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officier de la Légion-d'Honneur, il avait refusé le grand cordon, que la médiocrité de sa fortune ne lui permettait pas de porter convenablement.

François de Neufchâteau avait été marié quatre fois, et toujours la mort rompit des liens sur lesquels il avait fondé son bonheur. Un fils digne de lui; une nièce dont l'esprit, le caractère, et sur-tout le tendre dévouement, étaient justement appréciés par lui, ont répandu un grand charme sur les dernières années de son existence. On peut dire aussi qu'il était facile de le rendre heureux; personne ne savait si bien modérer ses désirs, ni si bien cacher sa supériorité; toujours indulgent et bon, on se trouvait plus d'esprit en causant avec lui qu'avec tout autre ; une gaîté douce, une prodigieuse mémoire, une imagination ardente, le mettaient à même de faire le charme de la société peu nombreuse qu'il rassemblait souvent chez lui. Pendant sa longue maladie, et par une abnégation délicate de tout ce qui lui était personnel, il voulait que tous ceux qui l'entouraient allassent chercher loin de lui les plaisirs qu'il ne pouvait plus goûter; il semblait les partager du moment qu'il pouvait croire qu'un autre les avait sentis; il s'animait au récit qu'il en écoutait et se trouvait heureux du bonheur de ses

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amis; il avait, si je puis m'exprimer ainsi, une surabondance de sentimens affectueux.

François de Neufchâteau surmontait avec une héroïque fermeté les atroces douleurs dont la goutte, ainsi qu'une maladie interne plus cruelle encore, l'accablaient depuis si long-temps : il cherchait à cacher ses maux à ses amis, à sa famille; jamais on ne trouvait en lui le vieillard infirme et souffrant, c'était toujours l'homme aimable et spirituel, dont les soins charmaient la vie de tous ceux qui pouvaient l'approcher. Ses derniers momens eux-mêmes n'ont pu changer ses habitudes ni altérer sa douceur, ni son indulgence, ni ses facultés morales; pendant sa dernière maladie, il avait adressé à l'Académie française un petit poëme intitulé : Les après-diners du quai Voltaire; huit jours avant sa mort, il fit un impromptu en vers pour Madame la marquise de Laplace: la veille même du jour funeste qui nous l'a ravi, il s'était levé; il avait toute sa connaissance et souriait avec bonté à l'empressement de ses proches. Il s'est éteint dans la nuit du 10 janvier dernier, sans agonie, et sans que rien pût faire redouter prochainement une aussi cruelle catastrophe.

Déjà, Messieurs, vous avez manifesté votre estime et votre douleur sur la tombe de Fran

çois de Neufchateau; déjà l'Académie française et l'Athénée des arts ont exprimé tous leurs regrets. Bientôt dans une solennité plus imposante, ses plus beaux titres littéraires seront procla`més, et sans doute quelque jour aussi les nombreux et utiles écrits de notre excellent et regrettable confrère, maintenant dispersés, seront réunis et lui assureront une gloire plus durable encore dans la postérité.

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RAPPORTS

LUS A LA SÉANCE PUBLIQUE DU 15 AVRIL 1828, SUR LES DIVERS CONCOURS PROPOSÉS PAR LA SOCIÉTÉ.

1o. Rapport sur le concours pour

l'introduction,

dans un canton de la France, d'engrais ou d'amendemens qui n'y étaient pas usités auparavant; par M. VILMORIN.

Un seul mémoire a été envoyé pour ce concours. Il est de M. le comte Leclerc de Bussy, colonel et chevalier de Saint-Louis, maire de la commune de Condreceau, arrondissement de Nogent-le-Rotrou, et est accompagné d'un certificat du sous-préfet de l'arrondissement, du maire de Nogent-le-Rotrou, et de M. Forestier, secrétaire de la Société d'agriculture du département d'Eure-et-Loir.

Il résulte de l'une et l'autre pièce que M. le comte de Bussy a introduit dans l'arrondissement qu'il habite l'usage des composts, qui y était avant lui entièrement inusité; qu'il a dû à leur emploi et à des procédés de culture meil

leurs que ceux du pays une augmentation considérable de récoltes, puisque, selon les termes du certificat, des terres qui produisaient à peine cent cinquante gerbes de méteil à l'hectare en rapportent aujourd'hui trois cents en froment, et présentent également de très-belles récoltes en céréales de mars, en racines et en trèfle et luzerne.

de

Le mémoire de M. de Bussy fait connaître les procédés qu'il emploie pour la confection de ses composts; ce sont ceux généralement connus, et usités en divers pays : la stratification par couches alternatives de terre, de marne, fumier, et en été des herbes des sarclages, le tout arrosé de jus de fumier et, après la première fermentation, mélangé et remis en tas. Cet exposé est suivi de détails intéressans sur les assolemens suivis par l'auteur, sur ses cultures de racines et de plantes fourragères, et enfin sur divers instrumens perfectionnés dont il fait usage. dans son exploitation. Celui dont il signale plus particulièrement l'utilité est un brise-motte ou rouleau creux, composé de grosses barres de fer tranchantes, à l'aide duquel il divise et ameublit parfaitement ses

terres.

M. le comte de Bussy, ayant satisfait aux con

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