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sance formidable, déjà existants, et prohibition du lancement de projectiles ou d'explosifs quelconques, du haut des ballons ou par des moyens analogues;

4° Défense de l'emploi dans les guerres navales de bateaux-torpilleurs sous-marins ou plongeurs, ou d'autres engins de destruction de la mème nature; engagement de ne pas construire à l'avenir de navires de guerre à éperon;

5° Adaptation aux guerres maritimes des stipulations de la convention de Genève de 1864, sur la base des articles additionnels de 1868;

6o Neutralisation, au mème titre, des navires ou chaloupes chargés du sauvetage des naufragés pendant ou après les combats maritimes;

7° Revision de la Déclaration concernant les lois et coutumes de la guerre, élaborée en 1874 par la Conférence de Bruxelles et restée non ratifiée jusqu'à ce jour;

8° Acceptation en principe de l'usage des bons offices, de la médiation et de l'arbitrage facultatif, pour des cas qui s'y prêtent, dans le but de prévenir des conflits armés entre nations; entente au sujet de leur mode d'application et établissement d'une pratique uniforme dans leur emploi.

Il est bien entendu que toutes les questions concernant les rapports politiques des États et l'ordre de choses établi par les Traités, comme en général toutes les questions qui ne rentreront pas directement dans le programme adopté par les Cabinets, devront être absolument exclues des délibérations de la Conférence.

En vous adressant, Monsieur l'Ambassadeur, la demande de bien vouloir prendre au sujet de ma présente communication les ordres de votre Gouvernement, je vous prie, en même temps, de porter à sa.connaissance que, dans l'intérêt de la grande cause qui tient si particulièrement à cœur à mon Auguste Maître, Sa Majesté Impériale juge qu'il serait utile que la conférence ne siège pas dans la capitale de l'une des grandes Puissances où se concentrent tant d'intérêts politiques qui pourraient, peut-être, réagir sur la marche d'une œuvre à laquelle sont intéressés à un égal degré tous les pays de l'univers.

N° 4.

Comte MOURAVIEFF.

M. DELCASSÉ, Ministre des Affaires étrangères,

au Marquis de MONTEBELLO, Ambassadeur de la République française à Saint-Pétersbourg.

Paris, le 10 février 1899.

Le Ministre des Affaires étrangères de l'Empereur a fait connaître les « thèmes » principaux qu'il lui paraissait tout d'abord opportun de soumettre à une discussion

internationale, en vue de répondre aux intentions formulées dans la circulaire russe du 12/24 août.

Le Gouvernement Impérial sait déjà les conditions dans lesquelles le Gouvernement de la République a été heureux d'affirmer son empressement à accueillir la généreuse initiative de S. M. l'Empereur Nicolas, et à se faire représenter dans la Conférence projetée.

C'est dans le même esprit que nous avons apprécié le programme préliminaire suggéré par le Comte Mouravieff; nous l'avons examiné avec le sincère désir de seconder les efforts de Sa Majesté Impériale dans la recherche des moyens propres à assurer les bienfaits d'une paix durable, et d'empêcher l'augmentation indéfinie du fardeau, toujours et partout croissant, des charges militaires.

Parmi les propositions du Gouvernement Impérial, il en est qui tendent à conférer à la diplomatie des forces nouvelles pour prévenir les conflits armés, notamment en multipliant et facilitant les recours aux bons offices des tiers et les appels à l'arbitrage. Il est permis d'espérer que les Gouvernements pourraient trouver dans cet ordre d'idées des formules pratiques pour aider à aplanir les litiges, en somme les plus fréquents entre les nations modernes, qui portent sur des faits déterminés et des intérêts restreints; c'est-à-dire tous ceux que ni l'honneur national, ni le devoir absolu de leur conservation n'imposent aux États de soutenir jusqu'au bout, avec toutes leurs forces et ressources sans exception.

On est plus fondé encore à attendre un résultat favorable des propositions qui ont pour objet de développer des accords existants, destinés à restreindre les maux de la guerre. A cet égard, la voie est déjà heureusement tracée.

Et même quant aux articles du programme du Comte Mouravieff au sujet desquels on entrevoit moins immédiatement l'éventualité d'une solution conventionnelle, il apparaît bien que de l'étude qu'en feront les Gouvernements en commun, devront jaillir des lumières nouvelles. Ainsi, tout au moins pour un avenir encore inconnu, ces déclarations auront contribué au bien de l'humanité.

