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IIe DIVISION.

Du cas où les Faits sur lesquels la Demande en divorce est fondée, donnent lieu à des Poursuites criminelles de la part du Ministère public.

ARTICLE 235.

St quelques-uns des faits allégués par l'époux deman→ deur, donnent lieu à une poursuite criminelle de la part du ministère public, l'action en divorce restera suspendue jusqu'après le jugement du Tribunal criminel; alors elle pourra être reprise, sans qu'il soit permis d'inférer du jugement criminel aucune fin de non-recevoir ou exception préjudicielle contre l'époux demandeur.

Nous venons de voir que jamais, et sous aucun prétexte, l'époux demandeur ne peut saisir la justice criminelle de la connoissance de la demande en divorce.

Mais il falloit prévoir les cas où les faits sur lesquels cette demande est fondée, donneroient lieu à des poursuites au criminel de la part du ministère public, afin de déterminer,

1o L'ordre des deux actions entre elles;

2o Si le jugement prononcé par le Tribunal criminel, en supposant qu'il dût intervenir le premier, préjugeroit la demande civile.

Tome IV.

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Ire SUBDIVISION.

De l'Ordre dans lequel l'Action civile et l'Action criminelle sont poursuivies, lorsqu'elles concourent à raison des faits.

La question étoit de savoir auquel du jugement civil ou du jugement criminel la priorité seroit accordée.

La Commission proposoit de surseoir à l'instruction de la demande en divorce jusqu'après le jugement de l'accusation (1).

La Section donnoit la priorité à la procédure civile. La rédaction qu'elle présentoit, exprimoit moins cette idée qu'elle ne la laissoit apercevoir; elle portoit: Le divorce sera autorisé ou rejeté, nonobstant l'action criminelle qui pourroit être intentée d'office par le commissaire du Gouvernement, et sans préjudice de cette action (2).

Mais, dans la suite de l'article, elle supposoit que le jugement civil interviendroit le premier; car elle ajoutoit: Le jugement portant absolution de l'époux accusé, ne produira aucun effet contre celui qui aura autorisé le divorce; s'il intervient au contraire un jugement de condamnation contre

(1) Projet de Code civil, lip. 1or, tit. V1, art. 27, page 47. — (2) 1re Rédaction, chap. 11, sect. 1re, art. 21, Procès-verbal du 26 vendémiaire an 10, tome 1er , page 374.

l'époux accusé, ce jugement rétablira le droit de l'époux demandeur, nonobstant le jugement qui auroit rejeté sa demande en divorce. En conséquence, sur la présentation du jugement de condamnation, et sur la simple requête du demandeur, le divorce sera autorisé (1).

Au Conseil d'état, la disposition a été entendue dans ce sens, «qu'il y auroit d'abord une procédure civile » (2).

La même disposition fut reproduite en termes plus clairs dans une rédaction subséquente. L'article présenté portoit : Dans le cas d'attentat de l'un des époux à la vie de l'autre, le commissaire du Gouvernement pourra toujours intenter l'action criminelle; mais si elle a été précédée d'une demande en divorce, fondée sur la même cause, il sera sursis au jugement du Tribunal criminel jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la demande en divorce (3).

La Section avoit considéré « qu'on pouvoit séparer les deux procédures, puisqu'il est dans la nature des choses que des faits et des preuves qui ne seroient pas suffisans pour déterminer la condamnation à une peine » (4), sur-tout lorsque la décision est soumise à des jurés qui se règlent

(1) Ire Rédaction, chap. 11, sect. Ire, art. 21, Procès-verbal du 26 vendémiaire an 10, tome Ier, page 374. — (2) M. Tronchet, ibid. -(3) 3 Rédaction, art. 8, Procès-verbal du 6 nivòse an Ie.(4) M. Emmery, Procès-verbal du 14 aivòse an 10.

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d'après les considérations d'équité plus que d'après le fait positif (1), le soient cependant assez pour déterminer le juge civil à prononcer le divorce » (2). Les deux actions étant donc essentiellement indifférentes et indépendantes entre elles, on ne s'étoit pas cru lié par le principe, d'ailleurs vrai en soi, que le criminel emporte le civil ɓ (3); et, en conséquence, on n'avoit pas hésité à examiner lequel des deux étoit le plus avantageux, ou de donner la priorité à la procédure civile, ou de la donner à la procédure criminelle.

Or, la Section avoit été touchée sur-tout de « la crainte que le jugement criminel, s'il intervenoit d'abord, n'influençât le jugement civil au point de le réduire à une simple formalité » (4).

D'un autre côté, on réclama contre ce système, qui blessoit le principe reçu que la procédure criminelle doit toujours avoir la priorité. Les deux systèmes ont été débattus. Examinons d'abord le point de fait.

Étoit-il vrai que le jugement criminel, en supposant qu'il intervînt le premier, influât réellement sur le jugement civil, à moins que la loi n'en decidât autrement?

(1) Le Premier Consul, Procès-verbal du 14 nivôse an 10. (2) M. Emmery, ibid. ;- Le Premier Consul, ibid. —(3) Le Premier Consul, ibid.(4) M. Eminery, ibid.

NUMÉRO Ier.

Le Jugement criminel, s'il intervenoit d'abord, influoit naturellement sur le Jugement civil.

IL a été reconnu que cette influence étoit dans la nature des choses.

« Les faits sont indivisibles; la vérité est une, et la vérité de la chose jugée est considérée comme une vérité morale » (î).

Donc « si le Tribunal criminel condamne l'accusé, il juge la demande en divorce » (2) :

сс

Si, au contraire, les jurés déclarent que le fait n'est pas constant, il n'est plus possible au juge civil d'admettre la demande » (3). « Il seroit trop rigoureux d'admettre en principe que, lorsqu'un accusé a échappé à la condamnation, on pourra le rechercher encore, fût-ce au civil » (4).

A la vérité, l'absolution peut avoir été prononcée sur l'intention ou sur des circonstances alténuantes, et alors les jurés n'ayant pas repoussé le fait, «peu importe, pour le succès de la del'accusé ait été acquitté (5); il n'y

mande que
a pas réellement de préjugé.

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Mais il y auroit de l'inconvénient à laisser discuter l'absolution de l'accusé, à examiner sur

(1) M. Regnier, Procès-verbal du 14 uivôse an 10.--(2) M_Boulay, ibid.-(3) M. Regnier, ibid. — (4) Ibid. —(5) Le Consul Cambacérès, ibid.

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