Page images
PDF
EPUB

ART. 6. La loi est l'expression de la volonté générale : tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation; elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.

LE POUVOIR CONSTITUANT

Puisque, dans une République démocratique, la souveraineté émane du peuple, c'est au peuple souverain qu'il appartient de fixer les règles suivant lesquelles les lois seront délibérées et le gouvernement s'exercera en d'autres termes le peuple possède le pouvoir qui est antérieur et supérieur à tous les autres, et qu'on appelle le pouvoit constifalant...

En fait, il est impossible que tous les citoyens participent directement à l'élaboration de la Constitution. Toutes les Constitutions que la France s'est données depuis la Révolution ont été l'œuvre d'Assemblées qui représentaient ou prétendaient représenter la nation. Certains gouvernements ont soumis à la ratification du peuple la Constitution élaborée par une assemblée ou par une commission : c'est la méthode du plébiscite, qui a été appliquée aux Constitutions consulaires et impériales de l'an VIII, de l'an XII et de 1852. Le plébiscite était une concession au principe de la souveraineté populaire, mais une concession plus apparente que réelle en effet, le peuple, mis en présence du fait accompli, ne pouvait répondre que par oui ou par non et accepter ou rejeter en bloc le texte qui lui était soumis.

L'Assemblée nationale qui a voté les lois constitutionnelles de 1875 a cru devoir s'attribuer le pouvoir constituant en dernier ressort et faire entrer directement en vigueur, sans appel au peuple, les textes issus de ses délibérations. Dans le régime actuel, le peuple n'exerce donc le pouvoir constituant que par l'intermédiaire de ses représentants.

LA PROCÉDURE

DE REVISION

Une Constitution n'a pas la prétention d'être éternelle. Nulle assemblée délibérante ne peut lier à tout jamais les générations à venir. La Constitution de 1791, par exemple, prévoyait la possibilité de sa propre abrogation par une Convention spécialement élue à cet effet. La Constitution de 1875 n'envisage que la revision. Aucune

limite n'est d'ailleurs assignée à la revision, qui peut être partielle ou totale seule la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une proposition de revision (loi constitutionnelle de 1884).

La revision doit avoir lieu lorsque chaque Chambre l'a demandée par un vote séparé. Il est admis qu'en pareil cas l'accord préalable doit se faire non seulement sur l'opportunité d'une revision, mais encore sur l'objet précis de cette revision. Les deux Chambres se réunissent alors en Assemblée nationale à Versailles pour y procéder.

Cette procédure a joué trois fois depuis 1875. Une première revision en 1879 a eu pour objet de transférer de Versailles à Paris le siège des pouvoirs publics. Deux autres lois de revision ont été votées en 1884: l'une, qui rendait définitive la forme républicaine du gouvernement; l'autre qui modifiait le mode de recrutement du Sénat.

La procédure de revision adoptée par l'Assemblée nationale est essentiellement conservatrice: elle a pour but d'assurer la plus grande stabilité possible à nos institutions politiques, en subordonnant toute revision à l'accord préalable des deux Chambres. Ce but a été atteint. Aucune modification capitale n'a encore été apportée aux lois constitutionnelles de 1875.

UVERNEMENT
DIRECT ET

[ocr errors]

Le peuple peut exercer sa souveraineté tantôt directement tous citoyens assemblés —, tantôt indirectement · par l'intermédiaire de représentants élus —. PRÉSENTATIF y a donc deux modes de gouvernements démocratiques, le gouvernement direct et le gouverne

JVERNEMENT

Il

ment représentatif.

Le gouvernement direct réalise à coup sûr les conditions de la démocratie idéale; mais il ne peut se pratiquer que dans les États de faible étendue, comptant un nombre restreint de citoyens. Tel était le cas, dans l'Antiquité, pour la République athénienne. De nos jours, le gouvernement direct est encore en usage dans six petits cantons suisses où l'Assemblée du peuple (Landgemeinde) se réunit régulièrement sur la place publique pour voter les lois et élire les magistrats.

Ce mode de gouvernement est évidemment impraticable dans les grands États. Il est possible cependant de s'en rapprocher par le moyen d'institutions telles que le referendum et l'initiative populaire. Le referendum consiste à soumettre à l'approbation

du peuple les lois votées par ses représentants. L'initiative populaire s'exerce quand la Constitution reconnaît à un nombre déterminé de citoyens le droit de soumettre une proposition de loi aux délibérations des assemblées législatives.

Le referendum est actuellement pratiqué dans certains États de l'Union américaine. Dans la Confédération suisse, il est obligatoire pour les lois constitutionnelles et facultatif pour les autres. L'initiative populaire est également reconnue en Suisse pour les lois constitutionnelles. Enfin, les nouvelles Constitutions républicaines de 1919 et de 1920 ont introduit en Allemagne et en Autriche la pratique du referendum.

En France, le referendum n'a été prévu que par une seule Constitution, celle de 1793, qui d'ailleurs n'a jamais fonctionné. La Constitution de 1875 a établi un régime purement représentatif : l'appel au peuple ne s'exerce en France dans aucun cas, pas plus en matière législative qu'en matière constitutionnelle.

LE RÉGIME ÉLECTORAL

En définitive, le peuple français n'exerce sa souveraineté que par l'élection de représentants. Tous les citoyens étant égaux en droits, ces élections se font au suffrage universel. Le suffrage universel est donc l'institution démocratique par excellence : il existe en France depuis 1848.

Sont électeurs en principe tous les citoyens français âgés d'au moins vingt et un ans, à l'exception de ceux qu'une condamnation a privés de leurs droits politiques et de ceux qui accomplissent leur service militaire.