Les considérations qui précèdent paraîtront, je n'en doute pas, répondre largement aux généreuses aspirations de S. M. l'Empereur Nicolas. Je vous prie d'en faire part au Gouvernement russe, en réponse à sa communication du 30 décembre/11 janvier et je vous autorise à lui remettre, s'il en exprime le désir, une copie de la présente dépêche.

DELCASSÉ.

N° 5.

RAPPORT

ADRESSÉ

AU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

PAR

MM. LÉON BOURGEOIS, G. BIHOURD ET D'ESTOURNELLES DE CONSTANT,

DÉLÉGUÉS DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

À LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE DE LA PAIX.

Le 12/24 août 1898, un Memorandum signé par le Comte Mouravieff fut, après avoir été communiqué officieusement à l'Ambassadeur de France, remis aux Représentants des Puissances accrédités à Saint-Pétersbourg. Le Ministre Impérial des Affaires étrangères exposait que « le maintien de la paix générale et une réduction possible des armements excessifs qui pèsent sur toutes les nations se présentait « comme l'idéal auquel devaient tendre tous les Gouvernements »; il proposait en conséquence à tous les Cabinets la réunion d'une Conférence qui aurait à s'occuper de ce grave problème

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Le 30 décembre de la même année, le Comte Mouravielf fit parvenir aux Représentants des Puissances une nouvelle circulaire dans laquelle il constatait que, malgré l'accueil empressé fait à la démarche du Gouvernement Impérial « l'horizon politique avait sensiblement changé d'aspect » depuis le mois d'août. Il relevait le fait que plusieurs Puissances venaient de procéder à des armements nouveaux, et déclarait que « en présence de cette situation incertaine, on pouvait être amené à se demander « si les Puissances jugeaient le moment actuel opportun à la discussion internationale « des idées émises dans la circulaire du 12/24 août ».

Il ajoutait toutefois que « dans l'espoir que le calme se rétablirait promptement dans les sphères politiques » le Gouvernement Impérial était, pour sa part, d'avis de provoquer la réunion de la Conférence projetée, et il résumait en traits généraux les thèmes qui devraient être soumis à la discussion.

Ce programme était divisé en huit paragraphes ainsi conçus :

1° Entente stipulant la non-augmentation, pour un terme à fixer, des effectifs

actuels des forces armées de terre et de mer, ainsi que des budgets de guerre y afférents; étude préalable des voies dans lesquelles pourrait même se réaliser dans l'avenir une réduction des effectifs et des budgets ci-dessus mentionnés;

« 2o Interdiction de la mise en usage, dans les armées et les flottes, de nouvelles armes à feu quelconques et de nouveaux explosifs, aussi bien que de poudres plus puissantes que celles adoptées actuellement, tant pour les fusils que pour les canons;

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3o Limitation de l'emploi, dans la guerre de campagne, des explosifs d'une puissance formidable déjà existants et prohibition du lancement de projectiles ou d'explosifs quelconques du haut de ballons ou par des moyens analogues;

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4° Défense d'employer dans les guerres navales des bateaux-torpilleurs sous-marins ou plongeurs, ou d'autres engins de destruction de la même nature; engagement de

ne pas construire, à l'avenir, des navires de guerre à éperons;

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5o Adaptation aux guerres maritimes des stipulations de la Convention de Genève

de 1864, sur la base des articles additionnels de 1868;

« 6o Neutralisation, au même titre, des navires ou chaloupes chargés du sauvetage des naufragés pendant ou après les combats maritimes;

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7° Revision de la Déclaration concernant les lois et coutumes de la guerre, élaborée en 1874 par la Conférence de Bruxelles et restée non ratifiée jusqu'à ce jour;

« 8° Acceptation, en principe, de l'usage des bons offices, de la médiation et de l'arbitrage facultatif, pour des cas qui s'y prêtent, dans le but de prévenir des conflits armés entre les nations; entente au sujet de leur mode d'application et établissement d'une pratique uniforme dans leur emploi. »

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En se précisant, les idées du Tsar s'étaient limitées. Il n'était plus question dans cette seconde circulaire d'une réduction actuelle des armements, mais seulement du maintien du statu quo, pour un terme à fixer, en matière d'effectifs et de budgets. C'était donc à tort que la Conférence future avait tout d'abord reçu de l'opinion publique le nom de Conférence du « désarmement »; plusieurs des problèmes qu'elle aurait à examiner supposaient même l'état de guerre.

