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Comités, des réunions techniques et des réunions préparatoires, sans parler des réunions que chaque délégation devait tenir pour arrêter entre tous ses membres l'unité d'action nécessaire et pour discuter l'attitude à prendre au fur et à mesure que le développement des débats soulevait des questions plus ou moins prévues, pour la plupart nouvelles et très importantes, on ne saurait s'étonner que la Conférence ait duré plus de quatre mois (exactement 125 jours), du 15 juin au 18 octobre; elle aurait duré plus longtemps et peut être moins bien fini, si une volonté supérieure n'avait dominé tous ses membres, la volonté de s'entendre plus que de se compter (2),, et si bien des préoccupations personnelles et nationales n'avaient pas fait place à un sentiment général d'émulation. Il est à remarquer que la longue durée de ce Parlement de la Haye constituait une épreuve pénible pour un bon nombre de ses membres, qui furent absents de leur pays, voyage compris, près de huit mois, de telle sorte que la Conférence semblait avoir accumulé contre elle les circonstances défavorables. Ses travaux n'ont jamais pourtant souffert de ces circonstances et nos collègues venus des points les plus éloignés du Globe ont donné jusqu'à la dernière heure l'exemple du dévouement le plus continu à l'œuvre commune.

L'OEUVRE.

L'organisation de la Conférence, son règlement et ses conditions de travail étant fixés le mieux possible, quelle sera son œuvre? On pourrait la diviser en deux parties, celle qui se voit et celle qui ne se voit pas, les résultats acquis et les résultats en préparation. Il sera, cela va de soi, facile de s'apercevoir que les résultats acquis sont très inférieurs aux résultats en préparation; nous le constatons, nous aussi. On a dit mieux eût valu n'aboutir à rien qu'à cette disproportion trop marquée et

que

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nous séparer sans tant attendre; tel n'a pas été notre sentiment et, plus d'une fois, nous avons pensé qu'il est plus facile de faire une belle sortie qu'une bonne œuvre.

Limitation des armements. — Le problème de la limitation des armements n'était pas compris, on l'a vu, dans le programme russe; certaines Puissances s'étaient refusées par avance à l'examiner, tandis que d'autres, au contraire, se réservaient formellement le droit de le poser, notamment la Grande-Bretagne, les États-Unis, l'Espagne, avec l'appui de beaucoup d'autres. Dans ces conditions, la Conférence ne pouvait ni le soumettre à un débat approfondi, ni en méconnaître l'importance. En fait, elle n'avait pas pu être mise à même de le discuter utilement. Ainsi que l'a déclaré l'Union interparlementaire, par sa motion de juillet 1906 à Londres, une pareille étude ne peut être menée à bonne fin ni même entreprise dans une assemblée internationale sans avoir été préalablement l'objet d'une étude nationale dans chacun des pays intéressés. C'est de l'ensemble de ces diverses études nationales que peut seule sortir une solution internationale. La Conférence ne se fit à cet égard aucune illusion. Elle fut unanime à réclamer aux Gouvernements l'étude préalable nécessaire; la résolution qu'elle vota confirme et précise le vœu de la Conférence de 1899. Ce vœu rédigé par M. Léon Bourgeois était, on se le rappelle, ainsi conçu : « La Conférence estime que la limitation des charges militaires qui pèsent actuellement sur le monde est grandement désirable pour l'accroissement du bien-être matériel et moral de l'humanité ». La résolution de 1907 proposée par Sir Edward Fry, premier délégué de GrandeBretagne, figure à l'Acte final de la Conférence; elle constate que le vœu de 1899 n'a pas encore été suivi d'effet et que les dépenses militaires n'ont cessé de s'accroitre; elle conclut en ces termes : « La deuxième Conférence de la Paix confirme la résolution adoptée par la Conférence de 1899 à l'égard de la limitation des charges militaires; et, vu que les charges militaires se sont considérablement accrues dans presque tous pays depuis ladite année, la Conférence déclare qu'il est hautement désirable de voir les Gouvernements reprendre l'étude de cette question. »

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Cette résolution, adoptée à l'unanimité dans la séance plénière du 17 août, a été expressément appuyée par plusieurs délégués, notamment par M. Léon Bourgeois au nom de la Délégation française; elle n'a soulevé ni opposition, ni réserve. Il n'a pas dépendu de la Conférence de faire davantage; elle a certainement voulu, par son vote d'une part, marquer l'importance prise par la question de la limitation des armements dans l'opinion publique de tous les pays civilisés, et, d'autre part, mettre en lumière la responsabilité qui s'impose désormais aux gouvernements dans l'orientation de leur politique internationale.

