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qu'il était obligé de discuter l'immeuble soumis à l'Hypothèque spéciale, avant que d'atta quer les autres biens frappés de l'Hypothè que générale.

Le législateur, en rejetant l'Hypothèque générale du cercle des stipulations conven. tionnelles, a eu plusieurs objets en vue.

1o. Il a voulu prémunir le débiteur contre la facilité avec laquelle il se serait prêté à consentir des Hypothèques générales, sans considérer qu'une semblable Hypothèque nuirait essentiellement, et à son credit, et a l'intérêt général, qui consiste à favoriser les transmissions.

2o. Il a voulu prévenir la cumulation de plusieurs Hypothèques sur le même immeuble, et par suite, les inconvéniens d'une discussion difficile et dispendieuse.

3o. Il a voulu seconder les effets salutaires de la publicité qui se manifeste bien mieux, lorsque les registres désignent tout à la fois et la personne du débiteur et l'immeuble taxativement soumis à l'Hypothèque, qu'il ne pourrait le faire si la désignation de l'Hypothèque errait vaguement sur tous les biens présens et à venir du débiteur.

Les Hypothèques conventionnelles ne sont pas les seules qui soient soumises à la spécialité; la plupart des priviléges, les Hypothèques des légataires sur les immeubles de la succession, le droit de retention sont spéciaux par leur nature, ainsi que nous l'avons remarqué plus haut.

Il n'eût pas été possible d'appliquer la même mesure aux Hypothèques judiciaires et aux Hypothèques légales; mais l'inscription à laquelle ces Hypothèques sont assujéties, n'embrassant que les immeubles situés dans l'arrondissement du bureau des Hypotheques, rend plus facile la reconnaissance des biens frappés de l'Hypothèque, et la rappro che ainsi, en quelque sorte, de la spécialité.

VI2. Un débiteur peut hypothéquer, par le même acte, plusieurs immeubles, il peut même hypothéquer tous ceux qu'il possède: mais, pour remplir le vœu de la loi et la condition de la spécialité, il devra déclarer la nature et la situation de chacun des immeubles.

La déclaration de la situation doit se faire en désignant la commune et l'arrondissement où l'immeuble est situé.

[VI3. Cette manière de désigner la situation de l'immeuble hypothéqué est sans doute la plus ordinaire; mais elle n'est pas prescrite par la loi. On ne pourrait donc annuler, ni une constitution d'Hypothèque conventionnelle, ni une inscription hypothécaire, par

cela seul qu'elles n'indiquent pas la commune dans laquelle sont situés les biens qui en sont l'objet.

Ainsi, vainement critiquerait-on une stipulation d'hypothèque sur une maison située place des Victoires, département de la Seine, sous le prétexte qu'elle ne ferait pas mention de la commune de Paris : elle serait infailliblement jugée valable, parcequ'il est de toute notoriété que la commune de Paris est le seul lieu du département de la Seine où existe une place des Victoires.

Ainsi, un arrêt de la cour d'appel d'Aix, du 13 novembre 1812, a jugé valable une inscription hypothécaire prise par le sieur Guillodon'sur quatre propriétés du sieur Tiburce-Sournin, situées dans la commune Duval, quoique le nom de cette commune n'y fût pas désigné, non plus que dans l'acte de constitution d'Hypothèque, et qu'il y fût dit simplement que le débiteur était né à Duval, arrondissement de Brignoles, propriétaire foncier audit Duval, et que les propriétés qu'il hypothéquait, étaient situées, l'une au quartier de Lami, l'autre, au quartier de Rabian, les deux autres au quartier des Vergers; le tout dépendant du bureau de Brignoles; et il l'a jugée valable,

« Attendu qu'en exigeant, pour la validité des Hypothèques et de leurs inscriptions, la désignation spéciale des immeubles hypothequés, les art. 2129 et 2148 du Code civil n'ont point prescrit une forme sacramentale; ils ont exigé seulement l'indication de cette si tuation, sans exprimer par quels termes elle remplit ou non le vœu de la loi;

» Que de là il suit qu'on ne peut pas dire que l'indication de la commune est toujours absolument indispensable, et qu'il faut juger autrement toutes les fois que l'indication faite sans ce secours, paraîtra cependant satisfaisante et insusceptible de faire naître des

erreurs ;

