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tion générale des ponts et chaussées est créée. Elle sera confiée successivement à Cretet (1799), à Montalivet (1806), à Molé (1809) et au baron Costaz (1813). Le 7 fructidor an XII (25 août 1804), le corps des ponts et chaussées reçoit son organisation définitive. Les ressources faisaient défaut. La loi du 24 fructidor an V (10 septembre 1797) avait établi sur toutes les routes un droit de barrière, dont le produit devait être employé exclusivement à leur entretien. Cet impôt malencontreux, qui soulevait les plaintes les plus légitimes et dont les frais de perception absorbaient la majeure partie, était loin de fournir les sommes sur lesquelles on avait compté. Des crédits extraordinaires furent alloués aux routes sur les fonds généraux du Trésor'. Plus tard, quand la loi du 24 avril 1806 vint supprimer définitivement le droit de barrière, elle affecta spécialement le produit de l'impôt du sel aux travaux des ponts et chaussées 2.

Les travaux sont poussés avec une activité inconnue jusqu'alors, et dont on ne retrouve d'exemple qu'à une époque toute rapprochée de nous. Aux réparations, aux restaurations si urgentes ne tardèrent pas à succéder les créations nouvelles. Trois routes sont ouvertes à travers les Alpes celle du Simplon, celle du mont Cenis, celle du mont Genèvre. La fameuse route de la Corniche, entre Nice et Gênes, est entreprise. Gênes est reliée à Alexandrie par-dessus les Apennins, la Spezzia à Parme. De Bordeaux à Bayonne, il y avait à peine un chemin frayé dans la lande; une voie pavée est construite. C'est de l'Empire que date la route d'Anvers à Amsterdam, celle de Wesel à Hambourg, celle de Maëstricht à Wesel.

↑ Dès nivôse an IX (décembre 1800-janvier 1801), un crédit de 12 millions était ouvert pour ce service.

2 Loi du 24 avril 1806, titre VII.

Les ponts de Bordeaux, de Rouen, de Turin, de Tours sont encore un souvenir de l'époque impériale.

Le réseau de nos canaux est l'objet d'études toutes spéciales. Le canal de Saint-Quentin est achevé. Les canaux du Rhône au Rhin, de Bourgogne, de Nantes à Brest, de Niort à la Rochelle, d'Arles à Bouc, sont entrepris. Le port de Flessingue est créé; celui d'Anvers est transformé; l'œuvre gigantesque de Cherbourg est presque terminée. Un énorme arsenal est en voie de construction à l'extrémité de la Hollande, à Nieuw-Dypp. On travaille au Havre, à Dunkerque, à Marseille. Les digues de l'Escaut et du Pô sont consolidées. Les marais de Rochefort sont desséchés. La presqu'île de Perrache est arrachée aux eaux de la Saône pour être réunie à la ville de Lyon.

Napoléon-Vendée, Napoléonville sont créés. Près de cent cinquante millions sont dépensés, dans tout l'Empire, en bâtiments communaux ou départementaux, préfectures, tribunaux, prisons. Fontainebleau, Compiègne sont restaurés. De grands travaux sont projetés à Rome; le Forum de Trajan est dégagé.

La même activité règne et dans le royaume d'Italie et dans les provinces les plus éloignées. La façade de la cathédrale de Milan est achevée. Le canal de Bologne vient abréger le cours du Reno; le canal de Pavie réunit le lac de Côme à l'Adriatique. Des fortifications s'élèvent à Corfou; des routes s'ouvrent à travers l'Illyrie.

