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tembre, proposée par la Commission (1), et ensuite par la Section du Conseil d'état (2), étoit du moins fondée sur un motif spécieux : la cohabitation est un des devoirs qu'impose le mariage *; l'époux qui s'y soustrait viole donc le contrat.

Cependant, dans une seconde rédaction du titre du Divorce, la cause d'abandon ne se trouvoit plus énoncée (3). Ce n'étoit pas néanmoins qu'on eût intention de la retrancher absolument, on proposoit seulement de n'en pas faire une cause distincte et particulière du divorce, parce que « elle rentre, disoit-on, dans la cause des sévices et mauvais traitemens ou dans celle de l'absence **» (4).

Le motif pour lequel on se refusoit à lui donner une existence isolée, étoit qu'il est trop difficile de la définir (5). « Le mot abandon présente une idée complexe; celle du délaissement qui est un fait, et celle du délaissement qui est une intention: or, si le fait peut être aisément constaté, il n'en est pas de même de l'intention, qui souvent y est

(1) Voyez Projet de Code civil, livre ler, titre VI, article 3 page 43.—(2) Première rédaction, chap. 1er, art. 2, Procès-verbal du 14 vendémiaire an 10, tome Ier, page 296. (3) Rédaction de M. Boulay, Procès-verbal du 24 vendémiaire an IO, page 341. — (4) M. Boulay, ibid., page 351. — (5) Ibid.

* Voyez tome III, page 483..

** Nota. Nous avons dit dans la subdivision précédente, que l'absence ne pouvoit être confondue

avec l'abandon, voyez page 120.

contraire et qui est presque toujours équivoque » (1).

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Mais la cause d'abandon prêtoit à trop d'abus pour qu'elle pût être admise sous aucune forme. En effet, elle eût été un moyen de rompre le mariage par la volonté d'un seul » la volonté d'un seul » (2) ; « elle eût ramené les causes d'incompatibilité d'humeur et de caractère, qu'on vouloit bannir: ainsi, au lieu de resserrer le lien du mariage, ont l'eût relâché. encore plus qu'il ne l'étoit dans le temps de la plus grande immoralité » (3). Au reste, l'expérience avoit justifié ces craintes; elle avoit prouvé que ¶ de l'ambiguité du mot abandon, pouvoient naître des prétextes faciles de divorce: les exemples de ces abus étoient très-multipliés ¶ (4).

Dans d'autres circonstances, de tels inconvéniens s'étaient trouvés compensés par quelques avantages. Lors de nos tempêtes politiques, la cause, d'abandon avoit pu être une planche secourable offerte aux débris des familles enveloppées dans le naufrage; mais aujourd'hui le calme heureux dont nous jouissons permettoit d'oublier cette ressource comme inutile, et de la repousser comme funeste (5).

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(1) M. Gillet, Tribun. Tome Ier, page 492. (3) M. Tronchet, Procès-verbal du 24 vendémiaire an 10, tome 1er, page 351. —(3) Observations de la Cour d'appel d'Agen, page 6, -de Bourges, page 6. — (4) M. Gillet, Tribun. Tome Ier, page 492. —(5) Ibid,

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On ouvrit donc au Conseil d'état l'avis de la rejeter absolument (1).

Cet avis a été adopté.

IVe SUBDIVISION.

De la Cause d'Impuissance.

LA Cour d'appel de Douai reprochoit à la Commission de n'avoir pas mis l'impuissance au nombre des causes du divorce.

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Est-il possible, disoit-elle, de prolonger éternellement l'union d'une femme honnête avec l'être à qui la nature aura refusé, ou à qui ses désordres auront enlevé jusqu'aux organes nécessaires aux vues de la nature et de la loi dans le mariage » (2)!

Cette réflexion semble indiquer que la Cour d'appel de Douai vouloit autoriser le divorce, soit que l'impuissance fût antérieure au mariage, soit qu'elle fût survenue depuis.

Un membre de la Cour d'appel de Lyon proposa aussi la cause d'impuissance; mais il se réduisit à l'impuissance qui auroit existé avant le mariage.

Il motivoit sa proposition sur les considérations suivantes :

(1) M. Tronchet, Proces-verbal du 24 vendémiaire an I, tome , page 351..

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- M. Boulay, ibid, pages 351 et 352. —(2) Obser

vations de la Cour d'appel de Douai, page 7.

Tome IV.

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« Le mariage, disoit-il, doit être dissous pour cause d'impuissance. Les lois religieuses et civiles de tous les peuples ont consacré ce principe. Le droit canonique prononce en ce cas la nullité du mariage, et la qualifie nullité pour cause d'impuis

sance.

«On avoit imaginé, pour la constater, des preuves bizarres et toujours incertaines. L'aventure singulière d'un homme déclaré impuissant, et qui ent sept enfans d'une autre femme, et la satire de Boileau, décidèrent le Parlement à supprimer cette épreuve. On y substitua des examens et des discussions toujours malhonnêtes, indécentes, et dont les résultats ne pouvoient être que des présomptions et des conjectures. La loi de 1792, sur le divorce, ne parle point de cette action; mais elle fut heureusement remplacée par le divorce d'un commun consentement, ou par incompatibilité d'humeur.

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Le projet de Code civil abroge ces deux causes de divorce, et ne parle pas de l'impuissance.

Cependant le Législateur ne peut pas violer le vœu fondamental du mariage, le vœu de la nature et de la société; il ne peut pas, nouveau Mezence, condamner un être vivant à mourir dans les bras d'un être mort. L'impuissance est donc une cause de dissolution ou au moins de divorce. » (1).

(1) Observations de la Cour d'appel de Lyon, pages 28 et 29.

Au surplus, dans ce système, « la cause d'impuissance auroit été restreinte au cas où, par l'âge de la femme au moment du mariage, il étoit possible qu'elle eût des enfans » (1).

A l'égard de la preuve de l'impuissance, elle n'auroit pas été positive: on la faisoit résulter de la stérilité de la femme pendant un certain temps. « Pour renfermer cette action dans les bornes de la décence, on proposoit d'ordonner que, lorsque la femme n'auroit point accouché, soit à terme, soit avant le terme, pendant trois ans au moins délai adopté par les lois canoniques), pendant quatre ou six ans au plus ( terme le plus long que la morale puisse exiger de la patience ), chacun des deux époux pourroit demander le divorce »> (2).

La Cour d'appel de Lyon consigna cette proposition dans son procès-verbal, mais ne crut pas devoir l'adopter.

Au Conseil d'état,« on convint que lorsqu'il y a impuissance, la matière du mariage manque » (3); « que toujours l'impuissance, cause honteuse et difficile à prouver, a été aussi un principe de nullité en matière de mariage » (4).

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Mais il faut aborder plus directement ce sujet,

(1) Observations de la Cour d'appel de Lyon, page 29. — (2) Ibid.- (3) Le Premier Consul, Procès-verbal du 16 vendémiaire an ro, tome jer, page 327. — (4) M. Portalis, ibid., page 329.

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