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Mais la solution qu'auroit pu recevoir la question sous le rapport que nous la considérons, n'auroit eu rien de décisif: c'étoit d'après les mêmes principes que celle du divorce, qu'elle devoit être décidée, c'est-à-dire, sous le rapport de la liberté

des cultes.

NUMERO II.

L'Avantage qu'avoit la Séparation de corps, d'assurer la Liberté des Cultes et des Opinions, devoit la faire admettre.

L'INDISSOLUBILITÉ absolue du mariage est un des principes de la religion catholique.

« Il se trouve même des personnes qui, sans professer cette religion, croient cependant que l'engagement du mariage ne peut se rompre; celles-là aussi aimeront mieux souffrir que d'induire l'autre époux en erreur, et de lui donner la facilité de se remarier »> (1); et « cette opinion a une base respectable dans un sentiment noble et généreux, qui fait qu'on veut tenir à la foi donuée, lors même que la personne à laquelle on l'a jurée, y manque de son côté » (2).

כן

Le principe de l'indissolubilité du mariage devoit donc être respecté sous le double rapport

(1) M. Portalis, Procès-verbal du 26 vendémiaire an 10, tome 1o, page 366. — (2) M. Boulay, Procès-verbal du 24 vendémiaire an 10, page 336.

de la liberté des opinions religieuses et de celle des opinions morales ¶ (1).

L'étoit-il si la loi se bornoit au divorce?

La Commission l'avoit pensé.

La séparation de corps lui paroissoit inutile, non seulement en soi, et « parce qu'elle devoit être prononcée pour les mêmes causes que le divorce » (2), mais encore sous le rapport de la liberté des cultes. « La loi civile, dit un de ces membres, ne s'occupe point de ce qui se passe dans les consciences. Si elle n'autorise que le divorce seul, le Catholique, qui ne verra que ce moyen de quitter son épouse, l'emploiera, et, pour obéir à ses principes, il ne contractera pas un mariage nouveau >> (3).

Mais est-il bien vrai ¶ qu'en ne se remariant pas, le Catholique satisfait à sa conscience ¶ (4)?

"

Non il n'y satisfait pas » (5).

S'il est conséquent dans ses principes, il craindra que son épouse ne soit moins scrupuleuse que lui, et alors, pour ne lui pas donner une liberté qu'il ne croit pas légitime, il s'abstiendra de demander le divorce * » (6).

(1) M. Portalis, Procès-verbal du 24 vendémiaire an 10, tome IT pages 336 et 337. démiaire an Io, page 326. ·

· (2) M. Tronchet, Procès-verbal du 16 ven

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(3) M. Tronchet, Procès-verbal du 26 vendémiaire an 10, page 366. — (4) M. Portalis, ibid. — (5) Ibid. ―(6) M. Devaisnes, ibid.;

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M. Portalis, ibid.

* Voyez cependant pages 492 et 493.

La séparation étoit donc le seul moyen qu'eût la loi de « venir au secours du mari malheureux à qui ses principes ne permettent pas de faire usage du divorce, et qu'elle ne doit pas placer entre le désespoir et sa conscience » (1).

L'opinion générale d'ailleurs avoit déjà prononcé sur la question : elle avoit envisagé l'usage de la séparation de corps comme une suite nécessaire de la liberté des cultes. « Par-tout, en effet, où cette liberté des cultés existe, le divorce et la séparation ont été également établis, afin que chacun pût en user suivant sa conscience » (2). « La séparation est admise même dans les pays protestans, où cependant le divorce n'est pas en opposition avec la religion » (3). « La Prusse sur-tout a donné cet exemple, quoiqu'il ne s'y trouve que peu de catholiques » (4).

Ces exemples devoient d'autant plus être suivis en France, que « les principes de la plus grande partie des François ne se concilient pas avec l'usage du divorce, et c'étoit pour cette raison que lá plupart des Tribunaux avoient demandé lé rétablissement de la séparation de corps » (5).

(1) M. Boulay, Procès-verbal du 26 vendémiaire an 10 tome jer, page 364. — (2) M. Portalis, ibid., page 366. (3) M. Boulay Procès-verbal du 24 vendémiaire an 10, page 336; du 26 vendé

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(4) M. Portalis, Procès-verbal du 26 vendé·(5) M. Boulay, ibid., page 364.

IIIe QUESTION.

LE DIVORCE ET LA SÉPARATION DE CORPS DEVOIENT-ILS EXISTER COMME DES INSTITUTIONS PARALLÈLES?

Le divorce et la séparation de corps étant tous deux admis, il restoit à déterminer comment on les feroit exister ensemble.

Les établiroit-on comme des institutions parallèles?

Ils ne pouvoient l'être qu'autant qu'ils seroient accordés tous deux pour les mêmes causes; qu'ils neseroient en aucun cas, subordonnés l'un àl'autre. Leur attribueroit-on cet effet sous les deux rapports?

Cette question a été examinée.

Ire DIVISION.

Devoit-on admettre le Divorce et la Séparation pour les mêmes causes?

La question présentée en ces termes est trop générale. D'après les notions qui vont être exposées, il devient nécessaire de la diviser.

Les causes qui jettent la dissention entre les

époux, ne sont pas toutes de la même nature, et par conséquent ne peuvent produire les mêmes effets.

Il en est de très-graves « qui rompent l'engagement du mariage » (1), « qui l'anéantissent, pour ainsi dire, d'un seul coup » (2): ¶ tel est l'adultère (3); ¶ tel est l'attentat à la vie de l'un des époux de la part de l'autre ¶ (4).

Quand de telles causes existent, il est presque impossible que l'union se rétablisse entre les époux.

Mais il est aussi d'autres causes, qui, considérées dans un temps donné, sont beaucoup moins graves de leur nature. Elles peuvent être l'effet d'un caprice ou d'une passion passagère; elles sont susceptibles d'oubli; elles diffèrent d'ailleurs par les nuances des caractères, de l'éducation et des conditions (5) ». Tels sont les sévices et les injures.

Cette distinction établie, la question générale de savoir si le divorce et la séparation devoient être accordés pour les mêmes causes, se partageoit. nécessairement en deux questions secondaires.

(1) Le Premier Consul, Procès-verbal du 14 vendémiaire an 10, tome Ier, page 316. ➡(2) M. Boulay, Procès-verbal du 24 vendémiaire an Io, page 336. — (3) Le Premier Consul, Procès-verbal du 14 vendémiaire an 19, page 316. — (4) M. Boulay, Procès-verbal du 24 vendémiaire an 10, page 335. — (5) Ibid., pages 336 et 3a7.

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