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fur la qualité bonne ou mauvaife de la viande : ces fortes de ménages ne font bons que pour des pauvres gens, qui n'ont pour fuftenter leur petite famille que leur lait, & qui trouvent plus à propos pour fe le conferver, de facrifier leurs Veaux.

Dans les pays où il fe fait un grand commerce de fromages, on ne s'avife guere de nourrir les Veaux pour en avoir des Vaches, principa lement quand ces fromages fe vendent cherson aime mieux en acheter ailleurs de quatre ou cinq ans qui foient pleines, & qui ne vaudront que vingt ou vingt-quatre livres, que d'élever des Geniffes qui ne fcauroient rapporter du profit qu'à trois ans. Il faut pendant ce temps du fourage, de la peine, tout cela coûte, & fi l'on calculoit à combien cette depenfe monteroit, on verroit qu'achetant des Vaches, comme on a dit, l'argent qu'on met en foin & autre nourriture pour ce bétail, rendroit un plus gros interêt ; ce ménage encore un coup n'eft eftimé que dans les pays où il y a de gras pâturages, & des bois où l'on puiffe envoyer paître les bêtes à cornes.

Mais fuppofons qu'on foit dans un climat propice à élever des Veaux, pour fe conferver quelque race de Vaches qu'on eftime, ou pour en faire des Boeufs pour la charrue, il faut quand ils font fevrez, les garder à part dans de petites pâtures, tandis que leurs meres iront ailleurs aux champs; cela empêche que ces Veaux ne les tetent: on doit auffi les enfermer dans des Etables féparées pour la même raifon, ou bien fans fe donner tant de peine, leur mettre des mufelieres au nez, qu'on leur attache fur le front avec des lizieres de drap, cela ne leur empêche point de brouter l'herbe, & conferve le lait aux Vaches.

Lorsqu'on deftine des Veaux pour nourrir, il les faut choifir beaux, Choix des bien proportionnez à l'ufage auquel on les deftine, & de bon temperam- Veaux pour ment, c'est à dire qu'ils mangent de bon appétit ; car ce n'est qu'en bien nourrir. mangeant que ces animaux s'acquierent une belle corpulence: ces Veaux pour bien faire auront teté deux mois & davantage.

Colum.

6. c. 26.

De Belle.

Forêt. Se

A quatre jours on commence à leur prefenter un peu d'herbes pour les accoûtumer à en manger; ou bien du foin le meilleur qu'il y ait & le plus fin; on les châtre à deux ans : il y en a qui font d'avis qu'on leur faffe cette operation à fix mois, mais c'eft un peu bien rifquer, & il eft à craindre que ces Veaux ne meurent de la douleur qu'ils en reffentent; c'eft donc le veritable temps qu'à deux ans : on doit pour lors les bien nourrir, leur donner du foin, & deux jointées de fon fec chaque jour pen- née. 11. dant quinze jours, & jufqu'à ce que l'appétit leur foit revenu; il y a des perfonnes dont l'employ confifte en partie à châtrer les beftiaux, & qu'on traiter les prend pour cela quand il en eft temps.

crets de

l'Ag. jour

Comment

* Veaux nouvellement

Aprés que l'operation eft faite on frotte la playe de cendre de farment chatrez. & de litarge d'argent mêlée l'une avec l'autre, on s'abftiendra de donner à boire au Veau le jour qu'il eft châtré, & fa nourriture fera mediocre. Trois jours aprés l'operation on levera le premier appareil, puis on frottera la playe d'un onguent fait avec de la térebentine fondue, de la cendre de farment & de l'huile d'olive, le tout bien incorporé & mélé enfemble. L'Automne eft la faifon propre pour châtrer les Veaux, il faut

Herbages de jardin tres-bons

qu'il ne faffe ni trop chaud ni trop froid. Il n'y a que les Veaux qu'on destine pour avoir des Taureaux, qu'on ne coupe point, mais on en Jaiffe peu.

