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ceux d'un ancien propriétaire, et que l'acquéreur n'a pas fait transcrire son contrat, ce n'est plus par la date des inscriptions qu'il faut se déterminer, parceque les créanciers du possesseur n'avaient, de même que lui, que des droits incertains et résolubles, droits qui se sont évanouis par l'effet de l'inscription des anciennes Hypothèques.

» En effet, les art. 44 et 45 de la loi du 11 brumaire an 7 donnaient aux possesseurs d'immeubles, réels ou fictifs, le droit de cousolider leurs propriétés et de purger les anciennes Hypothèques par la transcription de leur contrat. Donc, s'ils ne le faisaient pas transcrire, les Hypothèques établies par les anciens propriétaires, conservaient toute leur force et ne perdaient aucun de leurs avantages. C'est ce qui est développé et formellement établi par l'art. 47. C'est donc la transcription seule qui pouvait anéantir les Hypothèques consenties par les anciens propriétaires; jusqu'à ce qu'elle eût lieu, l'immeuble demeurait grevé des anciennes Hypothèques; et par conséquent ces Hypothèques étaient indépendantes de l'inscription des créances nouvelles.

» Sous l'empire des lois anciennes, c'était également une maxime qu'entre créanciers hypothécaires non privilégies, chacun était colloqué à la date de son Hypothèque; cependant cette règle cessait d'être observée, précisément dans un cas pareil au nôtre. Suivant la loi du 11 brumaire an 7, l'acquéreur, avant la transcription de son contrat, n'avait qu'un immeuble grevé d'Hypothèques, et dont la valeur diminuait du montant de la somme hypothéquée. L'Hypothèque de ses anciens créanciers personnels, qu'elle qu'en fût la date, ne pouvait donc l'emporter sur l'Hypothèque plus récente des créanciers du vendeur; à plus forte raison, ceux-là dont l'Hypothèque est postérieure à la vente, ne peuvent-ils pas obtenir la priorité sur les créanciers du vendeur, puisqu'il n'exerce que les droits de l'acquéreur, et que l'acquéreur ne pouvant pas être considéré comme veritable propriétaire avant la transcription de son contrat, les Hypothèques consenties par les anciens propriétaires, sont encore subsistantes ».

Sur ces moyens respectifs, arrêt de la cour d'appel d'Aix, du 15 pluviose an 13, qui, «Attendu que, suivant les dispositions des art. 37, 38, 39 et 43 de la loi du 11 brumaire an 7, les anciennes créances non inscrites dans les trois mois qui ont suivi la publication de cette loi, ne prennent rang que du jour de leur inscription;

» Que c'est donc la date de l'inscription des Hypothèques qui règle l'ordre et le rang entre elles ; et par conséquent, d'un côté, l'inscription de la créance des enfans Lambert n'ayant pas été faite dans les trois mois ; et, de l'autre, cette inscription étant postérieure à celle prise par les créanciers du sieur Paret, celles-ci qui ont la priorité, doivent aussi avoir la préférence »;

Confirme le jugement du tribunal de première instance de Marseille, qui colloque le sieur Andrieux et la dame Bourlier avant les enfans Lambert.

Les enfans Lambert se pourvoient en cassation, et reproduisent les raisons qu'ils ont inutilement fait valoir devant la cour d'appel et les premiers juges. Mais par arrêt du 13 brumaire an 14, au rapport de M. Genevois,

«Attendu que la cour d'appel, en subordonnant absolument à l'inscription le rang qu'a dù conserver l'Hypothèque des demandeurs sur l'immeuble dont il s'agit, loin d'avoir par-là contrevenu à la loi du 11 brumaire an 7, s'est au contraire exactement conformée aux différentes dispositions de cette loi;

«La cour rejette le pourvoi.... ».

L'arrêt de Desfours du 16 fructidor an 13, rapporté ci-devant, art. 14, no. 2, avait déjà jugé la même chose.

II. La disposition de l'art. 39, aux termes de laquelle les droits de privi, lége antérieurs à la loi du 11 brumaire ang, qui ne seraient pas encore inscrits au moment de sa publication, et qui ne l'auraient pas été dans les trois mois suivans, dégénéreront en simple Hypothèque, et n'auront rang que du jour de leur inscription, peut-elle étre opposée au créancier qui ne s'est inscrit que sous le Code civil, par un créancier hypothécaire dont l'inscription a été prise sous le même Code ?

