Page images
PDF
EPUB

certaines matières, a commencé à définir les obligations réciproques de chacun des membres de cette communauté.

La Conférence de 1907 a pris complètement conscience des conditions de cette vie nouvelle. Réunissant les représentants de tous les États civilisés, elle s'est attachée à dégager et à définir les règles nécessaires à l'existence d'une société des Nations: ses membres ont été unanimes à reconnaître que seule, l'idée du Droit pouvait régler les rapports entre les États; leur tàche commune a été de préciser les applications de cette règle supérieure qui pouvaient dès maintenant faire l'objet de conventions universelles, d'une législation internationale fondée sur le consentement de tous.

C'eût été folie d'espérer qu'une législation internationale conventionnelle s'étendrait, dès le premier jour, à toutes les questions qui divisent les

nations.

C'est déjà une grande chose que d'avoir, pour toutes les matières que nous avons énumérées, obtenu le consentement de toutes ou presque toutes les Puissances à tant d'obligations réciproques uniquement motivées par des considérations de mutuelle justice.

Il est impossible d'énumérer ici toutes ces obligations qui constituent le premier réseau des liens de droit acceptés désormais par tous les membres de la société des Nations.

Certaines d'entre elles sont encore purement morales, comme le devoir proclamé par l'article 48 de la Convention sur le Règlement des conflits internationaux «de rappeler aux États, entre lesquels un conflit menace d'éclater, que la Cour permanente d'arbitrage leur est ouverte ». D'autres sont conditionnelles, et chaque État se réserve de juger si la condition prévue est ou non réalisée : telles sont par exemple les règles posées par certains articles du Règlement international de la guerre sur terre et qui cèdent « en cas d'une impérieuse nécessité militaire ». Encore doit-on retenir ici le soin avec lequel les représentants des plus grands États ont affirmé les scrupules qui s'imposaient aux chefs militaires dans l'usage de ces réserves ils devaient toujours se laisser guider «par la conscience, le bon sens et le sentiment des devoirs imposés par l'humanité ».

:

Mais déjà un grand nombre d'obligations internationales sont formulées sans réserves et prennent ainsi un caractère juridique, avec toute la rigueur d'un véritable lien de droit.

Le tableau suivant en donne un résumé, forcément incomplet :

I.

Affirmation de droits reconnus à une Puissance par toutes les autres et obligation pour celles-ci de respecter ces droits. Conférence de 1899. Convention pour le règlement pacifique

A. des conflits internationaux.- Article 3: Reconnaissance du droit

appar

tenant aux Puissances étrangères au conflit d'offrir leurs bons offices ou leur médiation, même pendant le cours des hostilités;

Interdiction pour les parties en litige de considérer l'exercice de ce droit comme un acte peu amical.

B.

Conférence de 1907.

Convention concernant les droits et

les devoirs des Puissances et des personnes neutres en cas de guerre. Article 19: Droit pour les Puissances neutres de retenir et utiliser le matériel de chemin de fer provenant du territoire d'une Puissance belligérante, jusqu'à due concurrence du matériel neutre retenu par celle-ci.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

règlement pacifique des conflits internationaux (revisée et complétée en 1907). - Article 48: Obligation pour le bureau international de La Haye de porter à la connaissance d'une Puissance en litige avec une autre, la déclaration d'après laquelle celle-ci se reconnaît prête à soumettre le différend à un arbitrage (1).

Convention et Règlement de 1899 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (revisée et complétée en 1907):

Article premier de la Convention : obligation pour les États de donner à leurs forces armées de terre des instructions conformes au règlement annexé à la Convention.

Articles du Règlement : Article 4: obligation de respecter la propriété personnelle des prisonniers de guerre.

Article 46 obligation, pour l'autorité militaire sur le territoire de l'État ennemi, de respecter l'honneur et les droits de la famille, la vie des individus et la propriété privée.

Article 52 obligation de constater par des reçus les prestations en nature, quand elles ne seront pas payées au comptant, et d'effectuer le plus tôt possible le payement des sommes dues.

Article 54: obligation de restituer à la paix, moyennant indemnité, les câbles sous-marins reliant un territoire occupé à un territoire neutre.

Article 56 obligation de respecter les biens des communes, ceux des

En outre, 32 Puissances sur 44 se sont déclarées prêtes à soumettre à l'arbitrage sans réserve leurs différends dans 8 cas déterminés par la Convention proposée.

[ocr errors]

établissements consacrés aux cultes, à la charité et à l'instruction, aux arts et aux sciences, même appartenant à l'État ennemi.

B. Conférence de 1907.

hostilités.

Convention relative à l'ouverture des

Article premier Obligation de ne pas commencer les hostilités sans un avertissement préalable et non équivoque.

Article 2: Obligation de notifier sans retard l'état de guerre aux Puis

sances neutres.

III. Obligations de ne pas faire.

A. Conférences de 1899 et de 1907.

Règlement concernant les lois

et coutumes de la guerre sur terre (revisé et complété en 1907).

Article 23: Interdiction de tuer ou blesser un ennemi qui a mis bas les armes, de déclarer qu'il ne sera pas fait de quartier, d'employer des armes ou projectiles de nature à causer des maux superflus, de déclarer éteints, suspendus ou non recevables en justice les droits et actions des nationaux de la partie adverse, enfin de forcer ceux-ci à prendre part aux opérations guerre dirigées contre leur pays.

de

Article 25: Interdiction d'attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments non défendus.

Articles 28 et 47: Interdiction formelle de piller, même dans une ville ou localité prise d'assaut.

Article 30 Interdiction de punir sans jugement préalable un espion même pris sur le fait.