Les femmes, dans le régime actuel, ne sont ni électrices, ni éligibles. Dans ces dernières années, un important mouvement d'opinion s'est manifesté en France et surtout à l'étranger, en faveur de l'égalité des droits politiques pour les deux sexes. Le rôle social de plus en plus grand joué par les femmes depuis la guerre a contribué à augmenter l'importance de ce mouvement. Dès avant la guerre, l'égalité des droits politiques existait en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Finlande, en Norvège et dans plusieurs États de l'Union américaine. Elle a été réalisée après la guerre dans l'ensemble des États-Unis et dans la plupart des pays européens. La Belgique et la Roumanie se sont bornées à accorder aux femmes le suffrage municipal première étape vers l'égalité complète. La question du vote féminin est actuellement discutée en France, mais non résolue.

RATIQUE
RÉGIME

La qualité d'électeur s'obtient par l'inscription sur la liste électorale de la commune où l'on est domicilié depuis six mois au moins ou dans laquelle on acquitte ses impôts. L'inscription confère le droit de participer à la nomination de tous les corps politiques ou administratifs élus au suffrage direct, Chambre des députés, Conseil général, Conseil d'arrondissement, Conseil municipal. Le vote est direct: le citoyen doit porter lui-même son bulletin dans l'urne et ne peut voter par procuration. Il est facultatif: on n'a pas cru devoir comme en Belgique par exemple édicter des pénalités contre ceux qui s'abstiennent. Le chiffre des abstentions n'est d'ailleurs pas très élevé, du moins dans les élections législatives. Il a atteint son maximum en 1881, où la proportion des abstentionnistes fut de 31 % du nombre des électeurs inscrits, et son minimum 17% aux élections du II mai 1924 où sur 11 070 360 électeurs inscrits, 9191 809 ont voté.

Le vote est personnel : chaque citoyen dispose d'une voix, le célibataire comme le père de famille. Certains projets de vote familial, élaborés au cours de la législature 1919 1924, n'ont pas eu de suite.

Enfin, le vote est secret l'électeur doit, avant de mettre son bulletin dans l'urne, le glisser dans une enveloppe opaque. Cette opération s'accomplit dans un local spécial, l'isoloir, disposé de façon à défendre l'électeur contre les regards indiscrets.

LE MODE
E SCRUTIN

A

L'élection des représentants peut se faire suivant plusieurs systèmes ou modes de scrutin. Les deux principaux sont le scrutin uninominal et le scrutin de liste.

Dans le premier système, chaque circonscription électorale n'a qu'un siège à pourvoir, et le bulletin que l'électeur met dans l'urne ne doit porter qu'un nom. Est élu le candidat qui a atteint la majorité absolue, c'est-à-dire la moitié plus un des suffrages exprimés. Si personne n'obtient la majorité absolue, il y a ballottage. On procède à un second tour de scrutin, à la suite duquel la majorité relative suffit pour déterminer l'élection.

Ce système a été employé pendant longtemps pour les élections législatives. En effet, la loi organique du 30 novembre 1875 stipulait que les députés seraient élus au scrutin uninominal par arrondissement ou fraction d'arrondissement. Sauf une courte ISAAC et CARRÈRE. Instit. act. de la France.

2

interruption, 1885 à 1889- - le scrutin d'arrondissement a été en vigueur de 1876 à 1919. Il est encore en usage de nos jours pour les élections cantonales, destinées à pourvoir aux sièges de conseillers d'arrondissement et de conseillers géné

raux.

Au scrutin d'arrondissement s'oppose le scrutin de liste. Dans ce deuxième système, chaque circonscription a plusieurs députés à élire l'électeur inscrit donc sur son bulletin autant de noms qu'il y a de sièges à pourvoir. L'élection est d'ailleurs soumise aux mêmes règles que dans le cas précédent. Le scrutin de liste est d'usage dans les élections municipales (sauf à Paris, où chaque quartier élit son conseiller). La loi du 16 juin 1885 avait établi le scrutin de liste par département pour les élections législatives, mais la loi du 13 février 1889 a rétabli le scrutin uninominal par arrondissement.

Chacun de ces modes de scrutin a ses partisans et ses adversaires. On fait valoir, en faveur du scrutin uninominal, qu'il a le mérite d'établir des rapports directs entre l'électeur et l'élu: le premier vote en connaissance de cause pour un homme qu'il connaît bien. On peut dire également que, sous le régime du scrutin uninominal, les mouvements brusques et irréfléchis de l'opinion sont éparpillés et tempérés par l'action conservatrice des influences locales. Par contre on reproche à ce mode de scrutin de mettre l'élu dans une trop grande dépendance vis-àvis de l'électeur, de donner plus d'importance aux personnes qu'aux idées, de faciliter enfin les pratiques de corruption et la pression gouvernementale.

LA REPRÉSEN

TIONNELLE

Le scrutin uninominal et le scrutin de liste ont toutefois un caractère commun: l'un et l'autre favorisent

TATION PROPOR- les partis qui détiennent la majorité, car l'un et l'autre, dans une circonscription électorale déterminée, frustrent la minorité de toute représentation. On les appelle pour cette raison des scrutins majoritaires.

On peut soutenir que seul un mode de scrutin majoritaire assure l'existence d'une majorité stable au Parlement. Mais on peut soutenir aussi qu'il est conforme aux principes démocratiques d'assurer à tous les citoyens, à la minorité comme à la majorité, une représentation équitable: c'est à quoi répond le scrutin de liste avec représentation proportionnelle (par abréviation R. P.), ainsi appelé parce que, dans chaque circon

« PreviousContinue »