On sait que l'art. 2106 du Code civil n'assujetit l'inscription du privilége du vendeur à aucun délai fatal, et, que, pourvu que ce privilege soit inscrit avant qu'un tiers-acquéreur l'ait valablement purgé, il prime toutes les Hypothèques inscrites antérieurement.

Notre question revient donc à celle de savoir si l'art. 2106 du Code civil est applicable à l'inscription prise sous l'empire de ce Code pour la conservation d'un privilege acquis sous l'ancien régime hypothécaire, et réduit par la loi du 11 brumaire an 7 à la qualité de simple droit hypothécaire, faute d'inscription dans le délai qu'elle avait fixé, mais de la ré

duction duquel à cette qualité aucun créancier hypothécaire n'avait profité sous cette loi pour s'inscrire lui-même ?

Elle doit certainement y être appliquée, si elle peut l'être sans rétroactivité; et cela résulte de l'art. 1er. du Code civil, qui veut que toute loi reçoive son execution à compter du jour où elle est réputée légalement connue. Or, il est de principe (comme on l'a vu à l'article Effet rétroactif, sect. 3, §. 1) qu'il ne peut y avoir de retroactivité dans une loi, qu'autant qu'elle porte atteinte à des droits précédemment acquis.

Ce n'est donc pas faire rétroagir l'art. 2106 du Code civil que de l'appliquer au privilege dont il s'agit, contre des créanciers qui n'auraient acquis aucun droit qui y fût contraire avant que cet article fût publié.

Et c'est ce qui a été jugé dans l'espèce rapportée à l'article Inscription hypothécaire, S. 8 bis, no. 12.

Il s'agissait, entr'autres choses, de l'effet que devait opérer, contre les sieurs Grandjacquet, créanciers hypothécaires qui ne s'étaient inscrits qu'en 1813, l'inscription que la demoiselle de Pillot avait prise en 1806, et renouvelée en 1815, pour la conservation du privilege résultant pour elle d'un contrat de bail à rente de 1735.

Nul doute que la validité du renouvellement fait en 1815 de l'inscription de 1806, ne dût entraîner la priorité de la demoiselle de Pillot pour le capital de sa créance; mais devait-elle l'entraîner également pour tous les intérêts qui en étaient dus?

Cela dépendait du point de savoir si l'inscription de 1806 avait conservé à la demoiselle de Pillot tous les avantages de son privilége originaire, ou si elle ne lui avait conservé que ceux d'une simple Hypothèque.

Si la demoiselle de Pillot ne devait, d'après cette inscription, être colloquée que comme créanciere hypothécaire, elle n'avait droit, suivant l'art. 2151 du Code civil, qu'à trois années d'intérêts; au lieu que, si elle devait être colloquée comme créanciere privilégiée en sa qualité de venderesse, sa collocation devait embrasser tous les intérêts qui lui étaient dus (1).

Le 30 janvier 1818, arrêt de la cour royale de Besançon, qui ordonne qu'elle sera colloquée, tant pour le capital que pour les intérêts de sa créance, comme créanciere privilégiée à la date du bail à rente de 1735,

« Attendu que, pour faire valoir un privi

(1) V. mon Recueil de Questions de Droit, au mot Intérêts, S. 9.

lége, le Code n'exige que l'inscription; qu'il suffit que cette inscription soit faite lorsqu'on exerce le privilége; que cette inscription n'est nécessaire que pour l'exercice du privilege; que, quand elle est faite, le privilége prend le rang que la loi lui accorde comme privilége, sans égard à l'époque des inscriptions; que tel est l'effet de l'art. 2106 du Code civil.....;

» Que le Code ne distingue point à cet égard les contrats antérieurs ou postérieurs à la loi de brumaire; que le privilége étant exercé sous l'empire du Code; et non pas sous celui de la lọi de brumaire, ni contre des tiers qui auraient acquis des droits sous la loi de brumaire, c'est le Code seul qui doit servir de regle pour l'exercice d'un privilége dérivant d'un acensement fait en 1735 ».

