Page images
PDF
EPUB

sidence du Grand-Juge. La solennité de cet arrêt sera la preuve certaine des efforts qu'on aura faits pour découvrir le vrai sens de la loi, et parvenir enfin, s'il est possible, à terminer la contestation.

« Mais si cet arrêt solennel ne rejette point la demande en cassation, s'il casse le second arrêt ou jugement, et renvoie à un troisième tribunal dont le jugement soit encore attaqué, l'interprétation est de droit; toute la procédure est suspendue; la Cour de cassation ne peut prononcer jusqu'à ce qu'elle ait reçu le décret interprétatif; et lorsque la connaissance du décret lui permet de juger, elle est tenue de s'y conformer. De même, le nouveau tribunal, saisi du fond, ne pourra s'écarter des principes consacrés par le décret.

« Au moyen de l'interprétation, toutes les difficultés s'aplanissent : les nuages se dissipent, les juges s'éclairent, les parties s'entendent, et l'affaire est terminée, soit par des jugemens qui ne peuvent plus éprouver aucun retard, soit, ce qui arrivera plus souvent, par une transaction entre les parties. . . . . ». Tels sont les motifs de la loi du 16 septembre 1807,

rapportés et adoptés, dans le Répertoire de jurisprudence, par M. Merlin.

M. Sirey, dans son Traité du Conseil d'état selon la Charte, semble se prononcer pour la même solution et en partie par les mêmes raisons. « L'interprétation législative, dit-il, ne doit point avoir lieu sur la simple réclamation des intérêts individuels. Il faut que l'obscurité de la loi soit constatée, par une persistance de contrariété entre les Cours d'appel et la Cour de cassation; c'est ce qu'a très-bien ordonné la loi du 16 septembre 1807.

[ocr errors]

L'interprétation législative doit être le résultat d'une controverse entre la Cour de cassation et les Cours d'appel qui lui sont contraires. De part et d'autre, les magistrats ont à faire valoir les textes combinés, l'esprit de la loi ou de la disposition controversée, les avantages et les inconvéniens de chaque entente, le vœu de l'équité, l'esprit général de la législation judiciaire.

« C'est au Législateur à s'élever ensuite à de plus hautes considérations; à saisir la liaison intime du droit privé avec le droit public; à faire concorder l'intérêt national avec le vœu de la jurisprudence.

«

Ainsi, l'interprétation règlementaire doit être, de fait, l'oeuvre du Législateur éclairé par le magistrat » (a).

M. le Président Henrion de Pansey, dans son Traité de l'Autorité judiciaire, retrace l'état de la législation sous ce rapport; en rapportant pareillement la loi du 16 septembre 1807 sans discussion, et paraît par conséquent ne pas y trouver d'objection fondée et suffisante. Pour mettre le lecteur en état d'en juger, nous

croyons dévoir rapporter le passage suivant de son ouvrage, quoiqu'il ne soit guère qu'une

(a) (Du Conseil d'état selon la Charte, etc., par M. Sirey, chap. iv, § 2, pag. 82).- Remarquons des actuellement que, sous un Gouvernement constitutionnel assis sur ses véritables bases, l'attribution, donnée par la loi du 16 septembre 1807, de l'interprétation de la loi, à l'autorité qui a l'initiative de la loi, ne saurait être la conséquence exacte de la conclusion admise dans ce passage: car, en admettant même que, sous ce Gouvernement, l'initiative de la loi soit accordée à une seule des trois branches de la Puissance législative (ce qui pourtant ne devrait pas être, voy. ci-dessus, vol. v, pag. 585), du moins est-il incontestable que, d'après le second principe fondamental de l'organisation de cette forme de Gouvernement, le Pouvoir législatifidoit être composé de trois branches, le Roi et les deux Chambres.

narration des faits déja exposés précédemment. << Dans l'impossibilité de connaître le fond du procès, dit-il, la Cour de cassation, après avoir cassé un arrêt, ést obligée de renvoyer l'affaire à une autre cour d'appel. Cette cour peut juger comme la première; et le second arrêt est, ainsi que le précédent, soumis à la censure de la Cour de cassation, qui peut encore le déclarer nul, et doit de même renvoyer le procès à une troisième cour d'appel. Et comme non-seulement ce troisième arrêt, mais un quatrième, un cinquiême, etc., peuvent successivement être annulés; que la Cour de cassation est toujours obligée de renvoyer l'affaire, et que jamais ses décisions ne commandent aux tribunaux, cette alternative d'arrêts annulés et reproduits pouvait se prolonger indéfiniment.

« Dans notre ancien régime, un moyen fort simple terminait cette lutte. Comme le Roi jugeait dans son Conseil les demandes en cassation, lorsque les parlemens s'obstinaient à donner à la loi un sens qu'il réprouvait, il évoquait l'affaire, et terminait le proces par, un arrêt qui était tout à la fois un acte judiciaire et législatif.

« Ce procédé n'avait rien d'illégal, puisque le Roi, investi seul du droit de faire la loi, en était aussi le seul interprète. Mais il n'en est pas de même de la Cour que l'on a substituée au Conseil d'état : sans aucune participation à l'exercice de la puissance législative, cette Cour est sans pouvoir pour statuer sur les affaires dont la décision serait subordonnée à l'interprétation d'une loi. Celle du 1er décembre 1790 y avait pourvu par la disposition suivante: Lorsque le jugement aura été cassé. deux fois, et qu'un troisième tribunal aura jugé en dernier ressort de la même manière que les deux précédens, la question ne pourra plus étre agitée au Tribunal de cassation qu'elle n'ait été soumise au Corps législatif, qui, en ce cas, portera un décret déclaratoire de la loi; et lorsque ce décret aura été sanctionné par le Roi, le Tribunal de cassation s'y conformera dans son jugement.

« La Constitution de l'an VIII ayant conféré au Chef du Gouvernement l'initiative des lois, et borné à quatre mois la durée des séances des députés au Corps législatif, cette disposition de la loi du 1er décembre 1790,

« PreviousContinue »