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Aujourd'hui même encore le divorce est en usage dans les pays protestans.

Pourquoi a-t-il été effacé de la législation des François?

C'est ce qu'il faut examiner.

Comment la Séparation de corps a remplacé en France le Divorce.

« LE divorce a dû céder à la fin aux nouveaux principes qui furent proclamés sur la nature du mariage. Tant que la religion catholique a été dominante en France, tant que les institutions religieuses ont été inséparablement unies avec les institutions civiles, il étoit impossible que la loi civile ne déclarât pas indissoluble un engagement déclaré tel par la religion, qui étoit elle-même une loi de l'Etat : il faut nécessairement qu'il y ait de l'harmonie entre les principes qui gouvernent les hommes » (1).

Un nouvel obstacle est ensuite venu augmenter la difficulté d'autoriser le divorce; il ne pouvoit se soutenir auprès de l'institution qui faisoit des ministres du culte catholique les ministres civils du mariage, car « il eût été absurde de les forcer à agir contre leur croyance » (2).

(1) Discours préliminaires du Projet de Code civil, pages xxxij et xxxiij.—(2) M. Portalis, Procès-verbal du 14 vendémiaire an 10, tome jer , page 297.

Tome IV.

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rêvoient le despotisme par-tout où ils ne rencontroient pas la licence et proscrivoient la liberté des cultes comme un outrage envers la liberté même. Mais ne poursuivre un culte que dans ses signes extérieurs, étoit un triomphe imparfait et trop facile il avoit pu se cacher dans les replis des consciences; les mains de la terreur se chargèrent de les ouvrir, et de l'immoler dans son dernier asile. Ainsi, tandis que les lois de police attaquèrent les croyances religieuses dans les temples, sur les places, au sein des foyers, d'autres lois les bannissoient avec la même violence de tous les actes importans de la vie civile. La loi du divorce, promulguée en 1792, avoit, pour ainsi dire, commencé l'exécution de ce système persécuteur:on la voit, d'un côté, prodiguer de si larges issues à la rupture des mariages, qu'elle en a fait la proie de toutes les passions licencieuses du coeur humain; et, de l'autre, affectant une sévérité inouie, supprimer d'un trait l'usage des séparations de corps. Quel motif pouvoit la pousser à une contradiction si choquante, que celui d'enlever au culte catholique le seul remède qu'il avoue et de mettre le divorce aux prises avec toutes les consciences, en les opprimant sous le poids de la nécessité » (1)!

(1) M. Savoye-Rollin, Tribun. Tome 1er, page 432.

Tel étoit l'état de la législation lorsqu'on s'est occupé du Code civil.

Des Questions auxquelles les variations et le dernier état de la Législation donnoient lieu.

TROIS systèmes, on vient de le voir, s'étoient succédés en France.

Dans l'un, le divorce seul étoit en usage, mais la séparation n'étoit ni admise, ni repoussée : elle n'étoit pas connue;

Dans l'autre, la séparation excluoit le divorce, Dans le troisième, le divorce excluoit la séparation.

On ne pouvoit pas revenir au premier : nous n'étions plus dans les mêmes termes, puisque, depuis, la séparation de corps avoit existé.

Mais on n'étoit pas néanmoins réduit à choisir entre les deux autres, car on pouvoit trouver un terme moyen qui les conciliât, en admettant tout à la fois la séparation et le divorce.

Dans cette position on avoit trois questions à

examiner :

La première, s'il convenoit de maintenir le divorce;

La deuxième, s'il convenoit de rétablir la séparation;

La troisième, si, en supposant que les deux

institutions dussent être admises, il falloit les établir parallèlement.

D'après quels principes ces Questions, devoient étre traitées.

MAIS avant d'aborder ces questions, il falloit se fixer sur les principes d'après lesquels on les décideroit.

Éloit-ce ce par ceux de la religion du plus grand nombre, ou par les principes de la politique!

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La difficulté se trouvoit déjà levée par les maximes qui ont été exposées au titre du Mariage*. On les a rappelées.

« La religion, a-t-on dit, dirige le mariage par sa morale; elle le bénit par un sacrement.

« La morale de la religion proscrit le divorce et la polygamie; mais la loi civile n'est pas obligée de se plier à tous les préceptes de la morale religieuse : s'il en étoit autrement, les lois ecclésiastiques deviendroient les seules lois de l'État, parce qu'il n'est rien que la morale ne règle par ses préceptes.

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Quant au rit qui bénit l'union des époux, il suppose le mariage et ne le forme pas. On ne peut donc dire que le mariage appartient en en

* Voyez tome 111, pages 11 et suiw.

tier à la religion : il existoit avant elle, et on ne l'a fait intervenir que pour attirer la bénédiction du ciel sur un des engagemens les plus importans de la vie.

« Aussi le mariage a-t-il toujours été une des matières du droit civil; toujours la loi civile en a déterminé les empêchemens dirimans, et les cas où il est dissous. C'est pour cette raison que quand les premiers Chrétiens trouvoient dans la loi civile quelque disposition qui leur sembloit blesser leurs principes, ils ne la réformoient pas eux-mêmes par un réglement ecclésiastique; ils s'adressoient aux Empereurs, et sollicitoient la modification de la loi, de la seule puissance qu'ils reconnussent avoir le droit de régler la matière du mariage (1). C'est aussi à cause de la distinction que l'Église fait elle-même entre le contrat civil et le sacrement, c'est parce qu'elle avoue que le mariage subsiste et est valable sans que le sacrement soit intervenu, qu'elle reconnoît les mariages des hérétiques et des infidèles, et ne les oblige pas à les réhabiliter lorsqu'ils se convertissent à la foi ¶ (2).

Aussi personne n'a-t-il prétendu que les principes religieux d'aucune croyance dussent être exclusivement suivis par le Législateur.

(1) M. Portalis, Procès-verbal du 14 vendémiaire an 10, tome Ier pages 296 et 297. —(2) M. Portalis, ibid., page 297.

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