Dans leur recours en cassation contre cet arrêt, les sieurs Grandjacquet en ont spécialement critiqué cette disposition. Elle juge (ont-ils dit ) que le privilége du vendeur, acquis avant la loi du 11 brumaire an 7, et inscrit pour la première fois sous le Code civil, n'a pas dégénéré en simple Hypothèque et que le vendeur n'en doit pas moins être colloque, tant pour le principal que pour les intérêts qui en sont dus, au rang que lui donnait son contrat de vente. Mais juger ainsi, c'est violer ouvertement les art. 37 et 39 de la loi du 11 brumaire an 7, d'après lesquels le privilége de la demoiselle de Pillot, qui n'a été inscrit qu'en 1806 et en 1815, ne pouvait être considéré que comme une simple Hypothèque. Vainement l'arrêt dit-il que le privilége a été inscrit sous l'empire du Code civil qui ne détermine aucun délai et ne prononce aucune déchéance, et que c'est par la loi du temps où a été prise l'inscription tendante à le conserver, que doit en être apprécié le mérite. La demoiselle de Pillot serait donc plus favorisée pour avoir pris son inscription après la publication de l'art. 2106 du Code civil, que si elle l'eût prise dans le délai fixé par la loi du 11 brumaire an 7 ! La raison se révolte contre un pareil système.

Mais par arrêt de la section des requêtes, du 16 mars 1820,

« Attendu que les sieurs Grandjacquet n'avaient acquis aucun droit sous l'empire de la loi du 11 brumaire an 7, puisque leur créance ne remonte qu'en 1813; qu'ainsi, ils ne pouvaient se prevaloir que des dispositions du Code civil d'après lesquelles le vendeur a le même privilege pour les intérêts que pour le prix principal de la vente; ce qui suffit pour justifier l'arrêt pour ce qui concerne le privilége accordé à la demoiselle de Pillot....; » La cour rejette le pourvoi..... n.

ART. XVI. Questions sur l'art. 40 de la loi du 11 brumaire an 7.

I. Pour conserver, par une inscription postérieure à cette loi, une Hypothèque qui existait avant sa publication, suffit-il de rappeler dans le bordereau le titre de la créance dont cette Hypotheque tend à assurer l'effet; òu est-il nécessaire, dans le cas où la créance n'était pas hypothécaire par elle-même, d'y rappeler l'acte qui l'a rendue telle ?

J'ai établi dans un plaidoyer, et il a été du jugé par un arrêt de la cour de cassation, 4 thermidor an 12, rapporté dans mon Recueil de Questions de droit, aux mots Succession vacante, S. 1, qu'une telle inscription est nulle, si elle n'indique pas expressément la date du titre qui a rendu hypothécaire la créance qui ne l'était pas dans son principe.

II. Des lettres de ratification ayant été scellées à la charge de l'opposition d'un créancier hypothécaire du vendeur, ce créancier a-t-il pu conserver le rang de son Hypothèque, en prenant, dans le délai fixé par l'art. 37 de la loi citée, une inscription sur le vendeur lui-même ; ou n'a-t-il pas dú pour prendre une inscription sur l'acquéreur qui avait obtenu les lettres de ratifica

cation?

cela

L'art. 40 de la loi du 11 brumaire an 7, porte, comme on l'a vu plus haut, art. 2, que l'inscription des Hypothèques acquises avant la publication de cette loi,sera faite sur la simple représentation de deux bordereaux contenant les indications prescrites par les art. 17 et 21. C'est donc aux art. 17 et 21 que nous devons recourir pour savoir lequel, ou du vendeur, ou de l'acquéreur, le créancier doit désigner dans son inscription.

BITEUR,

Or, l'art. 17, no. 2, et l'art. 21, même no, veulent que chaque inscription contienne les nom, prénom, profession et domicile du Déou une désignation individuelle et spéciale, assez précise pour que le conservateur des Hypothèques puisse reconnaître et distinguer dans tous les cas, l'individu grevé; et ils ajoutent tous deux, no. 3, que l'inscription doit en même temps contenir la date du titre, ou à défaut du titre, l'époque à laquelle l'Hypothèque a pris naissance.

Rapprochons ces mots essentiellement corrélatifs, époque où l'Hypothèque à pris naissance, titre, débiteur, et demandons-nous à nous-mêmes, quel est celui que cette dernière

expression désigne, quel est celui qu'il faut, comme débiteur, nommer dans l'inscription? Si nous écoutons bien ce sens intime qui ne trompe jamais, il nous répondra que c'est celui qui s'est obligé à l'époque où l'Hypothèque a pris naissance; celui qui s'est obligé par le titre constitutif de l'Hypothèque, en un mot le débiteur direct et primordial, tel qu'est, dans notre hypothèse, le vendeur.

