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qu'elle peut apporter dans les transactions relatives au commerce des bestiaux, et par l'influence qu'elle doit exercer sur cette précieuse branche de la richesse agricole.

N'est-ce pas d'ailleurs un très-grand bienfait que d'améliorer la législation, même sur un point secondaire; que de mettre fin aux oscillations de la jurisprudence; que de tarir la source de nombreux procès et de substituer une règle fixe à l'arbitraire?... Tel est le caractère de la loi sur les vices rédhibitoires, tel est l'esprit dans lequel elle a été conçue.

Nous ne nous jetterons pas dans les détails de la loi, nous ne passerons pas en revue chacune de ses dispositions d'ailleurs peu nombreuses; nous voulons seulement constater en quelques mots les modifications principales que le législateur a apportées au système consacré par le Code civil.

Le premier et le principal changement consiste, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, en ce que la loi établit une règle fixe et uniforme, au lieu de renvoyer, comme le faisait le Code, aux usages locaux, aux coutumes, toujours assez difficiles

à constater.

Ainsi désormais, quel que soit le lieu où le marché aura été convenu, l'action rédhibitoire ne sera recevable que dans les cas et dans les délais fixés par les art. 1 et 3 de la nouvelle loi. Plus d'embarras, plus d'incertitude sur la question préjudicielle de savoir si telle ou telle maladie constitue, oui ou non, un vice rédhihitoire; la loi a pourvu à cette difficulté ; elle a déterminé elle-même les cas dans lesquels il y aurait lieu à résolution; il ne faut donc, pour savoir à quoi s'en tenir à cet égard, que se pẻnétrer de sa pensée, et pour cela, il suffit de lire sa disposition, disposition restrictive et non pas énonciative, disposition qu'il faut se garder d'étendre parce que ce serait en détruire le bienfait.

Le second changement qui est à signaler consiste en ce que la résolution pour vice rédhibitoire s'applique maintenant à l'échange comme à la vente. C'est une innovation que l'ancien usage condamne, mais qui est conforme à l'esprit de la loi romaine; d'ailleurs, la raison dit assez qu'il y a même motif pour admettre l'action rédhibitoire dans le premier cas que dans le second: il fallait donc par analogie décider de même dans l'un comme dans l'autre.

Il est une troisième modification que la loi nouvelle a apportée à la théorie du Code civil et qui constitue encore une véritable amélioration. On sait que l'art. 1644 C. C. donnait à l'acheteur deux actions contre le vendeur, l'une par laquelle il demandait la résolution du contrat (c'était l'action rédhibitoire), et l'autre par laquelle il obtenait la réduction de son prix (c'était l'action estimatoire ou quanti minoris): de ces deux actions, la loi nouvelle n'en a conservé qu'une, la première; et quant à

l'autre, elle l'a abrogée comme inutile à l'acheteur, et comme vexatoire contre le vendeur. En effet, il pouvait arriver qu'un acquéreur de mauvaise foi, effrayant son adversaire par la menace d'un procès, n'abusât de ce moyen pour le forcer à une transaction à laquelle sans cela il n'eut jamais consenti. Admettre l'action estimatoire concurremment avec l'action rédhibitoire, c'était ouvrir la porte à des contestations infinies, et par conséquent aller directement contre le but de la loi : c'est pour cela qu'elle a été rejetée.

Tels sont les principaux changements qui méritent d'être signalés dans la loi du 20 mai 1838; l'expérience nous apprendra bientôt si l'on a assez fait pour l'agriculture et pour le commerce par ces innovations, ou si au contraire, comme le prétendent quelques juristes timides, l'on n'a pas eu tort de toucher sans nécessité au Code civil et de sortir du statu quo.

EXPOSÉ DES MOTIFS.

Messieurs, le roi nous a ordonné de vous présenter un projet de loi des tiné à modifier la législation actuelle concernant les vices rédhibitoires dans le commerce des animaux domestiques.

Le Gode civil, en posant dans l'art. 1625 le principe de la garantie du vendeur à l'égard de l'acquéreur, signale entre autres, comme donnant lieu à la garantie, les défauts cachés de la chose vendue, ou les vices rédhibitoires, et dans son art. 1641, il ajoute que les défauts cachés qui donnent ouverture à l'action en garantie sont ceux « qui rendent la chose vendue impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que » l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, » s'il les avait connus. »

Enfin l'art. 1648 déclare « que l'action résultant des vices rédhibitoires > doit être intentée par l'acquéreur dans un bref délai, suivant la nature des » vices rédhibitoires et l'usage des lieux où la vente a été faite, »

Le Code civil ne spécifie done dans les articles précités, ni les défauts cachés qui, dans le commerce des animaux domestiques, peuvent entraîner une action en garantie, ni les délais dans lesquels cette action doit être intentée.