» Que ce principe a été étendu par la jurisprudence de la cour de cassation dans le cas où il s'agissait de désignations pour lesquelles la loi avait exprimé elle-même les moyens à employer, tels que la désignation du créan cier et du débiteur; quoique le Code ait ordonné de les indiquer par les nom, prénom, profession et domicile, il a été constamment jugé que des équipollences pouvaient être admises, toutes les fois que l'indication omise se trouvait suffisamment suppléée par d'autres expressions ou d'autres circonstances;

"On voit en effet, dans l'acte et dans l'inscription, que ce sont des débiteurs proprié

taires fonciers du Val; ils déclarent en même temps hypothéquer des propriétés situées à tel et tel quartier, le tout dans l'arrondissement de Brignoles;

» Quel doute raisonnable serait-il permis de se faire sur ce point, que les propriétés hypothéquées sont dans la commune du Val?

» Toute équivoque devenait d'ailleurs impossible encore, soit par la désignation de l'arrondissement, soit parcequ'il n'existe dans cet arrondissement qu'une commune sous le nom du Val, soit enfin parcequ'il est constant que les frères Sournin ne possédaient nulle part ailleurs que dans cette commune, des propriétés foncières ».

Un recours en cassation a été exercé contre cet arrêt, mais inutilement; la section des requêtes l'a rejeté le 25 novembre 1813,

«Attendu qu'il résulte de l'état des inscriptions prises au bureau de Brignoles, sur la personne et les immeubles de Tiburce Sournin, négociant du lieu du Val, que l'inscription dont il s'agit, querellée pour défaut d'indication de la commune, porte qu'elle a été prise contre ledit Tiburce Sournin, né audit lieu du Val, propriétaire foncier de ladite commune du Val, arrondissement de Brignoles, sur quatre propriétés désignées par espèces et contenances, situées aux quartiers dénommés ;

» Qu'on ne conteste nullement l'existence desdites propriétés, ainsi qu'elles ont été indiquées aux quartiers dénommés dans la commune du Val ; que l'article est terminé par les mots, le tout dépendant dudit bureau de l'arrondissement de Brignoles; et que l'arrêt constate qu'il n'existe aucune autre commune de ce nom du Val, ni dans le susdit arrondissement, ni dans le département;

» D'où il suit que la cour d'Aix, en décidant que la situation desdites propriétés était suffisamment indiquée, n'a nullement violé les art. 2129 et 2148 du Code civil ».

La même chose a été jugée par un arrêt de la cour supérieure de justice de Liége, dont voici l'espèce.

Le 3 juin 1806, acte notarié par lequel la dame de Wauthier, en empruntant du sieur Fournier une somme de 196,000 francs, lui donne en Hypothèque le sixième indivis qui lui appartient, comme héritière du duc de Looz, dans tous les immeubles provenant de la succession de celui-ci, et notamment dans la terre libre, domaine, cháteau et village de Longchamps. Tous ces biens, y est-il dit, sont situés dans le département de Sambre-et-Meuse, et ils sont dans le ressort du bureau des Hypothèques de Namur; et TOME XIV.

l'acte ajoute : sont compris dans l'affectation hypothécaire ci dessus, les terres, prés, BOIS, étangs, rivières, bátimens ruraux, moulins, usines et toutes dépendances généralement des domaines ci-dessus désignés. Le 12 juillet suivant, le sieur Fournier fait inscrire cette Hypothèque au bureau de Namur; mais le conservateur désigne fort inexactement, sur son registre, les biens qui en sont l'objet.

Le 12 avril 1808, nouvel acte notarié par lequel il est reconnu que, par suite de paiemens faits jusqu'alors au sieur Fournier, la créance de celui-ci est réduite à 52,000 francs; et il y est fait réserve, par le créancier, des droits, actions et Hypothèques résultant en sa faveur de l'obligation du 3 juin 1806, ainsi que de l'inscription prise en conséquence. Pour plus de garantie, la dame de Wauthier y affecte de nouveau son sixième indivis dans tous les immeubles provenant de la succession de son père, consistant en chateaux avec leurs bátimens, parcs et dépendances, bátimens de fermes, métairies, terres labourables, prés, BOIS, forges, etc., situés dans les communes de Denné, Ligny, Velaine et Longchamps, arrondissement de Namur.