La loi n'a pas pu, en disposant ainsi, ne pas se dire à elle-même que très-souvent le débiteur direct et primordial ne serait plus, au moment de l'inscription,propriétaire de l'objet hypothéqué; qu'il l'aurait,dans l'intervalle de son obligation primitive à l'inscription, transféré à un tiers qui lui-même l'aurait transmis à d'autres. Et sans doute en prévoyant ce cas, elle aurait pu exiger que l'inscription désignát, outre le débiteur direct et primordial, le possesseur actuel du bien, surtout si, par des lettres de l'indication scellées à la charge d'une opposition, par une délégation, par une indication de paiement, par une convention quelconque, il avait pris sur lui la charge de l'Hypothèque. Mais ce que la loi eût pu exiger pour ce cas, elle ne l'a pas exigé en effet; elle a par conséquent voulu que, même dans ce cas, le débiteur direct et primordial fut seul nommé dans l'inscription.

Et elle a eu de très bonnes raisons pour le vouloir ainsi : car assujetir le créancier à désigner dans son inscription le possesseur ac

tuel, c'eût été, la plupart du temps, l'exposer à des méprises qu'il n'aurait pas été en son pouvoir d'éviter. Quelquefois, il est vrai, le possesseur actuel eût pu être connu du creancier ; et c'est ce qui serait arrivé singulièrement si le créancier fút précédemment intervenu dans quelque acte par lequel le possesseur actuel se fût chargé hypothécairement de sa créance. Mais aussi le plus souvent, le créancier n'aurait pas su même que l'objet hypothéqué avait changé de mains ; il aurait cru de bonne foi que l'objet hypothéqué était encore dans la possession de son débiteur. Il n'aurait conséquemment pu nommer que son débiteur dans l'inscription.

Et c'est pour ne pas le réduire à l'impossible, et c'est pour ne pas lui faire perdre des droits légitimes, en lui imposant des condiqu'il eût souvent été hors d'état de remplir, que, par une disposition générale et qui, comme telle, embrasse nécessairement tous les cas, elle n'a exigé de lui que la désignation du débiteur direct et primordial.

Quelle raison y aurait-il d'ailleurs d'entendre le mot débiteur dans les art. 17 et 21 de la loi du 11 brumaire an 7, autrement que

dans le premier article de la seconde loi du même jour, celle qui a pour objet les expropriations forcées? L'art. 1 de la seconde loi du 11 brumaire an 7 porte que nul ne peut poursuivre la vente forcée d'un immeuble, qu'en vertu d'un titre exécutoire, et après un inter. valle de trente jours, à partir de celui du commandement qu'il est tenu de faire à son déBITEUR. Eh bien! On a prétendu que, dans cet article, le mot débiteur ne devait s'entendre du debiteur direct et primordial, que dans le cas où l'immeuble était encore en sa possession à l'époque du commandement; et qu'il devait, dans le cas contraire, s'entendre du tiers-acquéreur de l'immeuble affecté à la créance du poursuivant. Mais ce système a été proscrit par la cour de cassation, et voici dans quelle espèce.

Jean-Claude Raymond et Joseph Hibord avaient, sur François Raymond, une créance à laquelle celui-ci avait hypothéqué un im meuble. François Raymond ayant vendu cet immeuble à Jean-Louis Lybord, Jean-Claude Raymond et Joseph Hibord firent un commandement à Jean-Louis Lybord, acquéreur; et à défaut de paiement, l'exproprierent. Jean. Louis Lybord interjeta appel du jugement d'expropriation, et ce jugement fut annulé par la cour d'appel de Grenoble.