On fe fouviendra donc de bien nourrir les Vaches & leurs Veaux tant aux champs qu'à la maison; un jardin rempli d'herbages eft d'un grand fepour nour- Cours pour la nourriture des Vaches, & l'experience nous le fait voir air les Va- dans les Faubourgs de Paris, où elles ne font nourries que de ceux que ches. les Laitieres admodient dans les marais ou jardins qu'on y cultive avec grand foin; rien n'y eft perdu, feuilles de choux, de poirée & leurs racines avec quantité d'autres; tout cela fert de pâture aux Vaches, qui rendent du lait en abondance. Cet avis doit fervir pour ceux qui ont des Jardins, & qui veulent en tirer un double profit.

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Qu'il faut avoir des Bœufs à la campagne; comment domter les jeunes Baufs,& les gouverner. Choix qu'on en doit faire pour la char ruë. Maniere de les engraisser pour les vendre. Leurs effets dans les alimens.

CA

A été de tout temps que les Boeufs ont été en recommandation à la campagne ; c'est un animal d'un petit entretien, & qui rend beaucoup de profit: les harnois qu'il luy faut font de peu de confequence; il est tres-bon au trait & à la charrue, il cft peu fujet aux maladies, & quand il cft malade il eft aifé à guérir: il vit affez long-temps, & après avoir rendu de bons fervices, on l'engraiffe, puis on le vend aux Bouchers pour en faire de l'argent, à la difference d'un cheval qu'il faut jetter à la voirie, s'il vient par malheur à fe rompre une jambe, à fe caffer une épaule, ou autre partie du corps femblable; un boeuf n'eft point perdu pour cela, on le vend, ou bien on le tue pour la provifion de la maifon quand il y a grand train, & les boeufs remuënt mieux la terre forte que toute autre bête de charrue: toutes ces confiderations doivent exciter ceux qui demeurent à la campagne, & qui veulent mener un labourage, à nourrir de ces animaux.

Comment domter les Baufs & les accoûtumer au joug.

Uand les Veaux font châtrez, & qu'ils font encore jeunes, c'est à

Qdite, dés leur premiere annice, on commence doucement à les appri

voifer, en les flattant de la voix, les careffant de la main, les frottant par tout le corps, jufqu'à l'entre-deux des cuiffes, & leur donnant de temps en temps un peu de fel & du vin ; ces appâts rendent les Boeufs dociles fe laiffant approcher aifément, & leur fait dépouiller ce naturel farouche avec lequel ils naiffent.

Les Veaux que vous destinez pour les ufages champêtres, dit Virgile, doivent

doivent être de bonne heure dreffez au joug, tandis qu'ils font jeunes & dociles, & qu'ils font d'âge à changer; c'est pourquoy on s'y prend de bonne heure, comme on a dit; puis on commence à leur mettre au cou des cordes, & à les attacher ainfi à l'Etable; & lorfqu'ils feront accoûtumez à cette premiere fervitude, prenez-en deux qui foient d'égale force, & de même hauteur, puis les accouplant enfemble, faites-les marcher; qu'ils traînent fouvent des roues feules, enfuite faites-leur tirer une Charrette pefante l'efpace de trente ou quarante pas ; il faut, pour bien faire, que ces jeunes Boeufs ayent deux ans.

Si l'un ou l'autre de ces jeunes Boeufs eft trop fougueux, qu'il ne veuille. pas obéïr au joug, ou que tous les deux fe rendent difficiles à les y accoutumer, vous les prendrez l'un aprés l'autre, & les mettrez entre deux Boeufs foumis depuis long-temps, & de même taille ; en trois jours ces animaux indomtables feront tout dreffez.

Il y en a, pour les accoûtumer feuls, qui les accoûtument peu à peu à endurer le lien, & leur ferrent les cornes, puis qui les lient pendant quelques jours à un pieu, où ils les laiffent jeuner quelque temps; s'ils font fu-rieux, & que, leur fureur fe pafle, on continue à les amadouer avec la main, puis on leur fait tirer quelque fardeau fous le joug pour les éprouver, en leur parlant à l'ordinaire, & leur faifant quelquefois fentir doucement l'aiguillon, mais rarement..