En vertu de cet acte, et le 1er. novembre suivant, le sieur Fournier prend une nouvelle inscription sur les biens qui y sont compris, en les désignant dans les mêmes termes, avec déclaration expresse que « cette nouvelle ins»cription ne produira qu'un seul et même » effet avec celle du 12 juillet 1806....; jus» qu'à concurrence de 52,000 francs qui lui » restent seulement dus ».

En décembre 1816, la succession du duc de Looz est partagée entre ses six enfans.

Le 25 mars 1817, le sieur Fournier prend une troisième inscription par laquelle, en renouvelant celles des 12 juillet 1806 et 1er.novembre 1808, il déclare la faire porter spécialement sur « la ferme de Fumal et le bois » nommé des 52 bonniers ou le bois de » Longchamps, situés sur la commune de » d'Huy, tombés au lot de madame de Wauthier ».

Quelque temps après, le bois de Longchamps est vendu ; et dans l'ordre ouvert pour la distribution du prix, l'Hypothèque du sieur Fournier est contestée par les sieurs Thomas et consorts, porteurs d'une inscription postérieure à celles qu'il a prises les 12 juillet 1806 et 1er. novembre 1808, mais antérieure à celle du 25 mars 1817.

Ils soutiennent 10. que l'inscription de 1806 est nulle, faute de désignation suffisante des biens hypothéqués; 20. que, dans tous les

20

cas, elle est périmée, faute d'avoir été renouvelée avant le 12 juillet 1816; 3°. que l'inscription du 1er, novembre 1808 est nulle, parcequ'elle n'indique pas la commune de la situation de Longchamps.

Jugement du tribunal de première instance de Namur, qui, en effet, déclare nulles les inscriptions de 1806 et 1808; et par suite, ordonne que les sieurs Thomas et consorts seront colloqués avant le sieur Fournier.

Mais sur l'appel, arrêt du 13 janvier 1823, ainsi conçu :

«10. L'acte constitutif du 3 juin 1806 a-t-il conféré à l'appelant une Hypothèque valable sur le bois dont le prix est à distribuer ?

» 2o. En cas d'affirmative, cette Hypotheque a-t-elle été conservée au vou de la loi, et par suite doit-elle primer l'Hypothèque réclamée par les intimés ?

» Attendu, sur la première question, que, par l'acte d'obligation du 3 juin 1806, la veuve de Wauthier a déclaré affecter et hypothequer à l'appelant le sixième indivis qui lui appartenait dans les biens ci-après designés, provenant de la succession de feu le duc de Looz Corswarem, son père; savoir...., Go. la terre libre, domaine, château et village de Longchamps et dépendances; qu'en suite l'acte porte: ces biens sont situés dans le département de Sambre-et-Meuse, et ils sont dans le ressort du bureau d'Hypothèques de Namur; et que l'article est terminé par cette clause: sont compris dans l'affectation hypothécaire ci-dessus, les terres, prés, bois, étangs, rivières, bátimens ruraux et toutes les dépendances gé néralement quelconques des domaines cidessus désignés ;

» Attendu qu'il est constant en fait et avoué au procès, que le bois dont il s'agit, est situé, ainsi que la terre de Longchamps, dans le ressort du bureau des Hypothèques de Namur; qu'en 1806, il faisait partie integrante du domaine de ce nom, et qu'il était même connu sous la dénomination de bois de Longchamps; qu'il s'ensuit que ce bois a été suffisamment désigné dans l'acte du 3 juin 1806, encore que la commune où il est situé, n'y soit pas expressément indiquée; en effet, l'art. 2129 du Code civil, en exigeant que l'Hypothéque déclare la nature et la situation des biens affectés, ne prescrit point de termes sacramentels dans lesquels l'indication de la situation doive avoir lieu; il ne prescrit point, surtout à peine de nullité, l'indication de la commune où les biens sont situés; ainsi, cette indication n'est pas nécessaire, alors que, comme dans l'espèce,

l'acte fait assez connaître les biens sur lesquels pèse l'Hypothèque.... ;

