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L'effet qu'a l'Adultère de la femme d'introduire des enfans étrangers dans la famille, étoit-il un motif d'en faire indéfiniment une cause de Divorce?

On a observé, d'un côté, que ¶ cette raison avoit déterminé les lois romaines à établir entre l'adultère de la femme et celui du mari la différence que le Code confirme (1).

D'un autre côté, on a assigné un motif différent à ces lois : << Elles prononçoient, a-t-on dit, une peine contre l'adultère et alors il étoit juste d'établir une distinction qui servoit à graduer la peine d'après les conséquences »(2). On en a conclu que puisqu'il ne s'agissoit pas de fixer le châtiment de l'adultère, et ¶ qu'on n'avoit à considérer ce crime que dans ses rapports avec le divorce, c'est-à-dire, dans les effets qu'il produit entre les époux (3), on ne pouvoit se décider par les raisons qui avoient déterminé les Romains.

Mais quelles qu'eussent été ces raisons, il y en avoit une autre qui ne permettoit pas de balancer, c'étoit la nécessité de prévenir indéfiniment les suites funestes du déréglement de la femme. « Elle trouble par un sang étranger le sang de son

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 24 vendémaire an Io, tome ', page 347. — (2) Ibid. page 348. — (3) M. Regnier ibid.

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époux qu'elle doit transmettre à ses enfans; elle altère dans son principe cette affection mutuelle qui doit unir les frères; elle comprime jusque dans le coeur de son mari cet abandon au sentiment de la nature, qui est le plus doux charme de la paternité »> (1).

La distinction a donc été admise.

Restoit la troisième question.

L'Adultère du mari devoit-il donner lieu au Divorce, dans le cas particulier prévu par l'ar

ticle 250!

QUOIQUE l'intérêt de maintenir la puissance maritale ne permit pas d'autoriser la femme à demander, dans tous les cas, le divorce pour l'adultère du mari, il y avoit cependant des circons tances où l'on ne pouvoit, sans cruauté, repousser ses plaintes.

l'au

Si l'ordre public étoit intéressé à ce que torité du mari ne fût pas atténuée, il ne s'opposoit pas à ce qu'on en prévînt l'abus, à ce qu'on l'empêchât de dégénérer en tyrannie.

Les lois romaines avoient saisi un juste milieu. Elles n'alloient pas jusqu'à exclure toute excep tion au principe général que l'adultère du mari

(1) M. Gillet, Tribun. Tome 1er, page 489.

n'autorise pas la femme à demander le divorce. Elles admettoient son action, lorsque le mari. avoit introduit sa concubine dans la maison. Elles regardoient ce procédé comme la plus grande injure qui pût être faite à une femme chaste et honnête ɓ (1) ; ¶ comme celui qui devoit le plus l'exaspérer; elles le qualifioient d'horrible' (2); et << elles accordèrent, en ce cas, l'action, non pour punir le mari, mais pour donner une réparation à la femme » (3).

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Le Code a suivi, sur ce point, les lois romaines. « L'adultère du mari ne donne lieu au divorce que lorsqu'il est accompagné d'un caractère particulier de mépris, par l'établissement de la concubine dans la maison commune » (4).

(2)

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 4 brumaire an 10. M. Tronchet, Procès-verbal du 124 vendémiaire an 10, tome 1er, p. 348.-(3) M. Tronchet, Procès-verbal du 4 brumaire an 10. (4) M. Treilhard, Exposé des motifs, Procès-verbal du 19 ventôse an II, tome II, page 546.

IIe SUBDIVISION.

Des Excès, Sévices et Injures graves.

ARTICLE 231.

LES époux pourront réciproquement demander le divorce pour excès, sévices ou injures graves, de l'un d'eux euvers l'autre.

J'AI rendu compte des motifs qui ont fait mettre les excès, sévices et injures graves au nombre des causes de divorce, et décider qu'ils l'opéreroient directement *.

Il ne reste plus à parler que de l'étendue que Je Législateur a voulu donner à ces causes. Elle doit être considérée,

Sous le rapport des personnes qui peuvent les faire valoir;

Sous le rapport des faits qu'elles embrassent.

NUMÉRO Ier.

Étendue de ces Causes sous le rapport des Personnes qui peuvent les faire valoir.

Il ne pouvoit y avoir de doute sur la nécessité d'accorder le divorce au mari comme à la femme, lorsqu'il auroit à se plaindre d'excès; car cette

Voyez pages 93 et 94.

cause, comme nous le verrons dans un moment, comprend l'attentat à la vie.

Mais en étoit-il ainsi des injures et des sévices! C'est ce qu'on a cru devoir examiner.

L'Action en Divorce pour cause d'injures devoitelle être accordée au Mari!

On ne pouvoit, dans cette question, se régler sur l'ancienne jurisprudence, parce que «< jamais la séparation de corps n'étoit prononcée sur la demande du mari » (1).

Il falloit donc recourir à l'analyse.

Voici ce qui se passa.

La Commission n'avoit égard aux injures que lorsqu'elles prenoient le caractère de diffamation publique, et elle autorisoit également les deux époux à faire valoir cette cause ainsi restreinte (2). Ce système avoit d'adord été adopté par la Section (3).

Mais, dans une seconde rédaction, elle substitnoit les mots injures graves à ceux de diffamation publique, et n'accordoit plus qu'à la femme le divorce pour cette cause (4).

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 6 nivôse an 10.- Voyez Projet de Code civil, livre ler, titre V1, article 3, page 43. — (3) Première rédaction, chapitre 1er, article 2, Procès-verbal du 14 vendémiaire an 10, tome Ier, page 296.— (4) Deuxième rédaction, article 3, Procès-verbal du 6 nivôse an 10.

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