée par celui qui a accordé la dispense. Autrement le dispensé peut toujours en jouir, encore qu'il n'en ait jamais fait usage (1).

Ce que nous avons dit de la dispense, comme motif d'excuse pour celui qui n'observe pas la loi, s'applique au privilége qui, par une grâce spéciale et permanente, met quelqu'un, sur un point particulier, hors du droit commun. Le privilége s'interprète plus ou moins largement, suivant les circonstances et la nature des choses qui en sont l'objet.

CHAPITRE XII.

De la Cessation des Lois.

211. Une loi perd sa force obligatoire, quand la fin adéquate ou totale de cette loi a cessé, quand elle est devenue sans objet pour ceux qu'elle concerne : « Cessante causa, cessat effectus. » Dans le doute, on doit se déclarer pour la loi, parce qu'elle est en possession.

Si la fin ne cesse que pour un cas particulier, la loi demeure obligatoire, à moins qu'elle ne devienne nuisible ou moralement impossible dans le cas dont il s'agit. Il est vrai que plusieurs docteurs pensent que la loi qui est inutile pour tel ou tel particulier, n'oblige pas; mais nous préférons l'opinion contraire, à raison du danger qui existe généralement pour tous de se faire illusion : « Licet esset finis damni in casu particulari, non tamen cessat finis periculi in communi. » Ainsi s'exprime saint Alphonse de Liguori. Cependant, continue le même docteur, s'il arrivait que quelqu'un fût complétement assuré qu'il n'y a pas de danger pour lui, nous n'oserions l'empêcher absolument de suivre l'opinion qui lui est favorable. Mais ce cas ne peut arriver que très-rarement (2).

212. Pour ce qui est de la lecture des livres défendus, elle est certainement illicite pour tous, bien que telle ou telle personne en particulier regarde comme certain qu'elle ne saurait lui être nui

(1) S. Alphonse de Liguori, Theol. moral., de Legibus, no 197. — (2) Ibid., n° 199.

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sible; car la fin adéquate de la prohibition n'a point cessé (1). Néanmoins, pour la pratique, nous pensons qu'un confesseur ne doit point inquiéter les pénitents qui lisent de bonne foi certains livres prohibés, dont la lecture ne parait pas dangereuse.

213. Une loi cesse en partie par la dérogation; elle cesse entièrement par l'abrogation: « Derogatur legi, cum pars ejus detrahi« tur; abrogatur, cum prorsus tollitur (2). » C'est au législateur à déroger aux lois qu'il a établies, ou à les abolir entièrement : « Per « quascumque causas res nascitur, per eas et dissolvi potest (3). Un inférieur ne peut jamais abroger une loi qui vient de plus haut: « Lex superioris per inferiorem tolli non potest (4) »

214. Une loi peut être abrogée de plusieurs manières. Elle est abrogée par une loi postérieure qui en casse et annule expressément les dispositions. On doit la regarder encore comme abrogée, lorsque le législateur publie une autre loi qui contient des dispositions opposées.

Il n'est pas nécessaire qu'il fasse connaître, par une clause particulière, que son intention est d'abroger la première. Cependant, le législateur n'est pas cense vouloir abroger, par une loi générale, ni les lois particulières, ni les coutumes locales, à moins qu'il ne le déclare expressément par cette clause, nonobstant toute loi ou coutume particulière : « Non censetur abrogata consuetudo speciali lege, quia præsumitur ignarus talis consuetudinis (5).

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215. Enfin, une loi peut être abrogée ou modifiée par la coutume, lors même que la loi renfermerait la clause, nonobstant toute coutume contraire. Cette clause ne regarde que les coutumes passées, et non les coutumes qu' peuvent s'établir à l'avenir. Si la loi comprend les coutumes futures, il faudrait l'entendre des coutumes qui seraient contraires à la loi divine naturelle ou positive (6).

216. Mais la coutume n'abroge une loi qu'autant qu'elle est généralement reçue pendant un certain temps; qu'elle n'est point contraire au droit divin; et que, eu égard aux circonstances des temps et des lieux, et à la disposition des esprits, on peut juger prudemment qu'elle est plus utile, plus conforme au bien général que la loi même. On reconnaît surtout que la chose en est là, lors

(1) S. Alphonse de Liguori, de Legibus, no 199. Mgr Bouvier s'exprime comme S. Liguori, de Legibus, cap. vi. art. 3. (2) L. c. 1. § de Verb. signif. (3) 1. Reg. Juris in Sexto. (4) Clement. De Elect. (5) C. I. de Consuet. in Sexto. (6) S. Alphonse de Liguori, Guide du Confesseur des gens de la campagne, des Lois, no 27.

