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Il s'agissoit, en effet, d'examiner,

1o Si tous deux pourroient avoir également lieu pour les causes très-graves, ou si le divorce seul seroit admis dans ces cas;

2o S'ils seroient permis, même pour les causes moins graves, ou si alors on n'autoriseroit que la séparation de corps.

Ire SUBDIVISION.

Convenoit-il de n'admettre que le Divorce pour les causes très graves ?

Il ne pouvoit pas y avoir de donte que ces sortes de causes dussent opérer le divorce: certainement, dans une législation qui le permet, lorsqu'il y a des infractions aux lois essentielles du mariage, comme dans le cas de l'adultère et de l'attentat à la vie, le mariage doit être rompu.

Mais la séparation n'est-elle pas alors un remède trop foible?

Il n'appartient d'en juger qu'à l'époux qui a droit de se plaindre.

Quant au législateur, il ne peut que laisser le choix entre les deux moyens :

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La raison le veut; car le secours, quel qu'il soit, que la loi donne aux époux malheureux, n'est offert que comme un remède dont chacun peut user, à la vérité, mais que chacun aussi peut

repousser, s'il a assez de force et de vertu pour qu'il ne lui soit pas nécessaire.

Le principe qui a fait admettre simultanément le divorce et la séparation, l'exige; les consciences ne seroient plus à l'aise, si, dans les cas les plus graves, on ne pouvoit user que du divorce.

IIe SUBDIVISION.

Pouvoit-on ne permettre que la Séparation pour les causes moins graves?

Au Conseil d'état on a soutenu l'affirmative, mais la négative a été décidée.

NUMÉRO Ier.

Raisons pour l'Affirmative.

QUELQUES personnes répugnoient à permettre le divorce, c'est-à-dire, à dissoudre le mariage pour des causes qui ne l'attaquent pas toujours dans son essence et que le temps peut effacer.

<< Tout ce qui est cause de séparation, a-t-on dit, peut n'être pas toujours un motif suffisant de divorce.

« Les remèdes doivent être proportionnés aux maux, les peines aux délits ; et comme il y a une très-grande différence entre le divorce et la séparation, soit par rapport au noeud du mariage, que

l'an détruit et que l'autre conserve, soit par rapport aux enfans, les causes du divorce doivent nécessairement être plus graves que celles de la séparation » (1): « le divorce ne doit être autorisé que pour des causes graves; les causes moins graves ne doivent donner lieu qu'à la séparation: de corps » › (2).

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S'ensuit-il cependant que la séparation doive être légèrement prononcée? Non, sans doute.Dans tout objet relatif, il y a trois termes, le positif, le comparatif et le superlatif; la séparation ne doit sans doute être prononcée que pour causes graves; mais pour le divorce, il faut des causes plus graves des causes très-graves » (3).

encore.

On proposoit, en conséquence, de n'admettre le divorce que pour adultère et pour attentat.

La plupart des causes présentées par la Section n'eussent été que des causes de séparation de corps (4).

J Tel eût été l'effet des sévices (5). Ils ne seroient devenus des causes positives de divorce que lorsqu'ils auroient dégénéré en attentat ↓ (6).

(1) M. Maleville, Procès-verbal du 4 brumaire an tó.—(2) M. Pigot-Préameneu, Procès-verbal du 16 vendémiaire an 10, tome Ier, page 330; — M. Boulay, ibid., page 331. (3) M. Maleville, Procèsverbal du 4 brumaire an 10. — ·(4) M. Tronchet, Procès-verbal du 16 vendémiairc an 10, tome Ier, pages 325 et 326. — (5) M. Maleville, Procès-verbal du 4 brumaire an 10. · (6) Le Premier Consul ibid.

NUMÉRO II.

Raisons qui ont fait décider la Négative.

CETTE théorie fut combattue dans son principe même.

On soutint que la séparation de corps et le divorce devoient être deux institutions parallèles; qu'on ne pouvoit attribuer à chacune une part telle que le divorce s'opérât en certains cas, et la séparation dans d'autres ↓ (1) ; que la séparation, cette institution qui, contre le vœeu de la nature et de l'intérêt social, condamne l'un des époux, et même l'époux innocent, à un célibat perpétuel, ne doit jamais exclure nécessairement le divorce » (2):

Et en effet, les raisons qui avoient fait admettre la séparation pour les causes très-graves *, devoient aussi faire admettre le divorce pour les causes qui l'étoient moins. On ne pouvoit, dans aucuns cas, sacrifier l'une à l'autre, l'opinion de l'indissolubilité absolue du mariage et l'opinion contraire; toutes deux devoient être traitées avec la même faveur.

D'après cette doctrine, les causes moins graves,

(1) M. Berlier, Procès-verbal da 16 vendémiaire an IO, tome Ier, page 321.—(2) Ibid.

*Voyez Ire Subdivision, page 89.

c'est-à-dire, les mauvais traitemens et les injures, que l'ancienne jurisprudence avoit jugés être des causes suffisantes de séparation, devoient aussi être des causes suffisantes de divorce (1).

Cette opinion a été adoptée par le Conseil d'état (2).

Passons à la seconde difficulté.

Ile DIVISION.

Le Divorce demandé pour causes moins graves, devoit-il-être subordonné à la séparation de corps!

IL seroit impossible de comprendre la discussion qui va être exposée, si l'on ne se plaçoit au moment où elle a eu lieu. Alors il n'étoit pas encore décidé que le divorce seroit accordé, comme la séparation, pour les causes moins graves, telles que les mauvais traitemens et les injures.

De là même vint la question.

En cherchant l'effet qu'il convenoit de donner à ses causes moins graves, on fut frappé de l'idée I que si elles peuvent n'avoir pas de racine dans le cœur, et sont de leur nature susceptibles de s'amortir avec le temps, que si elles ne portent pas

(1) M. Berlier, Procès-verbal du 16 vendémiaire an 10, tome Ior, page 321. — (2) Décision, Procès-verbal du 4 brumaire an 10.

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