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fisante, si elle n'est pas accompagnée de spécialité, comme la publicité est de nul effet, et doit être regardée comme non avenue, si elle n'est pas elle-même appuyée sur la spécialité ;

» Attendu que si, l'inscription prise effectivement par Courbon, en vertu de l'obligation susdatée, peut être considérée comme régulière et conforme à la loi, il en résulterait bien que son Hypothèque est devenue publique ; mais il n'en serait pas moins certain que cette Hypothéque n'est pas spéciale, et manque par conséquent de l'une des deux grandes bases du régime hypothécaire;

» D'où il suit encore que la considération subsidiairement prise par l'arrêt attaqué, de la publicité donnée à cette Hypothéque, aurait illégalement servi de second motif à cet arrêt, pour déclarer, comme il l'a fait, valable l'Hypothèque dont il s'agit, déjà nulle irrévocablement par le seul défaut de la spécialité requise par la loi comme base premiere et principale de l'Hypothèque; en sorte que, même sous ce rapport, l'arrêt a encore violé la loi ;

>> Par ces motifs, la cour, après en avoir delibéré en la chambre du conseil, casse et annulle l'arrêt rendu le 21 août 1807, par la cour d'appel de Lyon.... ».

Cet arrêt juge, comme l'on voit, de la manière la plus positive,

Et que l'on ne peut pas réparer par le bordereau de l'inscription hypothécaire, l'insuffisance de la désignation qui, dans le titre constitutif de l'Hypothèque conventionnelle, est faite de l'espèce des biens hypothéqués;

Et que l'espèce des biens hypotheques n'est pas suffisamment désignée par l'énonciation que l'Hypothèque frappe sur tous les biens que le débiteur possède dans telle commune.

Il est d'ailleurs à remarquer que, sur ce second point, l'arrêt dont il s'agit, n'est pas le seul qui juge de la sorte, et qu'il ne fait, à cet égard, que renouveler la décision déjà consignée dans un arrêt que la même cour avait précédemment rendu dans une espèce qui devait être jugée d'après la loi du 11 brumaire an 7, quoique celle-ci en prescrivant, comme l'art. 2148 du Code civil, la désignation spéciale de la nature et de la situa. tion des biens hypothéqués par convention, n'y ajoutat pas expressément, comme l'art. 2129 du Code civil, la peine de nullité.

Dans le fait, le 4 frimaire an 9, acte notarié par lequel le sieur Cousinet accorde au sieur Delhon Hypothèque sur tous ses biens, situés dans les communes de Pinsaguet et de Roque.

Le 3 prairial suivant, autre acte notarié par lequel il accorde au sieur Molles Hypotheque sur une maison et jardin, et deux arpens et demi de vignes en quatre pièces qu'il possède à Pinsaguet, sous l'arrondissement du bureau de Muret.

Le 9 du même mois, le sieur Delhon prend, en vertu du premier de ces titres, une inscription au bureau de Muret, sur tous les biens du sieur Cousinet, situés dans les communes de Pinsaguet et de Roque, arrondissement de ce bureau.

Et le 24 du même mois, le sieur Molles s'inscrit, en vertu du second titre, sur les immeubles hypothéqués à sa créance, en les désignant dans les mêmes termes que le fait ce titre même.

Question de savoir qui, du sieur Delhon ou du sieur Molles, doit être préféré dans l'ordre du prix de ces immeubles.

Le sieur Molles convient que, si l'Hypothèque du sieur Delhon était valablement constituée et régulièrement inscrite, elle devrait primer la sienne à raison de la priorité de son inscription; mais il soutient qu'elle n'est ni valablement constituée, ni régulièrement inscrite, parce que ni l'acte du 4 frimaire an 9 ni l'inscription du 9 prairial suivant ne désignent, comme l'exigent les art. 4 et 17 de la loi du 1 brumaire an 7, la nature et la situation des biens hypothéqués.

Le sieur Delhon répond que ni l'art. 4 ni l'art. 17 de la loi du 11 brumaire an 7 ne portent la peine de nullité; que d'ailleurs si son titre et son inscription ne signalent pas nommément comme hypothéqués à sa créance, les immeubles de la distribution du prix desquels il s'agit, s'il n'y est pas dit en termes exprès qu'ils consistent en maison, jardin et pièces de vignes, cela se sous-entend assez de soi-même, s'agissant d'immeubles situés à la campagne, dans une même commune, et qui constituent, par leur destination, un même corps de biens.