» Attendu, sur la deuxième question, qu'en laissant à l'écart l'inscription du 12 juillet 1806, au regard des omissions qu'on lui reproche, il est incontestable que l'acte du 3 juin 1806, qui a servi de base à cette inscription, ne forme qu'un seul et même titre avec l'acte du 12 avril 1808, et que, par consé quent, ces deux actes ont concouru simulta nement et sans division à l'inscription prisc au bureau de Namur, le 1er. novembre 1808; que ce point de fait résulte d'ailleurs du texte même de l'inscription.... ;

» Qu'il suit de ce qui précède, que l'ins cription du 1er. novembre 1808 a été prise cumulativement en vertu des deux actes des 3 juin 1806 et 12 avril 1808, et que, des lors, cette inscription a consolidé et conservé, au profit de l'appelant, tous les droits d'Hypothèque qu'il avait acquis par le premier de ces actes;

» Attendu qu'il résulte de la combinaison de plusieurs des dispositions du Code civil et de procédure, et particulièrement de l'art. 2183, no. 1er. du Code civil, combiné avec les art. 2129 et 2148, §. 5, du même Code, que, lorsqu'il s'agit de la désignation spéciale de certains héritages réunis en un corps de biens, il suffit, pour remplir cet objet, de designer en général le domaine que les héritages composent, avec l'indication du lieu de la situation; que, dans la réalité, le débiteur qui constitue une Hypothèque, et les tiers intéressés à connaître l'objet hypothéqué, sont aussi bien informés de cet objet par la dénomination générale du domaine dont il fait partie, lorsqu'il est situé dans le même arrondissement, qu'ils pourraient l'être relativement à un immeuble particulier, par le rappel de la nature et de la situation de cet immeuble;

» Attendu qu'il résulte aussi de la jurispru dence actuelle, que les équipollences peuvent être admises en cette matière, toutes les fois que l'indication omise se trouve suffisamment suppléée par d'autres expressions ou d'autres circonstances;

» Attendu qu'en appliquant ces principes à l'espèce, il en résulte que, si l'inscription du 1er. novembre 1808 n'indique pas en termes exprès la commune de d'Huy, où le bois en question est situé, il suffit néanmoins qu'il soit désigné de manière à ne pouvoir induire aucun tiers en erreur;

» Attendu que cette inscription et celle du 12 avril 1806, à laquelle il se rattache, font peser l'Hypothèque de l'appelant et sont

dirigées sur le sixième indivis dans tous les biens immeubles de la succession du duc de Looz-Corswarem; que les bois sont nominativement compris dans l'énumération des biens que renferment lesdites inscriptions; que d'ailleurs le bois dont il s'agit, faisait partie intégrante du domaine de Longchamps et portait la même dénomination que lui; qu'au surplus, il est situé dans une commune qui ressortit au même bureau des Hypothèques que la terre et commune de Longchamps; qu'enfin, il est évident que les communes énumérées dans l'inscription, ne sont autres que celles de la situation des domaines affectés; qu'elles n'ont aucun rapport à des objets particuliers, et qu'elles n'ont été indiquées que pour satisfaire à la condition de la specialité voulue par la loi, et nullement pour restreindre l'Hypothèque aux seuls biens compris dans leur territoire; que, dans cet état de choses, les tiers intéressés ayant été, par le contexte même de l'inscription, suffisamment avertis et mis à portée de prendre les éclaircissemens convenables, pour connaître les biens soumis à l'Hypothèque de l'appelant, n'ont pu en souffrir aucun prejudice; et que, dès lors, il a été satisfait au vœu de la loi sur la spécialité et publicité des Hypothèques ;

>> Attendu que l'inscription du 1er novembre 1808 a été régulièrement renouvelée au bureau des Hypothèques de Namur, le 25 mars 1817, et qu'elle est antérieure à celle des intimes qui ne date que du 3 janvier 1811; >> Par ces motifs, la cour met l'appellation et ce dont est appel au néant; emendant, déclare que l'appelant avait acquis un droit d'Hypothèque valable sur le bois dont il s'agit, par l'acte du 3 juin 1806, et que ce droit a été légalement conservé par les inscriptions des 1er. novembre 1808 et 25 mars 1817; en conséquence, ordonne que ledit appelant sera colloqué sur les deniers à distribuer à la date du 1er. novembre 1818 par préférence aux intimés ».