Articles 44 et 45: Interdiction à un belligérant de forcer la population d'un territoire occupé à donner des renseignements sur l'armée ou les moyens de défense de l'autre belligérant, ou de contraindre cette population à prêter serment à la Puissance ennemie.

Article 46 Interdiction de confisquer la propriété privée.

:

Article 50 Interdiction d'édicter des peines collectives, pécuniaires ou autres, à raison de faits individuels.

Convention de 1899 pour l'adaptation à la guerre maritime des principes de la Convention de Genève (revisée et complétée en 1907). Articles 1, 2 et 3: Interdiction de capturer les bâtiments hospitaliers.

Article 10 Interdiction de faire prisonnier de guerre le personnel religieux, médical ou hospitalier des bâtiments capturés.

B. Conférence de 1907. Convention relative au régime des navires de

commerce ennemis au début des hostilités.

:

Articles 1 et 2 Interdiction de confisquer les navires de commerce ennemis qui se trouvent dans un port de l'adversaire au début des hostilités.

Article 3 Interdiction de confisquer les navires de commerce ennemis qui ont quitté leur dernier port de départ avant le commencement de la guerre et qui sont rencontrés en mer ignorants des hostilités. En cas de saisie, obligation de le restituer après la guerre. En cas de destruction, obligation de payer une indemnité et de pourvoir à la sécurité des personnes, ainsi qu'à la conservation des papiers de bord.

Convention relative à certaines restrictions à l'exercice du droit de capture dans la guerre maritime.

Article premier: Inviolabilité de la correspondance postale des neutres ou des belligérants, quel que soit son caractère officiel et privé.

:

Articles 3 et 4 Interdiction de capturer certains bateaux (pèche côtière, missions scientifiques ou philanthropiques).

Convention concernant les droits et les devoirs des Puissances et

des personnes neutres en cas de guerre sur terre. Articles 2, 3 et 4 : Interdiction aux belligérants de faire passer à travers le territoire d'une Puissance neutre des troupes ou convois, soit de munitions, soit d'approvisionnements, d'installer sur ce territoire des stations radio-télégraphiques et d'y former des corps de combattants ou d'y ouvrir des bureaux d'enrôle

ment.

Article 5: Obligation pour les Puissances neutres de ne pas tolérer les

actes susvisés.

Convention concernant la limitation de l'emploi de la force pour le recouvrement de dettes contractuelles.

Article premier Obligation de ne pas avoir recours à la force armée pour le recouvrement de dettes contractuelles réclamées au Gouvernement d'un pays par le Gouvernement d'un autre pays comme dues à ses nation aux, sauf quand l'État débiteur refuse ou laisse sans réponse une offre d'arbitrage.

Mais ce n'est pas seulement le nombre et l'étendue de ces obligations internationales qu'il importe de signaler. C'est le caractère absolument nouveau,

de ces liens de droit qui donne aux «Institutions de La Haye» leur figure véritable et leur profonde signification.

Certes, il existait déjà entre tels ou tels États de nombreux traités créant à la charge des uns, au profit des autres, des obligations et des droits conventionnels. Mais :

1° A l'exception des Unions (postales, télégraphiques, etc.), dont l'objet était, nous l'avons déjà dit, l'organisation de services 'd'ordre purement industriel ou économique, le monde n'avait pas encore connu de conventions vraiment universelles.

[ocr errors]

2o Les traités politiques internationaux avaient toujours été de simples règlements d'intérêts, les uns passés après une guerre ou un conflit diplomatique, les autres consentis uniquement pour éviter une guerre ou un conflit, tous ayant le caractère de transactions empiriques, dont les termes dépendaient de la force ou de la faiblesse respective des États en présence, aucun n'ayant pour source unique la volonté commune de se conformer à l'idée supérieure du droit.

Cette volonté commune est, au contraire, la source de toutes les conventions de La Haye. Les obligations qu'elles définissent sont communes à tous, égales pour tous; sans distinction entre les grandes et les petites Puissances, elles ont ce caractère de réciprocité, de mutualité, peut-on dire, où se manifeste le caractère de la loi : ubi societas, ibi jus.

On y peut, vraiment reconnaître les premiers traits d'une « Société des Nations ».

Que les sanctions de ces obligations soient encore incomplètes et insuffisantes, n'en est-il pas malheureusement ainsi trop souvent pour bien des obligations du droit privé? Et d'ailleurs n'en est-il pas de même jusqu'ici pour toutes les obligations internationales qui découlent des nombreux traités politiques enregistrés par l'histoire du monde, et ces traités politiques n'ontils pas cependant eu leur valeur, leur force et leur action durable? Mais ici, les sanctions morales ont déjà pris une autorité toute nouvelle, par le fait même que la garde des traités n'est pas seulement laissée à la bonne volonté d'un ou de deux contractants, mais qu'elle est sous la sauvegarde de toutes les Puissances du monde, puisque toutes y ont donné leur consentement. Enfin, nous l'avons signalé à propos du droit de la guerre, voici déjà que l'idée de sanctions plus efficaces et qui ne seraient pas purement morales s'est dégagée des délibérations de La Haye: pour la première fois, des sanctions pécuniaires sont édictées, des indemnités sont prévues (dans la convention sur les Lois de la guerre terrestre) au cas de la violation des Règlements internationaux.

Enfin, des juridictions sont créées pour garantir l'exécution de certaines de ces conventions : les unes sont encore facultatives comme la Cour d'arbitrage de 1899, ou incomplètement organisées comme la Cour de Justice

Deuxième Conférence de la Paix.

13

« PreviousContinue »