Jugement du tribunal de Muret qui, adoptant ces moyens de défense, déclare valables l'Hypothèque et l'inscription du sieur Delhon; et le 17 juillet 1806, arrêt de la cour d'appel de Toulouse qui confirme ce jugement.

Mais le sieur Molles se pourvoit en cassation, et le 23 août 1808, au rapport de M. Gandon, arrêt qui casse celui de la cour de Toulouse. Le texte en est rapporté dans mon Recueil de Questions de Droit, aux mots Inscription hypothécaire, S. 5.

Voilà donc deux arrêts de cassation qui, conformément à la doctrine professée ici par M. Tarrible, décident formellement qu'hy

pothéquer les biens que l'on possède dans telle commune, ce n'est pas indiquer suffisamment la nature de ces biens, et que l'inscription prise en conséquence dans les mêmes termes, est nulle.

Et cependant la cour de cassation elle-même a depuis maintenu deux arrêts de cours roya les qui avaient jugé le contraire.

Le 12 thermidor an 8, acte notarié par lequel le sieur Allard Hypothèque spécialement au sieur Labeaume les immeubles qu'il possède sur le territoire de la commune de la Côte-St.-André, consistant en bâtimens, vergers, terres, vignes et bois de la contenance d'environ trente-sept terrées.

En vertu de cet acte, le sieur Labeaume prend, en 1810, une Inscription sur tous les biens appartenant au sieur Allard, situés dans la commune de la Côte-Saint-André.

Dans la suite, ces biens sont vendus; et le sieur de Lestra, créancier inscrit postérieurement au sieur Labeaume, prétend que l'inscription de celui-ci est nulle, faute de l'énonciation de l'espèce des biens hypothéqués.

Cette prétention, accueillie d'abord par un jugement du tribunal civil de Vienne, est rejetée par un arrêt de la cour royale de Grenoble, du 22 juillet 1817,

« Attendu que, si l'art. 2148 du Code civil exige que l'Inscription de l'Hypothèque indique l'espèce et la situation des biens, il ne prescrit point de termes ou de formalités sacramentels, sans lesquels cette inscription ne puisse être parfaite, et que par conséquent la décision sur le point de fait si la designation et l'indication des immeubles est suffisante, est tout entière dans le domaine du juge;

» Attendu, dans l'espèce, que l'inscription du sieur Labeaume remplit suffisamment le vœu de la loi, en exprimant qu'elle est prise sur tous les biens d'Allard, situés à la CôteSaint-André, lesquels, d'après l'acte de constitution d'Hypothèque, consistaient en batimens, vergers, prés, terres, vignes et bois;

» Attendu qu'il en serait autrement, s'il ne s'était agi que de quelques articles d'immeubles parmi ceux qu'Allard possédait à la Côte-St.Andre; que, dans cette hypothese, il aurait fallu indiquer, non-seulement la situation, mais encore l'espèce ou la nature des immeubles, et cela pour prévenir toute erreur, toute équivoque, dans le cas de nouvelles constitutions d'Hypothèques de la part d'Allard; mais qu'en faisant porter l'Hypothèque du sieur Labeaume sur tous les biens ou immeubles qui étaient en la possession d'Allard en la commune de la Côte-St.-André, c'est avoir exprimé de la manière la plus claire, la

plus précise, que cette Hypothèque, quoique spéciale, portait sur tous les bâtimens, vergers, prés, terres, vignes et bois d'Allard, situés dans la commune de la Côte-St.-André, sans exception; c'est avoir donné des renseignemens suffisans pour éclairer quiconque aurait voulu contracter avec Allard; c'est avoir rempli le but du législateur; aussi n'existe-t-il aucune plainte de la part de ceux qui se sont inscrits après le sieur Labeaume, d'avoir été induits en erreur par les termes de son inscription ».

Le sieur Delestra se pourvoit en cassation contre cet arrêt, mais inutilement : par arrêt contradictoire, du 6 mars 1820, la section civile rejette son recours, « Attendu que l'ar» rêt attaqué a reconnu que l'inscription dont » il s'agit, renfermait implicitement la mention » prescrite par la loi ; et qu'il est d'ailleurs >> certain qu'aucun tiers n'a pu être induit en » erreur par les termes de cet acte, ni en » souffrir prejudice, et par conséquent que » cette inscription remplit le vœu de la » loi (1) ».

L'espèce suivante offre quelque chose de plus étonnant encore.

