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seroit encore douteux; toujours faut-il convenir qu'il dépendra des juges de ne point y avoir égard» (1).

Le système des causes indéterminées n'obligeant pas de dévoiler les véritables motifs, ce premier obstacle disparoît.

Le même Système fait cesser l'obstacle que l'Humanité peut apporter à la demande en Divorce.

<< PARMI les causes déterminées de divorce, il en est quelques-unes d'une telle gravité, qui peuvent entraîner de si funestes conséquences pour l'époux défendeur (telles, par exemple, que les attentats à la vie), que des êtres doués d'une excessive délicatesse préféreroient les tourmens les plus cruels, la mort même, au malheur de faire éclater ces causes par des plaintesjudiciaires. Ne convenoit-il pas, pour la sûreté des époux, pour l'honneur des familles toujours compromis, quoi qu'on puisse dire, dans ces fatales occasions, pour l'intérêt même de toute la société, de ne pas forcer à une publicité, non moins amère pour l'innocent que pour le coupable» (2)!

Le divorce pour causes indéterminées n'obli

(1) M. Réal, Procès-verbal du 24 vendémiaire an 10, tome Ier, page 356. —(2) M. Treilhard, Exposé des motifs, Procès-verbal du 19 ventôse an 11, tome II, page 547; -Observations de la Cour d'appel de Paris, page 47.

geant point de révéler ces faits, sauve cette publicité.

Il fait cesser également l'obstacle qui résulte de l'impossibilité de prouver.

Si les motifs de la demande doivent non-seulement être révélés, mais encore justifiés par des preuves juridiques, les causes les plus réelles n'opéreront pas toujours le divorce. L'adultère, par exemple, ne peut obtenir de succès que par des preuves toujours très-difficiles, souvent impossibles. Cependant le mari qui n'auroit pu les faire, seroit obligé de vivre avec une femme qu'il abhorre, qu'il méprise, et qui introduit dans sa famille des enfaus étrangers ɓ(1).

Or, dans le divorce pour causes indéterminées, il n'y a à prouver que la volonté des parties.

IVe SUBDIVISION.

Motifs qui ont fait rejeter le Système.

DANS cet état de choses, l'admission ou l'exclusion du divorce pour causes indéterminées, dépendoient de deux circonstances.

Il falloit examiner,

(1) Le Premier Consul, Procès-verbal du 14 vendémiaire an 10, tome Ier, page 307.

1° S'il étoit nécessaire de maintenir les avantages qu'on lui prêtoit et qu'il avoit en effet;

2o Si, en supposant que ces considérations militassent en faveur du système, il n'existoit pas d'autres considérations plus fortes qui dussent le faire rejeter. NUMÉRO Ier.

Les avantages que présentoit le Divorce pour causes indéterminées, devoient-ils être maintenus!

LES difficultés que le divorce pour causes indéterminées faisoit cesser, étoient réelles; I mais le Législateur devoit-il s'en occuper ↓ (1)?

Raisons pour la négative.

On a soutenu la négative par les raisons sui

vantes :

S'agit-il d'adultère; pourquoi le couvrir!

Les précautions ici ne peuvent être prises que dans l'intérêt ou de l'époux coupable ou de l'époux outragé.

Pour l'époux coupable, ¶ quel seroit l'inconvénient de le flétrir! Il faudroit même aller jusqu'à punir le séducteur à qui le crime appartient (2).

Quant à l'époux outragé, le déshonneur

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(1) M. Defermon, Procès-verbal du 16 vendémiaire an 10, tome ler , page 333.—(2) M. Tronchet, ibid., page 324.

qu'on craint pour lui est une idée populaire à laquelle le Législateur ne doit pas s'arrêter » (1). D'ailleurs cette idée même n'a rien de flétrissant; ce n'est pas le déshonneur qu'elle peut faire redouter, c'est le ridicule. Or, quoiqu'en général, dans l'état de nos moeurs, on cherche plus à se sauver du ridicule que du vice même ɓ (2), il est cependant certain qu'une épigramme blesse bien légèrement dans la triste position où se trouve l'époux outragé, et que les âmes sensibles et honnêtes n'ajoutent pas à son malheur; elles le plaignent, elles le consolent (3).

Au surplus, si l'on ne peut vaincre la crainte du ridicule «< pourquoi la loi ne la mettrait-elle pas à profit? Elle peut retenir les époux dans le devoir; elle peut les retenir dans les liens du mariage, par la répugnance qu'elle leur donne à proposer certains griefs que l'on est honteux de rendre publics (4).

Voilà pour les causes honteuses.

S'agit-il de causes qui peuvent compromettre la sûreté du coupable; « depuis quand est-ce le ministère de la loi de cacher le crime » (5)?

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 16 vendémiaire an 10, tome Ier, page 324. (2) M. Portalis, Procès-verbal du 14 vendémiaire an Io, page 304. (3) M. Tronchet, Procès-verbal du 16 vendémiaire an 10, page 328. — (4) M. Portalis, Procès-verbal du 14 vendémiaire an 10, page 304. — (5) Voyez Discours de M. Treilhard, tome 1, page 505.

On ajoutoit à ces raisons quelques considérations générales.

Peut-être, disoit-on, qu'on s'exagère ici les désagrémens qui peuvent résulter, pour les particuliers, de la difficulté du divorce. Pour réduire ces craintes à leur juste valeur, il ne faut que consulter l'expérience; « elle éclaire sur les deux systèmes autrefois on ne connoissoit pas la cause d'incompatibilité » (1), « on ne souffroit pas que les séparations fussent-volontaires » (2), on ne les prononçoit que pour des cas graves; et cependant, dans ce système, les époux n'en étoient pas plus malheureux » (3).

Raisons qui ont fait décider l'affirmative.

CES objections ont été écartées par les réponses

suivantes :

Le ridicule qui poursuit le mari d'une femme adultère, n'est certainement qu'un préjugé : L'injustice, sans doute, est ici du côté du public; mais se trouve-t-il beaucoup d'hommes assez forts, assez courageux pour le braver, et est-on maître de détruire tout-à-coup ce préjugé » (4)?

(1) Le Ministre de la justice, Procès-verbal du 14 vendémiaire an 10 tome Ier, page 312. — (2) M. Tronchet, Procès-verbal du 16 vendémiaire an 10, page 325. — (3) Le Ministre de la justice, Procès-verbal du 14 vendémiaire an Io, page 312. (4) M. Treilhard, Exposé des motifs, Procès-verbal du 19 ventôse an 11, tome II, page 548.

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