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se demander si tout ce corps de Gésates, levé en Rétie, avait reçu en bloc la civitas, ou si une partie de ce corps possédait le droit de cité.

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La première hypothèse nous semble exclue par la formule même qui est employée ici. Si tout ce corps de Gésates, auquel appartenait la centurie de Valentinus, avait reçu le droit de cité ob virtutem, c'est le mot gaesatorum qui serait qualifié par civium Romanorum, et de même qu'on dit Cohors I Germanorum civium Romanorum, on aurait dit Centuria Valentini gesatorum civium Romanorum (ou Gesati cives Romani centuriá Valentini) basem posuerunt. C'est là une formule que nous ne voyons jamais appliquée à une milice provinciale. Celle que nous avons ici prouve que certains soldats seulement du corps des Gésates possédaient le droit de cité romaine, soit qu'on eût enrôlé des citoyens dans ce corps (et ils ne manquaient pas en Rétie), soit qu'on eût donné la civitas à certains hommes de ce corps ob virtutem. Ceux qui font la dédicace au Soleil Auguste, ce sont les citoyens romains de la centuria Valentini gesatorum. Ainsi comprise, la formule est exacte et ne pouvait être autre (1).

avec le séjour des gaesati à Tongres, car la cohors II Tungrorum resta en Bretagne depuis Domitien au plus tard jusqu'au milieu du IIIe siècle au moins.

(1) Voici une inscription de Rome où l'ordre suivi est à peu près le même : CIL., VI, 2821 : J(ovi) Optimo) M(aximo) et Marti et Nemesi [et] Soli et Victoriae et omnibus | diis patriensibus,

civ(es) ex provincia) Belgica Aug usta) Viromandu | oru(m) milites Julius) Fuscus cohortis) I pract(oriae) c(enturia) Albani et ¦ Firm(ius) Maternianus cohortis) X praetoriae) Philippianarum | centuria) Artem[on]is, votum) solverunt) libentes) m(erito).

Dedicatum IIII kal. Jul. Presente et Albino [co(n)s(ulibus)].

'est l'inscription d'une aedicula dédiee, en 246, par deux soldats

On peut encore se demander si cette centurie était composée tout entière de citoyens. Nous avons déjà fait remarquer que son centurion a un surnom romain et qu'il était très probablement citoyen romain. Mais nous croyons que, si cette centurie avait reçu en bloc le droit de cité, on aurait dit centuria Valentini gesatorum civium Romanorum. Nous concluons qu'il faut comprendre que quelques soldats de cette centurie étaient citoyens; c'est à ce titre que seuls ils possédaient, qu'ils se réunissent pour faire cette dédicace (1). Ils n'indiquent pas le motif pour lequel ils honorent le Soleil Auguste. I ressort de ce que nous avons dit que ces sortes de dédicaces où figure l'épithète d'Augustus étaient une flatterie ou du moins un témoignage de dévouement à l'empereur. Dire qu'ici les Gésates veulent prouver leur reconnaissance pour le droit de cité reçu de l'empereur, ce serait faire une conjecture, non pas invraisemblable, mais sans fondement suffisant.

Faisons observer enfin qu'il est possible que les Gésates qui stationnaient à Tongres ne formaient qu'une centurie, la centuria Valentini gesatorum, détachée d'un numerus gesatorum, corps d'infanterie, comme le prouve la division en centuries commandées par des centurions, et non en turmae commandées par des décurions.

prétoriens originaires de Vermand, dans la province de Belgique. Nos deux soldats commencent aussi par indiquer leur qualité de cives ex' provincia Belgica, puis leur qualité de soldats d'une cohorte prétorienne et d'une centurie désignée par le nom du centurion

(1) Il est intéressant de constater que Gacsatius était devenu un nom gentilice, qui remontait à des Gaesati devenus citoyens. CIL., XIII, 2076, à Lyon. au IIe siècle, III, 5947; V, 1854, 4144. PAIS, Suppl. Corporis 1. L. italica, 1279. On trouve une Centuria) Gaesati au Ile siècle (V, 7717). Holder, col. 1517.

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Les caractères ont la forme de l'écriture monumentale du Ile siècle de notre ère et du commencement du III, mais plutôt celle du II; ils sont réguliers et ont une certaine élégance sans aucune recherche. La paléographie ne permet pas une affirmation plus précise. Quant au fond, on ne peut conclure rien de certain de Sol Augustus, attendu qu'il est impossible de déterminer sûrement le dieu honoré sous ce nom. La présence des Gésates à Tongres nous interdit de remonter au delà du règne d'Antonin le Pieux, car c'est alors qu'on trouve pour la première fois les Gésates en dehors de leur pays. Les dédicants tiennent visiblement à faire ressortir leur titre de cives Romani: c'est un droit dont ils sont fiers, parce que tout le monde ne le possédait pas. Or on sait que Caracalla (211-217), par un édit, accorda le droit de cité à tous les hommes libres qui, à ce moment, étaient domiciliés dans l'Empire (1). On pourrait en conclure que cette inscription n'est pas postérieure à Caracalla. Mais l'édit de ce prince n'eut pas une portée aussi générale qu'on le croit souvent. Après lui, les pérégrins et les cives Latini subsistent en grand nombre, notamment dans les armées impériales, car les diplômes LXXXIV à XCVI sont accordés après cette date (2).

Il est donc vraisemblable que notre inscription est de la fin du IIe siècle, peut-être du commencement du IlIo.

(1) DIG., 1, 5, 17. Dio Cass., 77, 9. Vita Severi, 1.

(2) Sur les restrictions apportées à l'octroi de la civitas par Caracalla, voy. TH. MOMMSEN, Hermes, XVI, pp. 474-477.

Tongres, capitale de la civitas Tungrorum, avait alors une garnison de Gésates, et cette inscription, si intéressante pour l'histoire de la Belgique romaine et pour celle de Tongres en particulier (1), ne l'est pas moins pour l'histoire militaire de l'Empire romain, puisqu'elle vient apporter une preuve nouvelle de l'emploi qu'on fit des milices provinciales dès le milieu du IIe siècle après Jésus-Christ.

(1) Dans une inscription récemment découverte et qui fut gravée après la mort de Caracalla (an 218), on trouve un buleuta (c'est-à-dire decurio) civitatis Tungrorum. Voy. Korrespondenzblatt der westd. Zeitschr., XIX, 1900, p. 146 (voN DOMASZEWSKI) et Musée belge, V, 1901, p. 62. On connaissait déjà un aedilis civitatis) Tungrorum\ antérieur à Dioclétien. Voy. BONNER, Jarhb., 81, p. 83.

L'inscription Soli A[ug(usto)] a été enfermée dans une caisse en bois cadenassée et tenue cachée jusqu'en 1901. Elle a été publiée fort inexactement et mal expliquée par M. SCHUERMANS, d'abord dans le journal La Meuse, 9 juin 1900 (article reproduit dans le Korrbl. der westd. Zeitschr., XIX, p. 107, no 51); puis dans la Westd. Zeitschr., 1900; enfin dans le Bull, de la Soc. scient, et litt. du Limbourg, t. XVIII, fasc. 2 (1901), pp. 251-270. Elle a été publiée aussi par M. P. LAMINNE dans le même Bulletin, pp. 291-297, avec une lecture qui est également inadmissible.

Au moment où nous corrigeons les épreuves de cet article, nous recevons la Revue épigraphique, 1901, no 101, où M. ESPÉRANDIEU donne (p. 190) une lecture à peu près conforme à la nôtre, d'après une photographie que nous lui avions envoyée.

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