Par acte notarié du 20 mai 1813, les sieur et dame Chaire affectent aux sieur et dame Boula de Nanteuil tous les biens situés dans les communes de Soignoles et autres communes environnantes, canton de Brie, arrondissement de Melun, département de Seine-et-Marne; et en conséquence, le 3 août 1815, les sieur et dame Boula prennent une inscription sur ces biens avec les mêmes désignations.

Ces biens sont vendus quelque temps après; et dans l'ordre ouvert pour en distribuer le prix, le sieur Rebut, créancier regulierement inscrit postérieurement aux sieur et dame Boula, soutient que leur inscription est nulle de deux chefs, 10. parcequ'elle est, ainsi que le titre constitutif de l'hypothèque qu'elle tend à conserver, muette sur la nature des biens qui en sont l'objet, 2o. parcequ'à l'égard de ceux de ces biens qui sont situés hors de la commune de Soignoles, elle n'en indique la situation que d'une manière vague.

Le 8 avril 1819, jugement du tribunal de première instance de Melun qui en effet annulle cette inscription,

« Attendu que, suivant l'art. 2129 du Code civil, il n'y a'd'Hypothèque conventionnelle valable que celle qui, soit dans le titre constitutif, soit dans les actes postérieurs,

(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 20, page 173.

déclare spécialement la nature et la situation des immeubles sur lesquels le débiteur consent l'Hypothèque, disposition qui, en d'autres termes, exprime que l'Hypothèque est nulle sur les biens qui ne sont pas désignés de la manière qu'elle prescrit ;

» Attendu que, soit que l'on consulte la nature de l'Hypothèque qui, vrai gage dans son origine, est toujours restée la fiction d'une mise en gage, soit que l'on se reporte aux motifs d'ordre public et d'intérêt privé qui s'élevaient depuis long-temps contre les Hy. pothèques générales, tout concourt, non pas sans doute pour justifier le système de spécialité consacré par l'art. 2129 du Code civil, puisque quand la loi a parlé, elle n'a plus besoin de justification), mais pour faire sentir l'importance du maintien de cette base essentielle et constitutive du régime hypothécaire ;

» Attendu que le texte de l'art. 2129 devient plus impérieux encore, lorsqu'on le rapproche de l'art. 4 de la loi du 11 brumaire an 7, qui n'exigeait pas une désignation si précise des biens, et qui d'ailleurs ne prononçait pas la peine de nullité que contient aujourd'hui l'art. 2129, et lorsque surtout on réfléchit que cet article a eu pour objet de résoudre plusieurs difficultés auxquelles avoit donné lieu la loi de brumaire ;

» Attendu que si, dans l'espèce, on rappro che la désignation des biens hypothéqués, et qui est ainsi conçue: sur tous les biens situés dans la commune de Soignoles et autres environnantes, canton de Brie, arrondissement de Melun, département de Seine-etMarne, que si l'on rapproche cette désignation de chacun des immeubles hypothéqués, qui est prescrite par la loi, il est impossible de ne pas être frappé de l'insuffisance de la designation portée dans la constitution Hypothécaire; qu'en effet, dire seulement sur tous les biens situés dans telle commune et communes environnantes, c'est, si l'on veut, apprendre aux tiers la situation des immeubles, quoiqu'à l'égard de l'expression environnantes, il y ait beaucoup à dire; mais ce n'est pas indiquer la nature des immeubles, d'après l'art. 2129, ni leur espèce, d'après l'art. 2148, puisqu'il est bien constant que ces expressions n'indiquent pas l'état ou la superficie, comme si elle consiste en maisons, terres, vignes, bois; que, d'ailleurs, la même désig. nation est nécessaire pour chacun des immeubles, suivant l'expression de l'art. 2129, expression qui, s'il est vrai qu'elle puisse s'entendre d'un corps de domaine et d'exploitation dont les parties forment un tout

distinct et indivisible (1), ne paraît pas applicable au cas où, comme dans l'espèce, il ne s'agit que d'immeubles qui ne forment pas eux-mêmes un corps d'exploitation distinct et séparé en dehors, sans qu'il soit besoin de s'instruire de la désignation de la nature ou de l'espèce de chaque objet en particulier, il est nécessaire du moins qu'il ne puisse pas s'élever de doute sur leur affectation bypothécaire ;

» Attendu que c'est en vain que l'on objecte que l'Hypothèque sur tous les biens situés dans la commune de Soignoles et autres environnantes, comprend nécessairement tous et chacun des biens du débiteur dans lesdites communes, et, que, dès-lors, il n'y a pas d'erreur; qu'en effet, outre que cette objection aurait pour objet de faire le procès à la loi qui exige une designation plus précise, elle se trouve réfutée par le texte même de l'art. 2129, qui, dans le cas même où le débiteur veut hypothéquer tous ses biens présens, exige que chacun de ces biens soit nominati. vement hypothéqué, encore bien que, dans ce cas comme dans celui dont il s'agit, il soit vrai de dire que l'Hypothèque comprend tous et chacun des biens du débiteur, et que les tiers qui contractent postérieurement, ne peu. vent être trompés sur la désignation ».

