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dure criminelle, toute procédure civile subséquente devient inutile.

D'abord; il est un cas où elle a certainement ses effets. C'est celui où la procédure criminelle se termine au jury d'accusation. Ce jury, devant lequel on ne pose point de question, peut renvoyer le défendeur en divorce: mais que pourra faire, en ce cas, le demandeur » (1), s'il ne lui est pas permis de suivre la demande au civil?

Ensuite, << tous les attentats ne sont pas de la même nature; tel qui ne suffiroit pas pour faire infliger une peine, suffit pour donner lieu aut divorce et pourquoi ? Parce que la société conjugale qui identifie les époux, ne peut exister que lorsqu'ils sont vis-à-vis l'un de l'autre dans l'état de la plus parfaite sécurité. On doit donc laisser subsister l'usage des deux procédures « (2).

NUMÉRO IV.

Comment les deux Systèmes ont été conciliés.

PUISQUE la Section ne se refusoit à accorder la priorité au jugement criminel, que par la crainte qu'il ne forçât le jugement civil, il est évident qu'en détruisant cette influence, on concilioit toutes les opinions.

(1) M. Réal, Procès-verbal du 14 nivôse an 10. — (2) M. Portalis, ibid.

Il a été fait, à cet égard, deux propositions. La première avoit seulement pour objet d'empêcher qu'on n'abusât du système qui donnoit la priorité à la procédure criminelle, pour porter devant les Tribunaux criminels les demandes susceptibles d'être jugées au civil.

Dans cette vue, on proposoit de « décider que, lorsque les circonstances sont telles qu'elles donnent lieu à la poursuite d'office par le ministère public, l'instruction criminelle aura lieu d'abord; mais que, quand les faits sont simplement énoncés dans une requête, le commissaire du Gouvernement ne pourra poursuivre au criminel » (1).

Voici comment on motivoit cette proposition. On disoit : « Il n'y a pas de raison pour suspendre la procédure criminelle; car, si l'époux demandeur y recourt, c'est une preuve évidente qu'il la préfère à l'action civile *. Si c'est le commissaire du Gouvernement, alors il convient de considérer que le droit d'accuser n'est pas dans ses mains un instrument mobile et dont il puisse se servir arbitrairement: l'usage ne lui en est permis que quand il ya, d'une part, un corps constant de délit, del'autre,une dénonciation. Sans ces entraves, la sûreté des ci

(1) M. Portalis, Procès-verbal du 14 nivôse an Io

* Nota. On a vu, pages 249 et suiv., que le Code lui refuse cette faculté.

toyens seroit compromise. Le commissaire du Gouvernement seroit libre, en effet, d'accuser, d'après le soupçon le plus léger, sans que l'accusé pût espérer de réparation; le commissaire du Gouvernement s'excuseroit en alléguant que son zèle l'a égaré, et que, d'ailleurs, il n'a point encouru de forfaiture. Les deux conditions auxquelles son action est subordonnée, sont donc nécessaires pour assurer la tranquillité individuelle. Or, si les faits ne sont connus que par une requête, il n'y a ni dénonciation, ni corps de délit; car une requête ne contient que des allégations et souvent des allégations exagérées. Si, au contraire, il y a un corps de délit, rien ne peut arrêter l'action du ministère public. Dès lors, toute contradiction est impossible; car si le Tribunal civil déclare qu'il n'y a point d'attentat, il est prouvé qu'il n'y a pas de corps de délit; et dans le cas contraire, le commissaire est obligé d'agir »(1).

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Cependant cette proposition fut contredite.

On cita l'exemple d'une femme absoute sur P'accusation d'empoisonnement, malgré que des circonstances graves s'élevassent contre elle, et condamnée seulement à la réclusion, pour causes d'inconduite. Dans cette espèce, ajouta-t-on, il n'y avoit pas de corps de délit, et cependant il

(1) M. Portalis, Procès-verbal du 14 nivòse an 10.

existoit des faits suffisans pour faire réussir une demande en divorce » (1).

On en conclut << qu'il faut juger d'abord le criminel, dans tous les cas où le ministère public est fondé à intenter une action, sans se borner au cas où il existe un corps de délit » (3), et «< qu'on doit prendre pour dénonciation la requête en divorce » (3).

Mais bientôt, laissant là ces débats, on fit une seconde proposition plus propre à concilier les deux systèmes, celle de décider que « le jugement criminel ne seroit point préjudiciel » (4).

Avec cette condition, personne ne trouva plus de difficulté à donner la priorité à la procédure criminelle, et elle lui fut assurée (5).

En conséquence, la Section rédigea l'article en ces termes Dans le cas d'attentat de l'un des époux à la vie de l'autre, le commissaire du Gouvernement pourra toujours intenter l'action criminelle: si elle a été précédée d'une demande en divorce fondée sur la même cause, il sera sursis à l'instruction de la demande en divorce jusqu'après le jugement de l'accusation; et sur la représentation de ce jugement, suivant qu'il aura condamné ou acquitté l'époux accusé, le divorce

(1) M. Emmery, Procès-verbal du 14 nivôse an (3) M. Réal, ibid.

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(4) M. Portalis, ibid.

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demandé par l'autre époux sera admis ou rejeté le Tribunal civil (1).

par

Le Tribunat demanda le retranchement de cet article, non qu'il repoussât le système de donner la priorité à la procédure criminelle, mais parce qu'il ne vouloit pas, comme je l'ai dit ailleurs*, que l'attentat fût mis spécialement au nombre des causes du divorce (2).

Ce mot a été supprimé dans la rédaction définitive, et l'on s'est borné à ne parler que du cas où les faits allégués donneroient lieu à une procédure criminelle.

On n'a prévu que celui où les poursuites seroient faites d'office par le ministère public, parce que, ainsi que je l'ai expliqué **, il n'est jamais permis au demandeur d'introduire l'action en divorce que par la voie civile.

IIe SUBDIVISION.

Le Jugement criminel ne préjuge pas la Demande civile.

On vient de voir comment cette disposition a été admise; mais il s'agit d'en fixer l'étendue.

(1) Rédaction communiquée au Tribunat, art. 8, Procès-verbal du 22 fructidor an 10, tome II, page 14. — (2) Observations du Tribunat.

* Voyez page 158. ** Voyez page 251 et suiv.

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