Page images
PDF
EPUB

m

DISCOURS

Prononcé par Son Excellence le Vicomte De Martignac, Ministre de l'intérieur, à l'ouverture de la séance publique de la Société, le 15 avril 1828.

MESSIEURS,

Trois jours sont à peine écoulés depuis celui où, recevant avec une paternelle bienveillance l'expression de vos sentimens, le Roi vous a répondu : « C'est principalement par l'agriculture que la France peut augmenter sa prospérité; je vous engage à travailler toujours avec le même zèle à cette branche si intéressante de la richesse publique. »

Que pourrais-je ajouter, Messieurs, à ces paroles dictées à la bonté par la sagesse et par la justice? Qui pourrait espérer de mieux exprimer une grande et utile vérité, et d'offrir à vos généreux travaux une récompense plus précieuse et des encouragemens plus pressans?

Si les arts doivent être classés dans l'estime des hommes selon leur degré d'utilité et la somme de jouissances qu'ils font naître, nul ne saurait assurément contester la première

place à l'agriculture. Véritable bienfaitrice des États, source première de leur prospérité positive, l'agriculture, à qui nous devons le grain qui nous nourrit, la liqueur qui nous fortifie, la fleur qui nous charme, doit recevoir en protection des Gouvernemens ce qu'elle leur donne en richesse et en jouissance.

Aussi, Messieurs, en remontant vers les temps les plus reculés, notre pensée la retrouve toujours protégée et honorée; par-tout les savans et les sages se plurent à en étudier les secrets, à en améliorer les pratiques, à en répandre les préceptes; par-tout les législateurs la placèrent sous l'action conservatrice des lois.

Il n'est pas d'illustration qui ait dédaigné l'agriculture, pas de genre de gloire qui ait cru s'abaisser en essayant la herse et la charrue. Si, d'une part, Pline et Virgile descendirent des hauteurs du génie pour tracer au cultivateur de modestes leçons, de l'autre, la main triomphante de Cincinnatus ne tarda pas à reprendre le sillon qu'avait interrompu la victoire.

Dans un siècle où toutes les idées s'agrandissent, où tous les esprits sont disposés à favoriser ce qui tend à améliorer le sort des hommes; dans un temps où les arts prospè

rent, où les sciences se répandent et se perfectionnent sous l'abri du trône légitime et sous l'influence d'une sage et féconde liberté, l'agriculture doit faire des efforts utiles et obtenir des succès nombreux.

Chaque année voit s'étendre, Messieurs, le cercle de vos précieuses recherches et le sol de notre patrie recevoir de votre habile main des germes nouveaux de fécondité. Chaque année, le compte de vos travaux vient marquer votre place dans la reconnaissance publique, et justifier les espérances qui se rattachent à votre association.

On y voit des appels aux hommes expérimentés, qui doivent à leurs concitoyens le tribut des lumières qu'ils ont acquises; des concours où une généreuse émulation dispute le prix de l'utilité; des essais tentés avec prudence et suivis avec cette persévérance réfléchie sans laquelle il n'est pas de succès solide; des récompenses distribuées avec justice, mesure et discernement.

Aussi la funeste routine, fille de l'ignorance et de l'entêtement, fuit à la fin devant l'expérience; les théories se simplifient et se confirment ; les engrais se multiplient; les plantations s'étendent; les terrains stériles et déserts

renaissent à la culture et à la production; l'irrigation, cette mère de l'abondance arrachée par l'art à la nature, porte en tous lieux la fraîcheur et la fertilité.

C'est par de tels travaux que vous servez votre pays, la science et l'humanité; et quand, après une année consacrée à de telles œuvres, vous jetez un regard en arrière, vos souvenirs ont une douceur que rien ne trouble et que n'altère aucun regret.

L'agriculture, Messieurs, cet objet constant de vos études et de vos soins, doit être aussi et sera, n'en doutez pas, pour le Gouvernement du Roi, l'objet d'une sollicitude toute particulière. Tout ce qu'il pourra faire pour seconder vos efforts, soyez sûrs qu'il le fera avec l'empressement du devoir et de la conviction.

Tandis que vous apprendrez aux hommes le moyen de demander à la terre tout ce qu'elle peut donner, le Gouvernement cherchera, par toutes les voies qui sont en son pouvoir, à rendre cette fécondité profitable à ceux qui l'obtiennent, à combiner dans une juste proportion le prix des denrées qu'il faut vendre et les besoins qu'il faut satisfaire, à unir enfin à

la prospérité de l'agriculture qui produit la prospérité du commerce qui consomme.

Au milieu des systèmes divers qui se partagent le Monde et des intérêts opposés qui divisent entre eux les habitans d'une même patrie, cette conciliation désirable n'offre que trop souvent de graves difficultés. Le devoir du Gouvernement est de rechercher avec constance les moyens de résoudre ce grand problème, et ce devoir ne sera pas négligé.

Vous continuerez, Messieurs, l'ouvrage que vous avez si bien commencé. Vous avez déjà fait beaucoup de bien, vous en ferez encore. Vous avez depuis peu donné à l'art des jardins le plus puissant encouragement en organisant une Société savante, chargée de veiller à cette partie de nos travaux agricoles que le bon Delille a si bien chantée. D'autres branches de cette économie rurale si variée et si productive attendent vos veilles et vos soins, et ne les réclameront pas en vain.

Pour nous, il faut vous le dire, nous serons toujours heureux et fiers de la mission qui nous appelle près de vous.

Dans la carrière difficile où nous marchons, c'est un délassement précieux que le travail

« PreviousContinue »