Aussi ses dispositions incomplètes font-elles naître de nombreuses contestations judiciaires. Les tribunaux civils et les tribunaux de commerce sont divisés sur leur application.

Les uns décident que l'art. 1641 doit être exécuté dans sa généralité, nonobstant la nature des vices, la différence des délais et la diversité des usages locaux ; les autres jugent au contraire que le principe général de l'art. 1641 est modifié par les dispositions plus restrictives de l'art. 1648. Enfin, ils ne s'accordent point sur l'interprétation que doit recevoir ce dernier article, ni sur la question de savoir s'il se réfère à l'usage des lieux seulement pour la fixation des délais, ou s'il y renvoie également pour déterminer quels sont les vices rédhibitoires.

Un autre inconvénient, c'est que parmi ces vices dont il est souvent si difficile d'apprécier les caractères, il en est qui, dans certaines localités, sont considérés comme rédhibitoires, et qui dans d'autres n'entraînent aucun

recours.

La durée de la garantic n'est pas moins variable que la nature des vices; elle se modifie suivant les départements, quelquefois aussi suivant les communes limitrophes. La diversité des usages locaux qui régissent les contrats de vente de cette nature donne donc sans cesse lieu à des doutes sur l'étendue qu'ils peuvent avoir ou la sécurité qu'ils peuvent offrir.

On ne peut méconnaître que la législation actuelle ne favorise, par l'incertitude de ses dispositions, la fraude et la mauvaise foi, qu'elle n'apporte ainsi des entraves aux relations commerciales, et qu'en abandonnant aux tribunaux l'appréciation de circonstances aussi diverses, elle ne leur laisse une trop grande latitude pour leurs décisions, et ne substitue souvent l'arbitraire aux principes fixes et invariables qui devraient leur servir de règle. C'est pour remédier aux abus qui résultent de cet état de choses, que le gouvernement a reconnu la nécessité de préparer un projet de loi sur une matière qui intéresse à un si haut degré le commerce et l'agriculture.

A cet effet, dès 1834, une circulaire avait été adressée aux préfets pour leur soumettre plusieurs questions propres à éclairer l'administration sur les usages suivis dans leurs départements, et sur les dispositions qu'il leur paraîtrait utile d'introduire dans la loi qui devait intervenir.

De l'examen des réponses des préfets, comparées aux avis des trois écoles vétérinaires d'Alfort, de Lyon et de Toulouse, qui avaient été aussi consultées, est résulté un projet de loi qui vient d'être communiqué aux conseils généraux et aux conseils d'arrondissement dans leur dernière session. C'est ce projet, modifié d'après les nouveaux documents transmis par soixante-quinze départements, et pour la rédaction définitive duquel nous avons appelé le concours d'hommes spécialement versés dans cette matière, que nous avons l'honneur de soumettre à vos délibérations.

Il a pour objet d'établir une législation uniforme sur la matière, d'énumérer les vices cachés à l'égard desquels l'acheteur doit être garanti par le vendeur, et de fixer les délais dans lesquels ce dernier peut exercer son action, en proportionnant toutefois leur durée à la nature des vices.

L'uniformité de la législation se trouve surtout consacrée par les art. 1 et a du projet.

En admettant le principe de la garantie, reconnu par l'art. 1641 C. C., ils disposent que l'action qui en résulte ne sera plus intentée que pour les mêmes vices et dans les mêmes délais, sans distinction des lieux où les ventes auront eu lieu.

L'art. 1o contientia nomenclature des vices réputés rédhibitoires, et détermine quels sont les animaux dont la vente peut entraîner la garantie.

Mais cette nomenclature devait-elle être limitative, ou ne devait-elle comprendre que les vices qui donnent le plus ordinairement ouverture à l'action rédhibitoire, de sorte que les défauts qu'elle n'aurait pas mentionnés ne fussent pas moins l'objet de cette action en vertu du principe général de l'art. 1641 G. G. ?

Les conseils généraux se sont presque tous prononcés pour que l'application du principe général du Code civil fût bornée aux seuls vices dénom

més dans l'art. 1er du projet. Ils ont reconnu, en effet, qu'étendre au delà ce principe, ce serait multiplier les procès et en accroître les difficultés ; que ce ne serait point parer aux inconvénients qui existent. En effet, les experts seraient appelés, non-seulement à constater l'existence des vices allégués, mais encore à décider si les tribunaux devraient les considérer comme rédhibitoires; les experts de viendraient ainsi appréciateurs de la question de droit, que les juges doivent seuls résoudre.

Pour composer cette nomenclature, il a paru convenable :

1o De ne pas s'écarter du principe des art. 1641 et 1642 C. C., et par conséquent de n'y comprendre que les défauts cachés « que l'acheteur ne >peut reconnaître au moment de la vente, et qui rendent l'animal impropre à l'usage auquel il est destiné, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquis, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; »

D

2o De n'admettre que des vices ou défauts réputés rédhibitoires par les anciens usages et la science vétérinaire, et signalés par la plupart des départements, comme se reproduisant le plus ordinairement dans le com. merce des animaux domestiques.