Un jugement aussi solidement motivé paraissait à l'abri de toute atteinte; cependant il a été réformé par la cour royal de Paris, le 23 février 1820, « Attendu que l'uniqne in»tention de la loi, en exigeant que la nature » et la situation des biens hypothéqués fussent » spécifiés tant dans les constitutions que » dans les inscriptions, a été que l'objet hy » pothéqué fût bien connu et si clairement dé» signé qu'on ne pût s'y méprendre; que, » dans l'espèce, il ne pouvait pas y avoir lieu » à équivoque; que, la dénomination gene» rale, nos biens situés dans la commune de » Soignoles et autres environnantes, ren» ferme l'universalité des ces biens, et qu'un » détail indiquant chacun d'eux par mesure et » qualité, serait superflu; que le mot environ»nantes, avec la limitation qui suit, dans » le canton de Brie, déterminait également » d'une manière précise toutes les communes » limitrophes qui ne seraient pas d'un autre » canton ».

Et vainement le sieur Rebut s'est-il pourvu en cassation, en se fondant sur les motifs du jugement de première instance. Son recours a été rejeté par la section des requêtes, le 28 août 1821,

(1) Comme dans l'espèce rapportée au no. suivant.

« Attendu que, si les art. 2129 et 2148 du Code civil exigent, l'un la désignation de la nature et de la situation des biens hypothéqués, l'autre l'indication de l'espèce et de la nature des biens sur lesquels l'inscription est prise, il faut aussi convenir que l'objet de ces articles est principalement que le tiers trouve, soit dans le titre qui constitue l'Hypothèque, soit dans l'inscription hypothécaire, tout ce qu'il est intéressé à connaître pour fixer sa détermination sans pouvoir être induit en erreur, et que le but de la loi est atteint toutes les fois que cet objet est rempli par les actes ci-dessus;

» Attendu que, dans l'espèce, il a été reconnu, par l'arrêt attaqué, que le titre constitutif de l'Hypothèque des sieur et dame Boula, et l'inscription qu'ils ont prise, remferment d'une manière assez précise l'indica tion des biens qui leur étaient hypothéqués; qu'il est également reconnu qu'aucun tiers n'a pu être induit en erreur par les termes employés pour cette indication, et n'en a souffert aucun préjudice ; qu'ainsi, la cour royale de Paris n'a violé aucune loi en déclarant valable l'inscription dont il s'agit (1) ».

J'avoue que je ne conçois pas cette manière de juger, et qu'elle me paraît violer ouvertement l'art. 2129 du Code civil.

Quoi de plus positif en effet que la nullité dont cet article frappe expressément toute Hypothèque conventionnelle dont le titre constitutif ne déclare pas spécialement la nature et la situation de chacun des immeubles sur lesquels le débiteur consent l'Hypothèque de la créance ? Et comment, d'après cela, juger valable une pareille hypothèque, sous le prétexte que le principal but de la loi, en la déclarant nulle, étant d'empêcher que les tiers n'ignorent quels sont les biens que débiteur a entendu y affecter, la nullité qu'elle en prononce, n'a plus d'objet du moment qu'aucun tiers n'a pu être entraîné dans un erreur préjudiciable à ses intérêts, par les termes employés pour la désignation de ces biens?

le

Si l'on pouvait, sous ce prétexte, déclarer valable l'Hypothèque consentie par un débiteur sur tous les biens qu'il possède dans telle commune, et même dans telle commune et autres environnantes, sans autre désignation, quelle raison y aurait-il de ne pas valider également l'Hypothèque consentie par un débiteur sur tous les biens qu'il possède dans tel arrondissement? Aucune. Ce que l'on

(1) Journal des audiences de la cour de cassation, année 1821, page 558.

pourrait faire pour les biens d'une seule commune nommément désignée, on pourrait le faire pour les biens de trois, de quatre, de vingt communes, soit en les désignant chacune par son nom, soit en n'en nommant qu'une seule; et ce que l'on pourrait faire pour dix communes, rien n'empêcherait de le faire pour soixante, quatre-vingt, cent ou cent cinquante communes, désignées collectivement par le nom de celle qui leur sert de cheflieu.