Si la désignation de la commune dans laquelle sont situés les biens hypothéqués, n'est pas rigoureusement nécessaire, soit dans l'acte constitutif d'une Hypothèque conventionnelle, soit dans l'inscription prise en conséquence, à plus forte raison ne peut-on pas exiger, à peine de nullité, celle de l'arrondissement dont cette commune fait partie ; et c'est ce qu'a jugé un arrêt de la cour d'appel de Caen, du 15 janvier 1814,

« Attendu 1o, que Picton a déclaré hypothequer sa terre du Billot, située aux communes de la Ventrouse et de l'Hosme, avec dé

signation des diverses espèces de biens qui la composent ;

» 2o. Qu'aucune disposition de loi ne prescrit d'indiquer l'arrondissement où sont situés les biens, lequel d'ailleurs est nécessairement connu par l'inscription qui doit être faite au bureau de la situation des biens;

» 3°. Que le défaut d'indication de l'arrondissement ne pourrait causer de confusion et de méprise, que dans le cas où le débiteur posséderait des biens dans deux communes du même nom situées dans des arrondissemens différens fait qui n'est pas articulé dans la cause (1) ».

A plus forte raison encore ne pourrait-on pas annuler une inscription sous le prétexte d'une erreur dans l'indication de la commune où les biens sont situés, si cette erreur avait été occasionnée par un concert frauduleux entre le débiteur qui a consenti l'Hypothèque et le créancier qui en demande la nullité.

C'est ce qu'a jugé un arrêt de la cour royale de Dijon, du 5 août 1819, fondé en outre sur la circonstance que le domaine dont il s'agissait, avait été désigné, tant dans l'acte constitutif d'Hypothèque que dans l'inscription, par le nom sous lequel il était connu dans le pays; et cet arrêt a été maintenu par la cour de cassation, section des requêtes, le 6 février 1821,

Attendu que la cour royale de Dijon a jugé, en fait, et d'après les localités qu'elle avait le droit d'apprécier, que, soit dans l'acte constitutif de l'Hypothèque, soit dans l'inscription prise en conséquence, le domaine hypothéqué était suffisamment désigné de maniere à prévenir toute erreur, ce qui suffisait pour remplir le vœu de l'art. 2129 du Code civil;

» Attendu, en outre, que, s'il pouvait rester quelque doute sur ce point, la cour royale de Dijon a constaté que l'erreur sur le nom de la commune riève laquelle était situé le domaine hypothéqué, aurait été occasionnée par le dol et la fraude des sieurs Boitard père et fils; que le dol et la fraude font exception à toutes les règles ; que, dės lors, ce scul motif suflirait pour justifier l'arrêt attaqué (2) ». ]]

VI1. Quant à la nature de l'immeuble, on entend communément par cette expression, l'état de la superficie. Le législateur y a attaché ce sens : et ce qui le prouve encore mieux, c'est l'expression différente, mais

(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 15, page 336.

(2) Journal des audiences de la cour de cassation, année 1821, page 557.

plus significative encore, dont il s'est servi dans l'art. 2148, qui règle les formalités de l'inscription, et met au nombre de ces formalités la désignation dubien hypothéqué. L'inscription, est-il dit au no. 5 de cet article, doit contenir l'indication de l'espèce et de la situation des biens sur lesquels le créancier entend conserver son privilége ou son Hypothèque. Les espèces, quand il s'agit d'immeubles, ne peuvent être différenciées que par les surfaces. Ainsi, les bâtimens, les cours, les prés, les bois, les vignes, les terres labourables, les terrains incultes forment les diverses espèces d'immeubles. Il faut donc désigner l'immeuble hypothéqué par sa situation et par sa nature ou son espèce, c'est-à-dire, par l'état de sa superficie.

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[[ Dès qu'aux termes de la loi, l'immeuble hypothéqué doit être désigné, non-seulement par sa situation, mais encore par sa nature ou son espèce, il paraît bien clair que la désignation en est insuffisante, si l'on se borne à dire que l'on hypothèque tous les biens que l'on possède dans telle commune (1).