Les travaux des quatre Commissions. -- Le présent rapport résumera les principaux débats de chacune de nos quatre grandes commissions et les résultats de ces débats. Voici comment se répartissent dans les commissions les conventions, déclarations et vœux adoptés :

Premiére Commission:

1o Améliorations apportées à la Convention de 1899 pour le règlement pacifique des conflits internationaux;

2o Convention concernant la limitation de l'emploi de la force pour le recouvrement des dettes contractuelles;

3o Convention relative à l'établissement d'une Cour internationale des prises;

4o Déclaration relative à l'arbitrage obligatoire;

5o Vou recommandant la mise en vigueur du projet de convention pour l'établissement d'une Cour de justice arbitrale.

Deuxième Commission:

6o Convention relative à l'ouverture des hostilités;

guerre sur terre;

7° Convention concernant les lois et coutumes de la 8° Convention concernant les droits et les devoirs des Puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre;

9o Déclaration relative à l'interdiction de lancer des projectiles et des explosifs du haut des ballons (non votée par la Délégation française).

10° Vœu relatif au devoir d'assurer des rapports pacifiques entre les belligérants et les neutres;

11° Vou relatif à la situation des étrangers établis sur le territoire des belligérants;

Troisième Commission:

12o Convention relative à la pose des mines sous-marines automatiques de contact;

13° Convention concernant le bombardement par des forces navales en temps de

guerre;

14° Convention pour l'adaptation à la guerre maritime des principes de la Convention de Genève;

15° Convention concernant les droits et les devoirs des Puissances neutres en cas de guerre maritime.

Quatrième Commission:

16° Convention relative au régime des navires de commerce ennemis au début des hostilités;

17° Convention relative à la transformation des navires de commerce en bâtiments de guerre;

18° Convention relative à certaines 'restrictions à l'exercice du droit de capture dans la guerre maritime.

19° Vœu relatif à l'inscription au programme de la prochaine Conférence de l'élaboration d'un règlement relatif aux lois et coutumes de la

guerre maritime.

On n'a pas manqué de remarquer que les discussions des Commissions II, III et IV portent toutes sur l'état de guerre, et il en est de mème de certaines discussions de la première Commission, notamment en ce qui concerne la Cour des prises; mais

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il est impossible de ne pas reconnaitre que, si de graves difficultés internationales peuvent surgir en temps de paix, l'état de guerre est autrement fertile en complications dont nul ne saurait se désintéresser. La question des droits et des devoirs des neutres sur terre et surtout sur mer est relativement nouvelle encore; les problèmes complexes de la contrebande, de l'inviolabilité de la propriété privée sur mer, des mines sous-marines, de l'ouverture des hostilités, du séjour des vaisseaux de guerre des belligérants dans les ports neutres, des ballons, des guides, des prisonniers, des indemnités; en un mot, les lois ou les coutumes de la guerre, ne pouvaient être exclus du programme d'une Conférence de la Paix.

Il faut bien admettre, en effet, que la mission d'une Conférence de la Paix est non seulement de préparer de son mieux le règlement pacifique des conflits et de chercher à les prévenir, mais aussi de prévoir le cas où, ses efforts n'étant pas suffisants, la guerre éclaterait malgré tout. Après s'être efforcée de la rendre de plus en plus rare, elle doit s'attacher à en limiter la durée, les risques pour les neutres et pour tous ceux qui doivent être considérés, non comme les auteurs ou même comme les bénéficiaires plus ou moins directs, mais comme les victimes de la guerre.

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L'œuvre de la Haye, si elle ne s'appliquait qu'à prévenir la guerre, serait incomplète, alors cela est trop certain que nul ne se flatte d'y réussir totalement; il faut donc qu'elle en atténue les maux pour ceux qui la subissent, notamment en améliorant l'organisation des secours aux blessés, en affirmant, dans la mesure du possible, le respect de la liberté, de la propriété et de la vie humaines. Le champ des maux n'est que trop vaste encore dans ce domaine et fournit des occasions trop nombreuses de discussions bien difficiles dans une Assemblée dont les membres sont de nationalité, de race, de religions différentes, et où les questions qui nous paraissent les plus élémentaires donnent lieu à des objections de principe presque insurmontables; ne serait-ce pour citer un seul exemple que celle de la Croix-Rouge, emblème international mais non universel, difficilement accepté ou même repoussé par des États dont les drapeaux marqués du croissant ou d'un autre signe ont symbolisé tant de luttes, depuis les croisades jusqu'aux plus récentes guerres d'Orient.

