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de couvrir les causes de divorce que l'intérêt des moeurs ne permet pas de divulguer » (1), et celles qu'il seroit dangereux de révéler.

Un père, une mère, iront-ils dévoiler la turpitude de leurs enfans, ou compromettre leur tête! On a néanmoins contesté cet effet au mode de. divorce dont il s'agit.

« Le consentement mutuel, a-t-on dit, ne couvriroit pas, comme on l'espère, le déshonneur de la véritable cause; car il faudra que la cause réelle soit connue de la famille, dont l'autorisation est nécessaire; et, en prononçant le divorce, elle rend la cause publique, ou elle la fait supposer quand elle n'existe pas » (2).

Il a été répondu que, « si quelques personnes soupçonnent ou devinent la cause réelle du divorce, ce sera un de ces bruits qui passent et qui ne sont point comparables à la diffamation résultant des preuves judiciaires » (3).

La juste répugnance que peuvent avoir des époux à découvrir les causes de leur demande, ne les oblige donc plus à dévorer en silence une douleur trop légitime, à porter, sans oser le briser, un joug dont ils sont accablés.

Le Premier Consul, Procès-verbal du 14 vendémiaire an Io, tome 1er, page 314.—(2) M. Bigot-Préameneu, Procès-verbal du 24 vendémiaire an 10, tome 1, pages 358 et 359; - M. Tronchet, Procès-verbal du 14 vendémiaire an 10, p. 305. (3) Le Premier Consul,Proces verbal du 24 vendémiaire an Io. p. 359.

Mais ce n'est pas assez que le divorce par consentement mutuel ait les avantages du divorce pour causes indéterminées, il faut encore qu'il n'ait pas les inconvéniens qui ont fait rejeter ce dernier système.

Il en est entièrement dégagé.

IIIe SUBDIVISION.

Le Divorce par le consentement mutuel considéré comme signe, n'a pas les vices du Divorce pour causes indéterminées.

Le divorce pour causes indéterminées étoit fondé sur une fausse application de principes vrais; il ébranloit la stabilité du mariage.

Le consentement mutuel, considéré comme signe, est exempt de ces reproches.

NUMÉRO Ier.

Ce mode de Divorce est conforme aux principes du mariage considéré comme contrat civil.

LE faux raisonnement sur lequel on fondoit en principe la légitimité du divorce pour causes indéterminées, devient exact quand on l'applique au divorce organisé par l'article 233 *.

* Voyez pages 191 et suivantes.

Il est vrai qu'aux yeux de la loi le mariage n'est qu'un contrat.

Il est vrai encore que les contrats peuvent être détruits par la volonté contraire des parties qui les ont formés.

Mais il ne l'est pas que les époux soient seuls parties dans le mariage. Après eux viennent les ascendans, les enfans, la société.

La volonté des ascendans a concouru plus ou moins à la formation du contrat. Les époux étoientils mineurs, le consentement ou du père, ou de la mère, ou de l'aïeul, a contribué autant que le leur à les unir: étoient-ils majeurs, il leur a fallu encore ou le consentement, ou du moins le conseil de leurs ascendans.

Les enfans acquièrent, par le mariage, une situation qu'il leur importe de ne perdre qu'à la dernière extrémité, et qui dépend de l'union de ceux dont ils ont reçu la vie cette union leur donne une maison paternelle, c'est-à-dire, un centre où se reportent toutes les affections de la piété filiale, et d'où partent tous les soins, tous les secours, tout l'appui qu'ils peuvent attendre de la tendresse paternelle.

La société, qui se multiplie et se soutient par les mariages, qui ne peut espérer d'ordre dans la grande famille qu'elle compose, qu'autant qu'il en existe dans les familles particulières qui en sont les fractions, intervient aussi dans l'union

des époux. C'est elle qui en règle les formes et les conditions; c'est elle qui en crée les priviléges, en fixe les droits et les devoirs; c'est elle qui les fait respecter; c'est en son nom et par un de ses agens que le nœud conjugal est formé.

Ainsi, pour suivre exactement le principe que le mariage, étant un contrat, peut être dissous par la volonté des parties, il faut que les ascendans et la société concourent au divorce, et que les intérêts des enfans soient défendus.

C'est ce qui arrive dans le système de l'art. 233. Les ascendans, les enfans, la société, ont tous le même intérêt.

S'il leur importe que « le mariage ait de la stabilité » (1), et qu'il ne soit et qu'il ne soit pas dissous sans une nécessité absolue, il leur importe aussi « qu'on sépare des époux qui ne peuvent vivre ensemble, et dont l'union, si elle étoit prolongée, engloutiroit souvent le patrimoine commun, dissoudroit la famille et produiroit l'abandon des enfans ; c'est offenser la sainteté du mariage que de laisser subsister de pareils nœuds >> (2).

Mais toutes ces parties ne peuvent agir direc

tement.

Ce seroit affoiblir la dignité paternelle que de mettre, en aucun cas, les pères sous la dépen

(1) Le Premier Consul, Procès-verbal du 16 vendémiaire an 10 tome Ier, page 331.—(2) Ibid.

dance des enfans, en leur rendant le consentement de ces derniers nécessaire. « Il seroit contre toutes les convenances naturelles et morales que les enfans fussent les juges de leurs père et mère » (1).

Aussi, dans le principe, n'avoit-on aperçu d'autre moyen de mettre leurs intérêts à couvert, que d'interdire le divorce aux époux dont le mariage auroit été suivi d'une heureuse fécondité (2).

Mais on a considéré ensuite que cette prohibition, loin de les servir, pourroit souvent leur nuire, parce que, comme il vient d'être dit, l'intérêt des enfans n'est pas toujours que le mariage subsiste; que d'ailleurs c'étoit trop resserrer l'usage du divorce, les mariages stériles étant heureusement les moins nombreux.

Quant à la société, elle ne pourroit agir que par des juges.

Cependant, comment s'abandonner aussi entièrement à ces juges qu'aux pères et mères ? Ils ne sont pas, comme ceux-ci, instruits des circonstances; ils n'ont ni les mêmes sentimens ni un intérêt personnel. Il faudroit les soumettre à des règles pour prévenir l'arbitraire, c'est-à-dire qu'il faudroit déterminer les cas pour lesquels ils

(1) M. Boulay, Procès-verbal du 24 vendémiaire an Io, tome Ier, page 338.-(2) M. Portalis, Procès-verbal du 14 vendémiaire an 10, page 315.

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