Et c'est effectivement ce qu'a décidé, dans l'espèce suivante, un arrêt de la cour de cassation, qui a en même-temps jugé une autre question d'un assez grand intérêt.

Le 17 germinal an 7, Claude Bertail souscrit, au profit d'Antoine Courbon, une obli gation notariée, à l'exécution de laquelle il affecte tous ses biens présens qui sont situés dans la commune de Saint-Genest.

En conséquence, Antoine Courbon prend une inscription hypothécaire sur ses biens, et notamment sur un corps de domaine, au lieu de Lacombe, même commune.

Depuis, Jérôme - Marie Vinoy, devenu créancier de Bertail, prend sur ces mêmes biens une inscription parfaitement régulière. Quelques temps après, un procès-verbal d'ordre est ouvert sur le prix de ces biens.

Vinoy pretend que l'inscription de Courbon est nulle; et le 20 frimaire an 12, le tribunal civil de Saint-Etienne le juge ainsi.

Sur l'appel de Courbon, arrêt de la cour de Lyon, du 21 août 1807, qui déclare son inscription valable, << soit parceque la stipu»lation d'Hypothèque consentie à son profit » par le contrat du 17 germinal an 7, est spé»ciale, les biens qui en sont frappés étant cir» conscrits dans une même commune par le >> titre consecutif, soit parceque l'inscription »prise sur ses biens par Courbon a fait con

(1) Ce qui suit jusqu'au no. VI5 exclusivement, est, dans la quatrième édition, placé sous les mots Inscription hypothécaire, S. 6, 19. 12.

» naître, à ceux qui ont pu contracter ulté»rieurement avec Bertail, les biens qu'il » avait précédemment hypothéqués ".

Mais Vinoy se pourvoit en cassation ; et le 20 février 1810, arrêt, au rapport de M. Babille, par lequel,

« Vu l'art. 4 de la loi du 11 brumaire an 7; >> Et attendu que, d'après cet article, il n'y a d'Hypothèque vraiment spéciale, que celle qui désigne, non seulement la situation, mais encore la NATURE des immeubles affectés à cette Hypothèque; et que, par ce mot nature, la loi entend la superficie de ces immeubles, c'est-à-dire, le mode de leur exploitation; en sorte qu'elle exige la désignation des bátimens, cours, jardins, terres, incultes, etc., si telle est la nature des immeubles hypothéqués;

» Attendu que, d'après un certificat produit par le défendeur lui-même, les immeubles hypothéqués par Bertail à Courbon, consistent en batimens, terres labourables, prés, champs, hermes et bois de haute-futaie; qu'en partant de la consistance de ces immeubles, l'Hypothèque accordée par Bertail à Courbon par obligation notariée du 17 germinal an 7, devait, pour remplir le vœu de la loi, désigner ce mode d'exploitation; et qu'au lieu de désigner ainsi dans cette obligation les immeubles qu'il hypothéquait, Bertail s'est contenté d'annoncer qu'il affectait à cette hypotheque tous ses biens présens qui sont situés dans la commune de Saint-Genest, sans autre détail; et qu'une semblable désignation n'indiquait pas, comme le voulait la loi, la nature des immeubles que Bertail hypothéquait;

» D'où il suit que cette Hypothèque n'était pas spéciale dans le sens de la loi, et qu'en la tenant pour telle, et la déclarant valable, l'arrêt attaqué a évidemment violé l'art. 4 ci-dessus cite;

» Attendu qu'en regardant ensuite ce défaut de spécialité comme suffisamment réparé par la publicité donnée depuis à cette Hypotheque au moyen de l'inscription prise, et qui aura donné suffisamment à connaître à ceux qui ont traité ultérieurement avec Bertail, quels étaient les immeubles précédemment hypothéqués, et quels étaient par conséquent ceux hypothéqués à Courbon; l'arrêt attaqué a supposé nécessairement qu'à défaut de spécialité, la publicité suflisait; que, par cette supposition, cet arrêt s'est élevé contre le systeme général du régime hypothécaire ; qu'en effet, ce système est de faire reposer l'Hypothèque conventionnelle sur une double base, savoir, la spécialité et la publicité, et de faire concourir simultanément l'une et l'autre, de manière que la publicité est insuf

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