Recours en cassation de la part des deux créanciers; mais le 6 messidor an 13, arrêt, au rapport de M. Doutrepont, par lequel,

«Attendu que, selon l'art. 1 de la loi du 11 brumaire an 7, sur les expropriations forcées, nul ne peut poursuivre la vente forcée d'un immeuble, que trente jours après le commandement qu'il était tenu de faire à son débiteur: que, dans l'espèce, le commandement n'a pas été fait au débiteur, mais à Jean-Louis Lybord, qui était détenteur des biens contre lesquels l'expropriation forcée était dirigée, mais qui n'était pas débiteur de la somme due par la succession de François Raymond aux demandeurs; d'où il résulte que l'arrêt dénoncé, loin d'avoir violé la loi, en annulant la vente forcée dont il s'agit, s'y est parfaitement conformé;

» La cour rejette le pourvoi..... »

On objectera sans doute qu'il y a, pour entendre le mot débiteur dans les art. 17 et 21 de la première loi du 11 brumaire an 7, autre ment que dans le premier article de la seconde loi du même jour, une raison toute particulière; que le but de l'inscription hypothé caire, dans le système de la première loi, est de faire connaître au public les Hypothèques qui existent sur les biens de chaque proprie taire, et, par-là, d'empêcher qu'un homme TOME XIV.

de mauvaise foi ne trompe, soit de nouveaux créanciers, en leur hypothéquant des biens déjà grevés au-delà de ce qu'ils valent, soit des acquéreurs, en leur vendant ces mêmes biens comme libres; que la loi suppose donc que le débiteur contre lequel on prend une inscription, est encore propriétaire des biens sur lesquels on s'inscrit; que, s'il ne l'était plus, une inscription prise contre lui, serait sans objet et ne servirait à rien ; que, dans il faut donc, pour remplir le but de la loi, prendre l'inscription contre le posscs

ce cas,

seur actuel.

Mais cette objection ne prouve rien par cela seul qu'elle prouve trop: elle tend en effet à prouver que l'inscription contre le débiteur primordial dépossede, serait nulle même alors que sa dépossession serait ignorée du créancier qui s'inscrit. Et certainement la loi n'a pas eu, elle n'a pas pu avoir une pareille intention.

Il ne faut pas croire au surplus que le but de la loi ne soit pas rempli par une inscription dans laquelle il n'y a de désigné nommément que le débiteur primordial, même dépossédé antérieurement. Il suffit, pour se convaincre du contraire, de réfléchir à la manière dont procède tout homme qui traite avec le possesseur actuel d'un immeuble.

Il s'assure d'abord que cet immeuble lui appartient, et il lui fait pour cela représenter son titre d'acquisition. Ensuite, il apprend par ce titre, ou, si ce titre ne lui dit rien làdessus, il se fait donner des renseignemens qui lui apprennent quels ont été les précédens possesseurs de ce bien. Ces connaissances acquises, il va consulter le registre des Hypotheques; et les tables qui accompagnent chacun de ces registres, lui indiquant les noms des précédens possesseurs, il lui est bien facile de constater s'il existe du chef de ceux-ci, des Hypothèques non encore rayées ni purgées.

Ainsi, nul doute que les inscriptions où ne sont rappelés que les noms de ceux des précé dens possesseurs qui ont originairement contracté la dette pour laquelle ces inscriptions ont été prises, ne soient conformes, non seulement à la disposition littérale des art. 17 et 21 de la loi du 11 brumaire an 7, mais encore à l'esprit général et au vrai système de cette loi.

Ajoutons que cette loi elle-même le décide ainsi textuellement. Elle porte, art. 44, que les possesseurs d'immeubles qui n'auraient pas encore accompli toutes les formalités prescrites par les lois et usages antérieurs pour consolider leur propriété et en purger les charges et Hypothèques, y suppléeront

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par la transcription de l'acte de mutation; et l'art. 47 ajoute : Si la transcription des mutations mentionnées aux art. 44 et 46, n'est faite qu'après l'expiration des trois mois qui suivront la publication de la présente, l'immeuble qui en est l'objet, demeure grevé des charges et HYPOTHÈQUES CONSENTIES PAR LES PRÉCÉDENS PROPRIÉTAIRES avant leurexpropriation, et qui seraient INSCRITES avant cette transcription. Al'égard des rentes constituées, elles demeurent grevées de celles desdites charges et Hypothèques INSCRITES DANS LES DIVERS BUREAUX OU LES PRÉCÉDENS PROPRIÉTAIRES sur lesquels elles n'auraient point été purgées, AURAIENT EU LEUR domicile.