Il y a quelquefois des jeunes Boeufs fi opiniâtres à ne pas vouloir tirer, que quelque précaution qu'on ait prife, ils ne veulent point démordre: de leur opiniâtreté, il faut alors leur donner un peu de l'aiguillon, les animer de la voix ; & fi cela n'y fait rien, on s'arrête, parce que plus on: les battroit, plus ils voudroient fecouer le joug enfuite on leur lie les quatre jambes avec des cordes.fi étroitement qu'ils ne puiffent se relever, & on les laiffe ainfi jufqu'à ce que la faim & la foif fes ayent domté,, ce remede cft plus für que tous les coups qu'on leur pourroit donner.

travail.

C'est ainfi qu'on apprend à domter les Bœufs, & qu'on fçait les fou- Il faut mé mettre au joug, fait pour la charrue ou pour le harnois ; mais qu'on pren- nager les ne garde, quand ils font ainfi dreffez, de ne les point d'abord outrer au jeunes travail; il faut la premiere année fur tout les ménager, fi c'eft à la charrue bœufs au: on leur deftinera les terres les plus legeres, & on ne leur fera faire qu'une demie journée dans les commencemens, crainte de les rebutter ; ce qu'on Vache à dit des Bœufs doit s'entendre auffi des Vaches, qu'on veut accoutumer à la charruë; puis à mefure qu'ils croiffent, on leur donne le travail égal aux autres qui y font faits depuis long-temps..

L

Il faut regler le travail des Baufs felon les faifons.

Es jeunes Boeufs quelques bien dreffez qu'ils puiffent être, ne travaillent pas, comme il faut en toute forte de temps, fur tout quand il faut labourer les terres, qu'il fait trop chaud ou trop froid, que le vent eft trop grand & trop rude, que la nége ou les frimats tombent trop rudement, les jeunes Boeufs ne font leur devoir que nonchalamment.

Durant l'Eté, & au temps des plus grandes chalcurs, il ne faut faire

domter,

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travailler les Bœufs que les matinées & les aprés-dînées, c'est à dire, le ma◄ tin dés la pointe du jour jufqu'à huit heures, & depuis trois heures aprés midi jufqu'à huit. L'intervale de ce temps s'employe à les bien nourrir, & à leur laiffer prendre du repos; le reite de l'année la journée fe fera tout d'une traite, en Hyver d'un foleil à l'autre en Automne & au Printemps, la journée commencera à huit heures du matin, & finira à huit heures du foir.

Il feroit à propos pour le foulagement des Boeufs, qu'on en eût deux paires, l'une qu'on feroit travailler dés le grand matin jufqu'à onze heures, & l'autre depuis midy jufqu'à la nuit; ce feroit une heure que le Valet Laboureur auroit pour goûter & fe repofer, ayant dîné devant le jour. Il faut que tout autre que luy ait la charge de mener & ramener les Boeufs du pâturage, au champ qu'on laboure; cela avance l'ouvrage, cela ménage les Boeufs qui font toujours en bon état, & fatigue un peu à la verité le Valet, mais on n'a qu'à le bien nourrir, il achevera toûjours fort bien fa tâche.

Quelques-uns, pour bien accoûtumer un Boeuf au harnois ou à la charruë, veulent qu'on le faffe au bruit qui peut arriver quand il est attellé, comme par exemple, de luy faire traîner quelque chaînon de charrette, ou bien de le faire au tumulte du monde, afin qu'il ne s'effarouche point quand il en voit, ou de l'accoûtumer aux huées qui peuvent arriver quand il eft fous le joug; car ce ne font pas les premiers qu'on voit prendre l'épouvante en ces occafions, & brifer tout leur harnois.

LE

Devoirs du Laboureur à l'égard des Bœufs.