Derrière ses ministres, ses directeurs généraux, ses ingénieurs, Napoléon est là qui les presse, qui les pousse, qui les excite. Ce n'était pas seulement en effet les questions législatives qui le préoccupaient. Son esprit ne s'arrêtait pas uniquement aux grandes lignes, et il n'entendait pas se contenter de fixer les principes qui de

vaient présider à son gouvernement; il pénétrait dans le détail des affaires, et, en y apportant son attention, il forçait l'attention de ses ministres. Tous les grands travaux lui sont soumis, et on peut dire qu'il en dirige luimême l'exécution. Un jour, il chargera Prony d'exécuter le canal de Saint-Quentin, et il voudra examiner les projets du savant ingénieur; un autre, il discutera avec Fontaine et Vignon les plans du temple de la Gloire '. A Anvers, à Cherbourg, il ira se rendre compte par luimême de ce qui reste à faire. En 1807, il s'arrête à Venise, et aussitôt il prescrit toute une série de travaux pour appeler à une vie nouvelle cette antique reine de l'Adriatique. En 1808, il passe à Bordeaux, et un décret vient indiquer en quelques lignes les améliorations à entreprendre pour ajouter encore à la splendeur de cette grande cité 2.

La transformation de Paris, cette œuvre à laquelle un autre Napoléon devait attacher son nom, commence sous la direction successive des deux préfets de la Seine, le comte Frochot et le baron Chabrol de Volvic. Le canal de l'Ourcq est ouvert; les halles sont entreprises. Les rues de Rivoli et de Castiglione remplacent les vieux bâtiments du Manége et des Feuillants; les Tuileries sont dégagées d'une partie des maisons qui les entourent; on étudie l'achèvement du Louvre. Les ponts d'Austerlitz, d'Iéna, des Arts sont jetés sur la Seine; les quais sont construits dans presque toute leur étendue. La Bourse s'élève; la façade du Corps législatif est édifiée; l'Arc de triomphe et la colonne de la Grande Armée viennent rappeler d'immortels souvenirs.

Voilà ce qu'a fait l'Empereur, voilà ce qu'il a conçu

1 Depuis la Madeleine.

2 Décret du 25 avril 1808.

et exécuté pendant une lutte de quinze ans contre l'Europe coalisée, dans ces heures de repos qu'il s'accordait entre deux victoires! Voilà quelle a été l'œuvre de celui qui, pour quelques esprits impuissants et bornés, ne fut qu'un destructeur d'empires! Là où les autres conquérants n'ont semé que des ruines, il a laissé des traces immortelles de son passage. Toute cette Europe occidentale qu'il a conquise, domptée, soumise, il l'a remplie des monuments de sa gloire. Aujourd'hui encore, dans la vieille France, comme dans ces provinces qu'il confondait sous un titre ou sous un autre dans son vaste empire, partout on retrouve l'empreinte de sa main puissante: en Illyrie comme à l'extrémité de la Hollande, à Milau comme à Lyon, à Gênes comme à Bordeaux, à Venise comme à Anvers, à Corfou comme à Cherbourg, ainsi que les monuments indestructibles que nous a légués le génie de l'ancienne Rome, l'œuvre de l'Empereur subsiste et défie la rouille des temps!

CHAPITRE V

L'ORGANISATION FINANCIÈRE

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I. Les finances pendant la Révolution.-Les assignats.—Les mandats territoriaux.— Letiers consolidé.—Crédit de l'État et situation du Trésor au 18 brumaire. II. Système financier de l'Assemblée constituante et du Directoire. - Réorganisation de tous les services. Les contributions directes et le cadastre. - Les administrations financières. — Les contributions indirectes. - III. Les receveurs généraux et le service de trésorerie. Le contrôle financier. Les inspecteurs du Trésor et la Cour des comptes.

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- IV. Le ministère des finances et le - V. La Banque de France. - VI. L'indusVII. Progrès de la fortune publique.

I

C'est en quelque sorte un axiome établi que les finances de la France datent de la Restauration, qu'à elle revient l'honneur d'avoir fondé le crédit public, et d'avoir donné au service du Trésor cette régularité, cette précision, cette ponctualité que peut seul assurer, dit-on, le contrôle parlementaire. Loin de nous la pensée de chercher à diminuer l'œuvre des Louis, des Corvetto, des de Villèle : ils ont rendu au pays d'éminents services. Mais quelque désastreuses que fussent les circonstances, la tâche leur était relativement facile. Ils trouvaient une administration tout organisée, qui depuis quinze ans avait été

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