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Il convient de relever, parmi les principales discussions de la Conférence, celles qui ont fait ressortir la valeur croissante des sanctions morales en matière internationale et la part de plus en plus considérable de la bonne foi dans l'exécution finale des engagements pris par les États. Relevons aussi ce fait que, dans des matières particulièrement délicates, comme le règlement des lois et coutumes de la guerre sur terre, la Conférence a posé le principe de l'obligation d'indemniser les victimes de la violation des prescriptions conventionnelles et celui de la responsabilité des belligérants. Nous estimons qu'il y a là un précédent de la plus grande importance.

La question de savoir si la majorité des trois quarts de la Conférence devait s'incliner devant la résistance de la minorité ou si cette minorité n'était pas tenue au contraire d'accepter la loi du nombre, s'il fallait en un mot l'unanimité des votes pour constituer une résolution de la Conférence et pour qu'une Convention élaborée par la majorité figurât dans les actes de la Haye, — fut aussi l'un des plus graves problèmesposés; il a été résolu, avec plus ou moins de tempéraments, on le verra, mais non sans protestations parfois très vives, dans le sens du droit de veto de la minorité.

Bon nombre d'innovations ou de simples vœux dus à des initiatives diverses se recommandent, bien qu'ils n'aient pas tous recueilli l'unanimité des votes, à l'attention des Gouvernements et des Conférences à venir; notamment l'organisation de la Cour de justice arbitrale, la conclusion de traités généraux d'arbitrage obligatoire, etc. Bien qu'il n'ait pas été inscrit dans l'Acte final, les Gouvernements ne méconnaitront pas non plus l'importance du tableau central où s'enregistreraient automatiquement à La Haye les adhésions des États aux traités généraux d'arbitrage et dont l'initiative à été due à la Délégation britannique.

Parmi les vœux, il en est un qui, déposé par M. d'Estournelles de Constant, a pour objet d'intéresser à la construction du Palais de la Haye, dont la première pierre a été posée le 30 juillet, non seulement les Gouvernements, mais toute l'activité nationale de chaque pays. Voici le texte de ce vœu, adopté à l'unanimité dans la séance plénière du 16 octobre:

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La Conférence exprime le vœu que chaque Gouvernement signataire de la Convention de la Haye contribue à l'édification du Palais de la Paix par l'envoi, d'accord avec l'architecte, des matériaux de construction, de décoration et des objets d'art représentant le plus pur spécimen de sa production nationale, de façon que ce Palais, expression de la volonté et de l'espérance universelles, soit fait de la substance même de tous les pays.»

Enfin la Conférence n'a pas voulu se séparer sans prendre acte elle-mème de l'importance de ses travaux et sans en assurer l'avenir. Elle s'est conformée à l'opinion émise maintes fois dans les circulaires gouvernementales, à commencer par celles des Gouvernements de Russie et des Etats-Unis, concernant la nécessité de développer l'œuvre entreprise. Elle a tenu à affirmer qu'elle n'avait fait que poursuivre l'ébauche commencée en 1899 et que son œuvre vaudrait surtout comme une étape entre la Conférence précédente et les Conférences futures. Elle s'est élevée à la périodicité; désormais ses réunions ne seront plus occasionnelles et dues à l'initiative d'une ou plusieurs Puissances; elles seront transformées en sessions régulières; dans l'intervalle des sessions, les Gouvernements auront le double devoir d'assurer l'exécution des décisions prises dans la Conférence passée et de préparer les travaux de la Conférence à venir.

Voici le texte de cette décision adoptée dans la séance plénière du 16 octobre et dont il n'est pas besoin de souligner l'importance:

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« La Conférence recommande aux Puissances la réunion d'une troisième Conférence de la paix qui pourrait avoir lieu dans une période analogue à celle qui s'est écoulée depuis la précédente Conférence, à une date à fixer d'un commun accord entre les Puissances, et elle appelle leur attention sur la nécessité de préparer les travaux de cette troisième Conférence assez longtemps à l'avance pour que ses délibérations se poursuivent avec l'autorité et la rapidité indispensables.

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Pour atteindre ce but, la Conférence estime qu'il serait très désirable que, environ deux ans avant l'époque probable de la réunion, un Comité préparatoire füt

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