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que ni le législateur, ni ceux qui sont chargés de faire exécuter une loi, ne tiennent plus à son exécution.

Dans le doute si la loi est abrogée par l'usage, on doit se comporter comme si elle était encore en vigueur; car la loi possède : « Melior est conditio possidentis. »

TRAITÉ DES PÉCHÉS.

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CHAPITRE PREMIER.

De la Notion du Péché.

217. Le péché est une désobéissance à la loi de Dieu, une transgression libre d'une loi divine. « Peccatum est prævaricatio legis divinæ, cœlestium inobedientia præceptorum (1). » Il n'y a pas de péché qui ne soit contre quelque commandement de Dieu : ce qui n'empêche pas que les fautes contre les lois humaines, soit ecclésiastiques, soit civiles, ne soient de véritables péchés; car, comme le dit l'Apôtre, on ne peut résister aux puissances qui sont chargées du gouvernement spirituel ou temporel de la société, sans résister à l'ordre de Dieu : « Qui resistit potestati, Dei ordinationi « resistit (2).

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218. On distingue le péché originel, que nous apportons en naissant; le péché actuel, que nous commettons nous-mêmes par un acte de notre propre volonté; le péché mortel et le péché véniel; les péchés de pensée, de désir, de parole, d'action et d'omisssion; les péchés de faiblesse et les péchés de malice; les péchés capitaux et les péchés non capitaux. Il n'entre pas dans notre plan de parler du péché originel, ni de la partie dogmatique du péché actuel.

219. Le péché n'est imputable, n'est une offense de Dieu, une vraie désobéissance, qu'autant qu'il réunit toutes les conditions requises pour un acte humain. Par conséquent, tout ce qui détruit le volontaire ou le libre arbitre excuse de tout péché, comme aussi tout ce qui les affaiblit diminue proportionnellement la malice de nos fautes. Ainsi, ce que l'on fait par erreur, quand l'erreur est

(1) S. Ambroise, de Parad., c. 8. (2) Rom. c. 13. v. 2.

moralement invincible, ne peut nous être imputé. Ce n'est point un péché, ou ce n'est, comme on dit dans l'école, qu'un péché matériel. Il en est de même des mouvements indélibérés, que la scolastique appelle motus primo primi. Quant aux mouvements qui se font avec une demi-connaissance, tels sont, par exemple, les mouvements d'un homme à demi endormi, ou ils ne sont point imputables, ou ils ne le sont qu'à titre de péchés véniels. Mais les actes délibérés, dont l'entendement aperçoit pleinement la malice, au moins confusément, et auxquels la volonté consent librement, sont certainement des péchés, péchés mortels en matière grave.

220. Pour se rendre coupable, il ne suffit pas de savoir que l'action que l'on fait est défendue, qu'elle est moralement mauvaise; outre cette connaissance, il faut qu'il y ait advertance de la part de celui qui agit, c'est-à-dire, comme le mot l'indique, l'attention par laquelle on remarque la qualité morale de son action, sa bonté ou sa malice. Un fidèle, par exemple, mange de la viande un vendredi, sans se rappeler que c'est un jour d'abstinence. Dans ce cas, ce n'est point l'ignorance de la loi qui l'excuse; mais bien l'inadvertance, l'oubli, le défaut d'attention sur l'acte qu'il fait présentement. Il en serait de même de celui qui, par inadvertance, laisserait passer l'heure de la messe un jour de dimanche, et se trouverait dans l'impossibilité de l'entendre. Il ne pécherait point. Il ne faut donc pas confondre l'ignorance avec l'inadvertance, quoique les résultats dans la pratique en soient les mêmes de part et d'autre (1).

221. On distingue l'advertance actuelle, l'advertance virtuelle, et l'advertance interprétative. La première caractérise le volontaire direct; la seconde, le volontaire indirect. L'advertance interprétative n'est autre chose que la faculté de remarquer la malice de l'acte, que l'on remarquerait en effet, si la pensée s'en présentait à l'esprit. Les théologiens qui prétendent qu'elle suffit pour un acte humain, pour le volontaire indirect, la font consister en ce que celui qui ne remarque pas la malice de l'acte peut et doit la remarquer. Mais cette espèce d'advertance n'est point une advertance proprement dite; car elle ne suppose aucune attention, aucune idée même confuse de la malice de l'acte, ni pour le moment où l'on agit, ni pour le moment où l'on a posé la cause d'où l'acte s'ensuit.

(1) Collet, Billuart, le P. Antoine, Bailly, la Théologie de Poitiers, les Conférences d'Angers, sur les Péchés; S. Liguori, de Peccatis, no 1, etc.

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