Bien certainement, dans le cas prévu par ces articles, c'est sous les noms, sous les seuls noms des précédens propriétaires, que les Hypothèques consenties par eux doivent être inscrites ; et il n'est nullement nécessaire d'énoncer dans les inscriptions, les noms des possesseurs actuels. Et s'il s'élevait là-dessus le moindre nuage, il serait bientot dissipé par celle des dispositions que nous venons de rappeler, qui indique où doivent être prises, dans ce cas, les inscriptions dont l'objet est de conserver les Hypothèques acquises, avant la publication de la loi, sur des rentes constituées. Ces inscriptions doivent être prises dans les bureaux où étaient domiciliés les précédens propriétaires sur qui les Hypothèques n'ont pas été purgées, et qui par conséquent avait consenti ces Hypothèques, ou en d'autres termes, dans les bureaux où étaient domiciliés les débiteurs directs et primordiaux qui avaient hypothéqué à leurs dettes des rentes constituées dont ils étaient créanciers.

Or, c'est bien là le signe le moins équivoque de l'inutilité dont est, en ce cas, la mention du nom du possesseur actuel dans l'inscription; car on ne doit mentionner dans une inscription, que le nom de celui contre qui on la prend; et il est très constant que, pour prendre inscription sur une rente constituée, il faut s'adresser au bureau du domicile de celui contre lequel on veut s'inscrire. Si donc c'est au bureau du domicile du précédent propriétaire qui a consenti l'Hypothèque, que l'on doit s'adresser pour prendre inscription, il est clair que ce n'est que contre lui que l'on est tenu de s'inscrire; il est clair par consé quent que c'est son nom scul qui doit être enoncé dans l'inscription.

Ainsi, répétons-le sans craindre la plus faible contradiction, dans le cas prévu par les art. 44 et 47 de la loi du 11 brumaire, il n'est pas nécessaire de rappeler dans l'inscription, le nom du possesseur actuel ; il sullit d'y rap

peler le nom du précédent propriétaire' qui a consenti l'Hypothèque, le nom du débiteur primitif avec lequel ou a contracté directement.

Et pourquoi n'en serait-il pas de même dans tout autre cas? Pourquoi n'en serait-il pas de même lorsqu'au lieu d'une ancienne Hypotheque sur une rente constituée, il s'agit d'une ancienne Hypothèque sur un immeuble

réel?

C'est ainsi au surplus que la question a été jugée par la cour de cassation; et voici dans quelles circonstances.

Le 14 juillet 1786, Charles Demaillé vend la terre d'Entrasmes à Jean-Louis Demaille, son frère, moyennant 400,000 livres.

Il meurt quelque temps après; sa succession est abandonnée, et un curateur y est établi. Le 2 septembre 1792, Jean-Louis Demaillé, acquéreur, décède à son tour.

Le 31 juillet 1793, son héritière vend la terre d'Entrasmes à la dame Daumont, moyennant 1,000,000 livres.

La dame Daumont fait afficher son contrat au bureau des Hypothèques.

Le 18 octobre 1793, le curateur à la succession vacante de Charles Demaillé y forme opposition pour le prix de la vente du 14 juillet 1785.

Le 22 nivôse an 2, les lettres de ratification de la dame Daumont sont scellées à la charge de cette opposition.

Dans le courant de la même année et de l'an 3, la dame Daumont paye la totalité de son prix, partie à l'héritière, partie aux créanciers de Jean-Louis Demaille; et laisse en arrière le curateur à la succession vacante de Charles Demaillé.

Le 1 messidor an 6, elle marie sa fille au sieur Soubeyran, et lui constitue en dot la terre d'Entrasmes.

Survient la loi du 11 brumaire an 7.

Le 13 germinal suivant, le curateur à la succession vacante de Charles Demaille prend sur la terre d'Entrasmes une inscription contre Jean-Louis Demaillé, acquéreur primitif de cette terre, pour se conserver l'Hypothèque résultant du contrat du 14 juillet 1785.

Le 13 brumaire et le 15 germinal an 9, le sieur Soubeyran et son épouse s'obligent pour une somme de 162,000 francs qu'ils hypothequent specialement sur la terre d'Entrasmes; et cette obligation est inscrite sur-le-champ.

Le 26 fructidor suivant, le sieur Soubeyran et son épouse vendent la terre d'Eutras mes, au sieur Dumas.

Le sieur Dumas fait transcrire son contrat.

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