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RAPPORTS.

Une sculpture votive tournaisienne (XVe siècle);
par M. L. Maeterlinck.

Rapport de M. Max, Rooses, premier commissaire,

« M. L. Maeterlinck, conservateur du Musée de peinture de Gand, présente à la Classe une courte notice consacrée à un bas-relief votif appartenant au Musée lapidaire de Gand. L'œuvre d'art dont il s'agit provient de Tournai et représente une Adoration de l'Enfant Jésus par la Vierge et par des anges. Outre sa valeur intrinsèque fort réelle, elle offre un intérêt spécial par son aspect pictural. En effet, la disposition des figures principales, de même que les bergers, le bœuf et l'âne du second plan, le paysage dans le fond et les détails architecturaux de l'étable visent à reproduire dans la pierre la réalité avec tous ses accidents, comme le ferait une peinture.

L'auteur de la notice y voit un effet de l'influence exercée par Rogier van der Weyden sur ses compatriotes les Ymaigiers de Tournai. Il rapproche ce bas-relief d'un des tableaux du maître appartenant au Musée de Berlin et fait ressortir leur analogie frappante.

Comme il le dit, la ressemblance entre les deux œuvres ne saurait être mise en doute. L'attitude de la Vierge est la même, l'Enfant Jésus est déposé tout nu sur le bord de la robe de sa mère, la pose des deu anges en adoration est identique, l'expression de sai

Joseph est pareille, il n'y a pas jusqu'à la structure de l'étable qui ne se retrouve dans le tableau et dans la sculpture.

Cette coïncidence est surprenante; elle était de nature à frapper très particulièrement l'auteur de la notice. Dans un précédent mémoire présenté à la Classe, il y a peu de temps, il a fait ressortir l'influence des sculpteurs tournaisiens sur le peintre Rogier van der Weyden au début de sa carrière, et voilà qu'un document important vient établir qu'en retour, à la fin de sa vie, ce sont les Ymaigiers qui s'inspirent de ses tableaux.

Ce fait est curieux et mérite d'être signalé. Le basrelief de Gand en acquiert un intérêt tout particulier et la notice qui y est consacrée mérite de prendre place dans les publications de l'Académie. »>

Rapport de M. Solvay, deuxième commissaire

« La communication nouvelle, faite par M. L. Maeterlinck à l'Académie, est une suite complémentaire de celle qu'il lui a faite précédemment; et elle y ajoute un véritable intérêt.

M. Maeterlinck, s'appuyant sur de sérieux documents, avait montré l'influence assez logique et naturelle exercée sur le peintre Roger van der Weyden par ses contemporains les Ymaigiers de Tournai. Il montre aujourd'hui, à l'aide d'un document plus curieux encore, l'influence exercée, d'autre part, sur les Ymaigiers euxmêmes par Roger van der Weyden.

La ressemblance qui existe entre le bas-relief du Musée lapidaire de Gand, dont il nous parle, et l'une

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des œuvres du célèbre peintre que possède le Musée de Berlin, l'Adoration de l'Enfant Jésus, est trop grande, en effet, pour être due à un simple hasard.

Ceci vient confirmer à propos ce que nous disions dans notre rapport sur la première communication de M Maeterlinck, en expliquant ces sortes d'influences par ce fait que les artistes du XIVe et du XVe siècle, loin de se spécialiser comme la plupart des nôtres, étaient à la fois peintres et sculpteurs, et que retables peints et retables sculptés tendaient volontairement à se ressembler, dans la préoccupation commune qu'avaient leurs auteurs de produire un effet décoratif à peu près identique.

De cette préoccupation commune, voire même de ce travail commun, devaient naître fatalement des influences réciproques, dont ne songeait à se froisser aucun amourpropre. Et peut-être van der Weyden lui-même mit-il la main au bas-relief en question, dont il semblerait, tout au moins, comme le pense M. Maeterlinck, avoir dirigé l'exécution.

Nous demandons, avec M. Rooses, que la communication de M. Maeterlinck soit publiée dans les Mémoires in-8°, et nous souhaitons qu'on puisse y joindre une reproduction phototypique du bas-relief, ainsi que du tableau de van der Weyden. »

Rapport de N. Hymans, troisième commissaire.

« Dans le nouveau travail qu'il soumet à l'examen de la Classe, M. Maeterlinck, reprenant les vues exposées dans sa précédente étude concernant les Ymaigiers de Tournai et leur influence sur les peintres du XVe siècle, spécialement van der Weyden, attire l'atten

tion sur un petit bas-relief de la Nativité existant au Musée lapidaire de Gand. Ce délicat morceau de sculpture, que j'avais moi-même, par une bizarre coïncidence, signalé dans mon rapport sur le premier mémoire de l'auteur (1), se trouve appartenir à l'école tournaisienne, chose que j'ignorais. M. Maeterlinck, le rapprochant d'un tableau fameux de van der Weyden, au Musée de Berlin, le retable de Middelbourg, relève dans celui-ci des analogies de composition et de style qui viennent puissamment à l'appui de sa thèse, outre qu'elles tendent à corroborer les vues, déjà anciennes, de Waagen en la matière.

Le célèbre critique allemand, bien des années avant la révélation de l'origine tournaisienne de van der Weyden, n'hésitait pas à écrire ces lignes :

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« L'étude approfondie des monuments de l'école de >> Tournai nous a convaincu que, par le mérite de ses sculptures, Tournai eut, au XIVe siècle, dans l'his>>toire de l'art belge, une importance non moins haute » que celle que la ville de Bruges eut, dans le siècle » suivant, par le mérite de ses peintres. Mais, de même >> que les peintres les plus remarquables de l'école de >> Toscane et de l'école romaine étudièrent les célèbres >> portes de bronze que Lorenzo Ghiberti plaça au baptis>>tère de Florence, de même les frères van Eyck et Roger >> van der Weyden (dit de Bruges) étudièrent visiblement >> les sculptures de Tournai. »

La nouvelle note de M. Maeterlinck offre, on le voit, un intérêt considérable, et je me fais un plaisir d'en

(1) Bull. de l'Acad. roy. de Belgique (Classe des lettres, etc.), 1900, p. 672.

proposer l'insertion dans les Mémoires in-8°, conformément aux conclusions de nos honorables confrères MM. Rooses et Solvay. » —

Adopté.

ÉLECTIONS ET PROGRAMME DU CONCOURS POUR 1903.

La Classe se constitue en comité secret :

1° Pour le choix des questions et des sujets d'art appliqué destinés à figurer au programme du concours pour 1905, programme qui sera définitivement arrêté dans la prochaine séance;

2o Pour les élections aux places vacantes. Ont été élus :

Membres titulaires, sauf approbation royale: Dans la Section de peinture M. Ch. Hermans, correspondant; dans la Section de musique M. Emile Mathieu, correspondant.

Correspondants: Dans la Section de peinture : M. Frans Courtens, à Bruxelles; dans la Section de gravure: M. Louis Lenain, à Ixelles.

Associés Dans la Section de sculpture: M. Emmanuel Frémiet, membre de l'Institut, à Paris; dans la Section des sciences et des lettres dans leurs rapports avec les beaux-arts: M. Georges Lafenestre, membre de l'Institut, à Paris; Sidney Colvin, conservateur des estampes au British Museum, à Londres, et Justi, conseiller aulique, professeur à l'Université de Bonn.

La Classe procède ensuite à l'élection de son directeur pour 1902. M. Henri Maquet est élu.

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