Le Comte Mouravieff stipulait en outre expressément que le programme ainsi tracé devrait être limitatif et que « toutes les questions concernant les rapports politiques des États et l'ordre de choses établi par les traités, comme en général toutes « les questions qui ne rentreraient pas directement dans le programme adopté par les cabinets, devraient être absolument exclues des délibérations de la Conférence ». En terminant, le Comte Mouravieff faisait connaître que S. M. l'Empereur de Russie jugeait utile que la Conférence projetée ne siégeât pas dans la capitale d'une Grande Puissance où se concentrent tant d'intérêts politiques qui pourraient, peut-être, réagir sur la marche d'une œuvre à laquelle sont intéressés à un égal degré tous les « pays de l'univers ».

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Le 6 avril 1899, le Ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas, M. de Beaufort, fit connaître par une circulaire adressée aux Représentants de la Hollande à l'étran ger que le Gouvernement Impérial russe s'était entendu avec le Gouvernement de la Reine Wilhelmine pour faire de La Haye le siège de la Conférence projetée, et

d'accord avec le Gouvernement Impérial russe, il invita les différents États à s'y faire représenter.

A l'exception du Saint-Siège, du Transvaal, de la Bulgarie (qui ne fut invitée que plus tard) et des États de l'Amérique du Sud, tous les Gouvernements reçurent

communication de cette circulaire.

La généreuse initiative de S. M. l'Empereur de Russie ne pouvait être appréciée par aucune nation mieux que par la France. Le Gouvernement Impérial était d'autant plus assuré de nous voir répondre à son appel qu'il s'était plu à donner au Gouvernement de la République des assurances de nature à l'éclairer et à le satisfaire complètement quant à l'exacte portée de la note du 24 août et à la pensée qui l'avait dictée.

Dès le mois de septembre, le Gouvernement français avait fait savoir au Gouvernement Impérial qu'il était prèt à aborder, de concert avec les autres grandes Puissances, l'étude des hautes questions humanitaires et économiques que S. M. l'Empereur avait décidé de soumettre à l'examen du monde civilisé; il accepta donc avec empressement l'invitation du Gouvernement néerlandais et, le 21 avril 1899, le Ministre des Affaires étrangères de S. M. la Reine Wilhelmine était officiellement informé des noms des plénipotentiaires que le Gouvernement de la République avait choisis pour le représenter à la Conférence.

La Délégation française était composée de M. Léon Bourgeois, ancien président du Conseil, député, premier plénipotentiaire; de M. Bihourd, Ministre de France à La Haye, second plénipotentiaire, et du baron d'Estournelles de Constant, Ministre en disponibilité, député, troisième plénipotentiaire; trois délégués techniques leur étaient adjoints: le général Mounier, le contre-amiral Péphau, et M. Louis Renault, représentants des Ministères de la Guerre, de la Marine et des Affaires étrangères. Enfin, le Département envoyait à la Haye deux secrétaires d'ambassade; l'un, M. Legrand, devait être chargé avec M. Jarousse de Sillac, attaché à la Légation, du secrétariat de la Conférence, tandis que l'autre, M. Boppe, restait avec un attaché, M. Homberg, à la disposition de la Mission.

L'invitation de M. de Beaufort portait que la Conférence tiendrait sa séance d'ouverture le 18 mai.

La Délégation française arriva à La Haye, le 15 au soir; quelques Délégations l'y avaient déjà précédée; les journées du 16 et du 17 furent consacrées aux visites et aux présentations d'usage. Dans l'entretien que le Ministre des Affaires Étrangères eût à cette occasion avec les délégués français, M. de Beaufort annonça son intention de profiter de la présidence qui lui appartenait de droit avant la constitution du bureau pour proposer à la Conférence d'envoyer un télégramme de remerciements et de félicitations au Tsar et, aussitôt après, d'élire M. de Staal, premier délégué de la Russie, comme président de l'assemblée.

Ces intentions correspondaient trop bien avec les nôtres pour que nos Délégués ne s'appliquassent pas à en assurer le succès. A la suite de plusieurs réunions officieuses, et notamment au cours de celles où les premiers Délégués échangèrent leurs vues avant d'établir le règlement de la Conférence, l'accord se fit entre les divers Représentants des Puissances.

Conférence de la Paix.

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