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devant les mêmes juges que l'action publique, mais qu'elle peut l'être aussi séparément.

Le demandeur en divorce peut-il s'appliquer ces dispositions? Peut-il, en se rendant partie civile, attirer au Tribunal criminel la connoissance de la demande en divorce?

Cette faculté lui a été refusée dans tous les pro jets qui ont été présentés; et enfin par l'article qui nous occupe.

La rédaction de la Commission, qui éclaircit l'article 234, portoit : Quelle que soit la nature du délit imputé par le demandeur à l'autre époux, le divorce ne peut être poursuivi que par la voie civile; sans préjudice de l'action criminelle, qui peut être intentée d'office par le ministère public(1). La Section avoit établi le même principe (2). Enfin l'article 234 décide que, quelle que soit la nature des faits et des DÉLITS qui donnent lieu à la demande en divorce, elle ne POURRA être formée QU'AU TRIBUNAL de l'arrondissement.

Cette décision est fondée principalement sur la nature des rapports que le mariage établit entre les époux, la nature de l'intérêt qu'a le demandeur en divorce, la nature de l'action qui appartient à la partie civile.

(1) Projet de Code civil, liv 1er, tit. V1, art. 27, page 47.(2) Ire Rédaction, chap. 11, sect. 17e, art. 21; Procès-verbal du 26 vendémiaire an to, tome Ier, page 374.

1o « La nature des rapports qui existent entre le mari et la femme, ne permettent pas qu'ils prennent l'un contre l'autre la voie criminelle» (1). Il seroit atroce que l'un des époux eût la faculté de provoquer indirectement une condamnationde mort contre la personne avec laquelle il a vécu dans l'union la plus étroite qui puisse se former entre les hommes; qu'il lui fût permis de suivre ainsi le seul mouvement de la haine et de la vengeance sans y être forcé. Il ne seroit, en effet, dirigé que par ces motifs; puisque l'action civile suffit pour se délier, l'inimitié seule pourroit le porter à préférer l'action criminelle: on ne doit pas lui permettre cette cruauté inutile.

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2o La nature de l'intérêt qu'a le demandeur en divorce, n'est pas celui qui a fait donner l'action civile. « La partie publique a seule le droit de provoquer la peine publique : ce droit n'appartient pas à la partie civile, qui ne peut, en aucun cas, conclure qu'à des dommages et intérêts >> (2). Or, ce ne sont pas des dommages-intérêts, c'està-dire, une somme d'argent, que le demandeur en divorce cherche à obtenir : « s'il y a attentat, le seul intérêt qu'ait l'époux, c'est de ne pas de

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(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 4 brumaire an IO. (2) Ibid.

meurer avec celui qui a formé des desseins contre sa vie (1).

3o La nature de l'action en divorce ne pourroit se concilier avec celle de l'action privée en matière criminelle.

Le but principal et direct des jugemens criminels, c'est la vindicte publique. Ils ne statuent qu'accessoirement sur l'action privée de la partie civile, et seulement afin de faire droit par un même arrêt à toutes les parties lésées.

Mais ce caractère d'action purement accessoire ne sauroit convenir à la demande en divorce. Elle intéresse l'état des personnes son objet est donc trop grave pour qu'elle ne soit pas toujours considérée comme une action principale qui mérile par elle-même toute l'attention de la justice.

IIIe SUBDIVISION.

Le Tribunal civil du domicile des époux est le seul compétent.

L'ACTION en divorce étant essentiellement de la juridiction civile, et ne pouvant jamais se rattacher à une procédure criminelle, on n'avoit plus qu'à suivre les règles communes pour déterminer le Tribunal civil où elle seroit portée. On

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 4 brumaire an 10.

sait que, d'après ces règles, les actions civiles sont exercées devant le Tribunal du domicile du défendeur.

Dans cette matière, le Tribunal du défendeur est le même que celui du demandeur, puisque, d'après l'article 108 du Code, la femme n'a pas d'autre domicile que celui de son mari *.

On ne sauroit avoir de doute que par rapport à la femme séparée de corps, parce qu'elle n'habite pas avec son mari.

La question pourroit se présenter dans l'espèce de l'article 310, c'est à-dire, dans l'hypothèse où le mari, contre lequel la séparation de corps auroit été obtenue, voudroit, après trois ans, la faire convertir en divorce, et où la femme auroit établi sa résidence dans l'arrondissement d'un autre Tribunal.

Mais il faut se rappeler la distinction qui existe entre le domicile, qui est là où l'établissement principal se trouve fixé, et la simple résidence, qui est le lieu où la personne habite **.

Ceci posé, l'article 108 lève toutes les difficultés. Il applique, en effet, la règle qu'il établit, à toutes les femmes mariées, sans distinction, et il veut que, tant que le mariage subsiste, le domicile de la femme soit le même que celui du mari.

* Voyez tome 11, page 264. —** Voyez ibid. page 223.

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Or, la séparation de corps fait cesser les effets du mariage, mais ne rompt pas le lien conjugal; ses principales conséquences ne laissent pas de subsister. C'est ainsi que la femme séparée de corps a encore besoin, pour contracter, de l'autorisation de son mari *.

On objectera que cette doctrine a un inconvénient; que si le domicile de la femme séparée demeure le même que celui du mari, ce sera dans sa propre maison que ce dernier fera signifier l'acte par lequel, aux termes de l'article 310, il appellera la femme devant le juge pour déclarer si elle consent à faire cesser la séparation; que cet acte ne sera pas connu d'elle; que cependant elle sera censée dûment appelée ; qu'ainsi on prononcera contre elle, par défaut, un divorce qu'elle pouvoit, qu'elle vouloit peut-être éviter.

La réponse à cette objection est dans la latitude que l'article 310 laisse au juge; qu'il ne lie par aucune règle, qu'il n'assujettit à aucun délai. Si les circonstances apprennent au juge, ou lui font même soupçonner que la femme n'a pas été réellement avertie, rien ne l'empêche d'ordonner un réassigné, d'ordonner même que l'actesera signifié ou à la personne ou au lieu de la résidence.

* Voyez les articles 215 et 217 au titre Du Mariage.

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