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qu'un troisième tribunal aurait jugé en dernier ressort de la même manière les deux pre

que

miers, la question ne pourrait plus être agitée au Tribunal de cassation, qu'elle n'eût été soumise au Corps législatif, qui, en ce cas, porterait un décret déclaratoire de la loi; et que, lorsque ce décret aurait été sanctionné par le Roi, le Tribunal de cassation s'y conformerait dans son jugement (a).

Si l'on ne sentit pas d'abord les graves inconvéniens de tant de renvois et de lenteurs, il semble que du moins l'on ne fut pas longtemps sans s'apercevoir du vice de rédaction de l'art. 3 de cette loi du 1er décembre 1790, qui portait que, sous aucun prétexte et en aucun cas, le Tribunal ne pourrait connaître du fond des affaires. En effet, la Constitution du 3 septembre 1791 (tit. ш, chap. v, art. 21)

en dernier ressort de cette qualité, ne sera ouvert qu'après l'arrêt ou jugement définitif; l'exécution volontaire de tels arrêts ou jugemens préparatoires ne pourra, en aucun cas, être opposée comme fin de non-recevoir.

« La présente disposition ne s'applique point aux arrêts ou jugemens rendus sur la compétence ».

(a) Voy. ci-dessus, vol. x, pag. 434 et suiv,

rappelle bien, dans les mêmes termes (à peu de chose près), la disposition du second alinéa de l'art. 21 de la loi du 1er décembre 1790, en statuant que, « lorsqu'après deux cassations, le jugement du troisième tribunal sera attaqué par les mêmes moyens que les deux premiers, la question ne pourra plus être agitée au Tri

bunal de cassation sans avoir été soumise au

Corps législatif (a), qui portera un décret déclaratoire de la loi auquel le Tribunal de cassation sera tenu de se conformer » : mais cette même Constitution porte (même tit., même chap., art. 20) qu'en matière de cassation seulement, et non plus en aucun cas, le Tribunal ne pourra connaître du fond des affaires ».

L'art. 255 de la Constitution du 5 fructidor an III était encore conçu ainsi : « Le Tribunal de cassation ne peut jamais connaître du fond des affaires; mais il casse les jugemens rendus sur des procédures dans lesquelles les formes ont été violées, ou qui contiennent quelque contravention expresse à la loi, et il renvoie

(a) Il est à remarquer que la sanction du Roi exigée par la loi du 1 er décembre 1790 est passée sous silence dans cet art. de la Constitution du 3 septembre 1791.

le fond du procès au tribunal qui doit en connaître (a) ». Mais alors on avait sûrement eu lieu d'éprouver et de reconnaître le vice de ces dispositions de la loi et de la constitution précédentes, qui exigeaient trois jugeniens ayant successivement jugé de la même manière, dont les deux premiers auraient été cassés, et dont le troisième serait encore attaqué par les mêmes moyens, avant l'intervention du décret déclaratoire de la loi que devait porter le Corps législatif, aux termes des mêmes dispositions;

(a) Aucune disposition de cette Constitution, non plus que de celle du 3 septembre 1791, ne rappelle le mode prescrit l'art. 19 par de la loi du 1er décembre 1790 et le décret du 14 avril suivant, pour déterminer le nouveau tribunal auquel le renvoi doit avoir lieu; cependant l'art. 219 de cette même Constitution de l'an III, portait encore : « L'appel des jugemens prononcés par le tribunal civil se porte au tribunal civil de l'un des trois des départemens les plus voisins, ainsi qu'il est déterminé par la loi ». La Loi du 2 brumaire an IV, dit : « Tit. 111, art. 24. Si le jugement seul a été cassé, l'affaire sera portée devant l'un des tribunaux d'appel de celui qui avait rendu le jugement; 'ce tribunal sera déterminé de la même manière que dans le cas de l'appel. Il procèdera au jugement, sans nouvelle instruction ». (Voy. ci-après, à la page 13, la note a).

et, par l'art. 256 de cette Constitution de l'an III, il fut dit que, « lors qu'après une cassation seulement, le second jugement sur le fond serait attaqué par les mêmes moyens que le premier, la question ne pourrait plus être agitée au Tribunal de cassation sans avoir été soumise au Corps législatif qui porterait une loi à laquelle le Tribunal de cassation serait tenu de se conformer. >>

L'Acte Constitutionnel du 22 frimaire an VIII se renferme à cet égard dans un ou deux articles rédigés en termes toujours plus généraux et plus succincts; il porte, « Art. 65: Il y a, pour toute la République, un Tribunal de cascation, qui prononce sur les demandes en cassation contre les jugemens en dernier ressort rendus par les tribunaux; sur les demandes en renvoi d'un tribunal à un autre pour cause de suspicion légitime ou de sureté publique; sur les prises à partie contre un tribunal entier.

« Art. 66. Le Tribunal de cassation ne connaît point du fond des affaires; mais il casse les jugemens rendus sur des procédures dans lesquelles les formes ont été violées, ou qui contiennent quelque contravention expresse à

la loi; et il renvoie le fond du procès au tribunal qui doit en connaître » (a).

Il y a quelque raison de croire qu'au moment de la rédaction de cet Acte Constitutionnel, on entrevit mieux encore qu'on ne l'avait fait jusque là toute l'importance et la difficulté de la question, et que l'on regarda alors comme nécessaire de prendre le temps de l'approfondir davantage; car l'on s'abstint de statuer, ainsi qu'on l'avait fait précédemment, sur la manière de procéder, après un premier arrêt de cassation, sur le pourvoi interjeté contre un ou plusieurs jugemens subséquens qui auraient jugé de la même manière, et qui seraient attaqués par les mêmes moyens que les premiers.

(a) L'art. 61 porte: «En matière civile, il y a des tribunaux de première instance et des tribunaux d'appel. La loi détermine l'organisation des uns et des autres leur compétence, et le territoire formant le ressort de chacun »; et l'art. 62 « En matière de délits, emportant peine afflictive ou infamante, un premier jury admet ou rejette l'accusation: si elle est admise, un second jury reconnaît le fait; et les juges formant un tribunal criminel, appliquent la peine.

« Leur jugement est sans appel».

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