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Ce fut sur cette rédaction que la question s'engagea dans la séance du 6 nivôse an 10.

La restriction proposée par la Section, fut altaquée.

On observa

" que, comme le mari peut aussi avoir à se plaindre d'injures graves de la part de la femme, il ne paroissoit pas juste dé lui refuser cette cause de divorce » (1).

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« Il ne s'agit pas de quelques injures passagères auxquelles la loi ne peut pas avoir égard, sur tout entre gens de la classe la moins éduquée du peuple; mais d'une suite d'injures graves et persévérantes » (2). « Le mari peut recevoir, de la part de sa femme, des injures tellement graves, qu'il soit juste de l'autoriser à demander le divorce: telle est, par exemple, la diffamation publique » (3); tells seroient les injures qui attaqueroient sa probité » (4).

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Il y a donc parité de raisons pour ouvrir au mari la voie du divorce. La loi ne peut lui supposer moins de sensibilité qu'à la femme » (5).

« Les Tribunaux jugeroient, au surplus, si les injures sont assez fortes pour autoriser le divorce » (6).

Il fut répondu que « toute action en réparation

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- (4)

(1) Le Consul Cambacérès, Procès-verbal du 6 nivòse an 10. — (2) M. Regnier, ibid. (3) Le Consul Cambacérès, ibid. M Regnier, ibid. (5) Ibid. —(6) Ibid.

d'injures est mal vue dans la société, même lorsqu'elle est dirigée contre un homme; mais qu'elle est plus ridicule encore lorsqu'elle est intentée par un homme contre une femme » (1). Que seroit-ce donc si elle étoit exercée par un mari?

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Le mari a une latitude de puissance et de moyens assez grande pour réprimer les injures de la femme » (2); «il doit se faire respecter dans sa maison; la loi a assez fait en l'établissant le chef de la famille; elle ne doit pas lui donner l'action en divorce pour de simples injures qu'il lui est permis de réprimer » (3). « On seroit choqué d'entendre le chef de la famille se plaindre des injures qu'il reçoit d'une épouse qui est sous son autorité, et qui, à raison de son état de subordination, ne peut que bien difficilement le diffamer » (4).

Le Conseil d'état arrêta, d'après ces considérations, que la diffamation ne seroit pas une cause de divorce pour le mari (5).

Le Tribunat, sur la communication qui lui fut faite du projet, proposa¶ de rendre réciproque l'action en divorce pour injures graves [(6).

Il dit: « Sous ces expressions on doit comprendre les excès en diffamation, qui peuvent être regardés

(1) M. Berenger, Procès-verbal du 6 nivôse an 10. (2) M. Emmery, ibid. — (3) M. Defermon, ibid. ~ (4) M. Berenger, ibid.

(5) Décision, ibid, —(6) Observations du Tribunat.

comme des attentats à l'honneur; et l'on ne concevroit pas comment il n'en résulteroit pas l'action en divore contre la femme, lorsqu'elle s'y livre contre son mari » (1).

Le Conseil d'état revint à l'avis du Tribunat, et adopta sa proposition.

Devoit-on permettre au Mari de demander le Disoepour causes de Sévices?

LA Commission et la Section permettoient au mari comme à la femme de demander le divorce pour causes de sévices (2).

La Section réduisit ensuite cette faculté à la femme (3).

La question fut traitée au Conseil d'état.

On soutint que « l'allégation de cette cause étoit ridicule dans la bouche d'un mari » (4) à qui la nature donne l'avantage et la force, et la loi la supériorité.

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On ajouta « qu'il seroit aussi peu naturel d'accorder au mari le droit de se plaindre des sévices. de sa femme, qu'il seroit contraire aux mœurs

(1) Observations du Tribunat.-(2) Projet de Code civil, livre I, titre VI, article 3, page 43. — Première rédaction, chapitre 1or, article 2, Procès-verbal du 14 vendémiaire an 10, tome Ier, page 296. (3) Deuxième rédaction, article 3, Procès-verbal du 6 nivose an 10. ·(4) M. Emmery, Procès-verbal du 24 vendémiaire an 10, tome Ier, page 356.

d'admettre la femme à prouver l'incontinence de son mari: le mari, dans ce cas, s'accuseroit de lâcheté, la femme d'impudeur. Il ne doit donc être permis qu'à la femme de faire valoir les causes de sévices » (1).. Il fut répondu qu'il est encore moins naturel d'accorder à une femme le droit de tourmenter impunément son mari » (2). « On a vu des maris malades, infirmes, aveugles; éprouver les traitemens les plus durs de la part de leurs femmes »>(3).

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On répliqua << que ce sont là des cas particuliers, et que la loi ne doit se régler que par ce qui arrive communément » (4).

L'article de la Section ne fut point modifié ; on l'adopta, au contraire, dans la séance du 22 fructidor an 10, et il fut communiqué auTribunat dans les termes suivans: La femme pourra demander le divorce pour sévices ou injures graves qu'elle aura éprouvés de la part de son mari (5).

Le Tribunat opposa les raisons par lesquelles cet article avoit été combattu dans le Conseil d'état, en leur donnant plus de développemens. Il dit : « Il semble, au premier abord, que le mari ne

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M. Thi

(5) Ré

(1) M. Ræderer, Procès-verbal du 4 brumaire an IO. baudeau, ibid. (2) Le Premier Consul, ibid. —(3) M. Réal, Procès-verbal du 6 nivôse an 10.- (4) M. Maleville, ibid. daction communiquée au Tribunat, article 3, Procès-verbal du 22 fructidor an 10, tome II, page 13.

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peut invoquer les sévices pour fonder une demande en divorce; on peut penser que la force de son sexe peut l'en mettre à l'abri.

Cependant cela n'est pas toujours vrai ; et si, par exemple, on se représente un mari infirme ou âgé, qui soit journellement exposé aux plus durs traitemens, et même à des sévices de la part de sa femme, il paroît de toute justice que l'action soit réciproque. C'est un moyen sage de contenir les emportemens d'une femme violente et qui oublie ses devoirs.

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« Les juges pourront avoir plus particulièrement égard aux circonstances, lorsque l'action en divorce du mari sera fondée sur les sévices de la part de la femme. Ces sévices pourront n'être pas toujours aussi décisifs; mais il suffit qu'ils le soient quelquefois pour que l'action sur ce motif ne soit pas interdite au mari » (1).

La proposition du Tribunat a été admise par l'article 251 que nous discutons.

NUMÉRO II.

Etendue des mêmes causes quant aux faits qu'elles supposent.

L'ARTICLE 231 distingue entre les excès, les sévices et les injures graves.

(1) Observations du Tribunat.

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