C'est dans la même pensée, et comme conséquence de l'art. 1er, que l'art. 4 a été inséré dans le projet ; il a pour but de n'autoriser l'action en garantie, dans le cas où l'animal viendrait à périr pendant la durée du délai légal, que si la mort est occasion née par l'un des vices réputés rédhibitoires. Sous ce rapport, l'art. 4 restreint le principe général posé par l'art. 1647 C. C. La nomenclature se divise en quatre catégories, dont chacune concerne des espèces différentes :

La première, le cheval, l'âne et le mulet;

La deuxième, l'espèce bovine ;

La troisième, l'espèce ovine ;

La quatrième, le porc (1).

En énumérant les vices qu'il a paru nécessaire d'admettre dans ces diverses catégories, nous allons exposer les motifs qui nous ont déterminés à les classer dans chacune d'elles.

Dans la première, sont compris :

La fluxion périodique des yeux;

L'épilepsie, ou mal caduc;

La morve;

Le farcin;

La phthisie pulmonaire, ou vieille courbature;

L'immobilité;

La pousse ;

Le cornage chronique;

Le tic sans ustre des dents;

Les hernies inguinales intermittentes;

La boiterie intermittente pour cause de vieux mal.

La fluxion périodique des yeux, qui est généralement incurable, et se termine presque toujours par la perte de la vue, se manifeste par des accès

(1) D'après la loi, le porc n'est plus compris dans la catégorie des ani maux donnant lieu à l'action rédhibitoire.

à longs intervalles, pendant lesquels aucun symptôme ne la signale. C'est par ce motif, qu'en la classant parmi les vices rédhibitoires, il a paru nécessaire de fixer un délai de trente jours, en dedans duquel l'action en garantie' doit être intentée.

Le même délai est accordé dans le cas d'épilepsie on mal cadue, maladie dont les accès, également éloignés par une longue intermittence, peuvent être par conséquent ignorés du vendeur.

Tous les autres vices que nous allons signaler dans la première catégorie, comme dans les trois autres, n'entraîneront qu'un délai de neuf jours. L'expérience a reconnu que ce délai était suffisant. En effet, les défauts dont l'origine est antérieure à la vente se manifestent le plus ordinairement dans un intervalle de neuf jours, et ne peuvent presque jamais se produire dans un délai aussi court par le fait de l'acheteur,

Ainsi la morve, qui est considérée comme incurable, mortelle et même contagieuse, est rédhibitoire, parce qu'elle suppose d'anciennes lésions qui existent toujours avant les symptômes qui la font reconnaître.

Le même motif est applicable au farcin, dont la nature est regardée comme analogue à celle de la morve, et à la phthisie pulmonaire, ou vieille courbature, qui ne peut être constatée souvent qu'après la mort.

L'immobilité, dont le caractère principal est d'empêcher l'animal de reculer, et qui se manifeste quelquefois par des emportements qui le rendent d'un usage dangereux, est mise au nombre des vices rédhibitoires, parce que ses symptômes ne se révèlent souvent qu'après un exercice prolongé, et que les épreuves ordinaires qui précèdent la vente ne sauraient la faire reconnaître.

La pousse, qui épuise les forées de l'animal et abrége la vie, échappe souvent à l'examen attentif, même d'un vétérinaire exercé.

Le projet de loi n'admet que le cornage chronique, qu'il faut distinguer de celui qui résulte accidentellement de certaines maladies aiguës et disparaît avec ces maladies.

Le cornage chronique, qui suppose des lésions préexistantes dans les conduits de la respiration, ne peut être reconnu dans les premiers moments où l'animal est exercé.

Le tic n'est considéré ici comme rédhibitoire qu'autant qu'il ne peut être reconnu à l'usure des dents; il est presque toujours le symptôme d'une affection chronique de l'estomac.

La hernie inguinale intermittente, qui disparaît pendant le repos de l'animal, pour ne reparaître qu'après un travail fatigant, est la seule maladie de ce genre qui, en raison de son intermittence, ait dû être rangée parmi les vices rédhibitoires.

C'est le même motif qui a fait classer dans le projet la boilerie intermittento pour cause de vieux mal, défaut qui se manifeste par intervalles, soit après le repos, soit après le travail.

Deuxième catégorie. Espèce bovine.

Dans cette catégorie sont compris :

1o La phthisie pulmonaire, ou pommelière. Cette maladie, qui offre la plus grande analogie avec la phthisie pulmonaire, ou vieille courbature đụ cheval, a été, par la même raison, admise au nombre des vices rédhibitoires;

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