E Valet qui conduira les Boeufs à la charruë, aura foin de leur fi bien accommoder le joug, qu'il ne les bleffe point dans le travail, ce qu'il préviendra en mettant deffous quelque couffinet de feutre ou d'autre matiere qui foit douce; il vifitera fouvent ces animaux pour voir s'il ne leur furvient point quelque mal, il leur lavera tous les foirs les pieds pour voir s'il n'y a point quelque épine, quelque chicot ou autre chofe qui les leur puiffe bleffer. Il eft bon de prendre des bouchons de paille & de leur en frotter tout le corps, de leur faire bonne litiere, de les étriller un peu le matin, & de leur laver quelquefois la bouche avec du vin tiede, principalement au retour de la charruë, & lorfque les terres qu'ils labourent rendent beaucoup de pouffiere, & fi l'on remarque qu'ils foient dégoûtez à caufe de cela, on leur baffinera la langue avec du vinaigre tiede & un peu de fel. Quand il leur donnera à boire, il pourra tous les huit ou les quinze jours leur donner à chacun dans leur eau deux petites poignées de fel, cela les rend vifs, leur donne de l'appétit, & les garantit des tranchées: on peut fe difpenfer en Hyver de leur en donner, crainte que les alterant trop, ils ne bûffent trop d'eau froide, qui pourroit leur caufer la colique, mais en Eté, & lorfqu'ils travaillent, il n'y a rien à craindre.

ON

Comment nourrir les Baufs felon les faifons.

N nourrit les Boeufs differemment en Eté qu'en Hyver, on les met au vert dans la premiere saison, au lieu que dans l'autre ils vivent au fec, c'est à dire de foin & de paille, & celuy qui a foin des Bœufs doit obferver de ne leur point changer fitôt leur nourriture ordinaire, comme par exemple, de ne leur point trop-tôt ôter l'herbe pour les mettre au foin & à la paille, ni de leur changer de même cette nourriture pour leur donner de l'herbe. Celle qui croît d'abord au Printems n'eft pas affez nourriffante, elle ne fait que paffer dans les intestins, & rend les Boeufs lâches au travail. Il faut donc encore en ce temps là les nourrir de foin cet aliment eft plus folide, & les foutient bien. Il ne faut les mettre à l'herbe qu'environ vers la fin du mois de May, & aux fourages que lorfque les froidures ne permettent plus qu'ils paiffent l'herbe.

Tout l'Eté donc, tout l'Automne,& une partie de l'Hyver les Bœufs feFont menez aux pâturages, ou nourris abondamment d'herbe à la maifon,. & de fourage durant l'autre partie de l'Hyver, & prefque pendant tout te Printems. Ces alimens ainfi donnez à propos, & convenant tres- bien au temperamment des Boeufs, leur fait acquerir un corps robufte & capable de refifter longtemps au travail.

C'eft un avantage pour les Boeufs de les bien établer, & pour cela leur Etable aux Etable doit être bâtie de bon moilon, avec un plancher de pavé ordinaire, Bouts. & qui aille un peu en pente du côté de la Cour, afin qu'il n'y refte que tres-peu d'humidité: elle doit être chaude en Hyver, & pour cela elle doit avoir fes jours fermez, & en Eté ouverts, afin que les Boeufs y refpirent un bon air.

Il y a differentes matieres dont on nourrit les Boeufs hors des pâturages,. on a le foin, les pailles & d'autres fourages mêlez: les pailles different en nature felon la diverfité des grains qui en fortent : la meilleure des pailles, felon un ancien Agriculteur, eft celle de millet, puis la paille d'orge, enfuite celle de froment ; la paille d'avoine, de fegle font encore bonnes, celle d'efpeautre, autrement dit orge quarré, peut paffer en petite quantité, faute d'autre.

Ón tient que les Boeufs mangent avec beaucoup d'appétit la paille d'orge, mais qu'elle ne les entretient pas bien, qu'el e a peu de fubftance, & deffeche ceux qui en mangent beaucoup, il ne leur faut gueres donner de paille d'efpeautre, elle vaut mieux en fumier.

Columelle ordonne à chaque Boeuf par jour un boiffeau de lupins trempez dans de l'eau, ou la moitié de pois chiches trempez de même, avec de la paille en abondance. Le marc de raifin imbibe d'eau leur fert encore de nourriture, on peut leur donner tout fec fi l'on veut, il en a plus de vertu: outre ces alimens il eft bon de les nourrir encore de feuilles feches d'Orme, de Frêne, d'Erable, de Chêne, de Saule & de Peuplier; ils les mangent avec avidité, c'est pourquoy on ne peut en avoir trop bonne provifion.

Il eft difficile de limiter l'ordinaire d'un Boeuf, puifqu'il y en a qui

Colum. 1.6.

c. 3.

Idem.

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