Mais alors que deviendrait la grande règle qui veut qu'il n'y ait pas d'Hypothèque conventionnelle sans spécialité? Et en quoi l'Hypothèque conventionnelle différerait-elle de l'Hypothèque judiciaire ?

Aussi l'arrêt de la cour de cassation, du 23 août 1808, que j'ai rapporté plus haut comme jugeant qu'une Hypothèque consentie par un débiteur sur tous ses biens situés dans tel commune, est nulle, a-t-il jugé la même chose par rapport à une hypothèque consentie par un débiteur sur tous ses biens situés dans tel arrondissement.

Eh! qu'importe que, par les termes qui ne désignent les biens hypothéqués qu'en disaut qu'ils sont situés dans telle commune ou tel arrondissement, aucun tiers ne puisse être induit à croire que l'Hypothèque frappe sur moins de biens qu'elle n'en embrasse réellement, et que, par suite, cette manière de les désigner ne puisse tourner au préjudice de personne? En est-il moins vrai que là où manque la désignation spéciale dont la loi fait la condition de toute Hypothèque conventionnelle, là il n'y a point d'Hypothèque valablement constituée, et que le tiers qui est assuré par les registres du conservateur qu'elle manque en effet, peut traiter en toute sûreté avec le débiteur, parcequ'il est autorisé par la loi elle-même à regarder le débiteur comme n'ayant consenti précédemment qu'un vain simulacre d'Hypothèque ? Que répondre d'ailleurs aux raisons par lesquelles j'ai établi cidessus, sect. 2, §. 2, art. 1, no. 4, que, pour qu'un tiers soit admis à relever les vices d'une inscription, il n'est nullement nécessaire que ces vices lui aient causé ou pu causer personnellement quelque dommage?

Au surplus si, sur cette question, il existe deux arrêts de rejet pour la validité d'une Hypothèque conventionnelle et d'une inscription qui ne désignent les biens que par le nom de la commune où ils sont situés, il en existe aussi deux de cassation pour la nullité de l'une et de l'autre; et l'on sait assez que les arrêts de cassation sont d'un bien plus grand poids que les arrêts de rejet. ]]

La désignation prescrite par l'art. 2129, doit être répétée pour chacun des immeubles hypothéqués ; mais qu'est-ce qu'on entendra, dans cet article, par les mots chacun des immeu bles? Comprendra-t-on, sous cette dénomi nation, chaque pièce de pré, de vigne, de bois, etc.? Ou bien y comprendra-t-on l'ensemble de pièces de diverse nature, formant continuité, et environné de propriétés étrangères? Nous pensons que la constitution de l'Hypothèque conventionnelle ne doit être asservie ni à l'une ni à l'autre de ces désigna tions. Si l'on veut hypothéquer un domaine composé de bâtimens de diverses pièces, de bois, de vignes, de terres labourables, dont les unes sont contigues et les autres séparées, it suffira de désigner le domaine par son nom, les diverses natures de biens qui le composent et leur situation. Il sera vrai de dire, en effet, que l'indication de la situation des immeubles, et celle de leur nature ou espèce, sont faites ; et qu'ainsi le vœu de la loi est littéralement rempli (1).

Cependant, nous avons supposé que les diverses natures de biens qui composent le domaine, avaient été exactement énumérées : car si,dans cette énumération, l'on avait omis les bois, on pourrait en conclure que l'intention des parties a été de ne soumettre à l'Hypothèque que les bâtimens, les prés, les vignes, les terres labourables, et qu'elles ont voulu en excepter les bois, quoique dépendans du même domaine : et, quand bien même les expressions de l'acte pourraient faire soupçonner une intention contraire, on dirait encore, avec raison, que l'Hypothèque ne serait pas valablement établie sur les bois, attendu que cette nature de biens ne se trouverait pas désignée.

[[C'est ainsi que, par arrêt de la cour royale de Paris, du 6 mars 1815, il a été jugé que l'inscription prise sur les fermes de la Gadeliére, département d'Eure-et-Loir, ne s'étendait pas aux bois et au château que possédaient, dans la commune de la Gadelière, les débiteurs qui avaient simplement hypothé qué leurs fermes situées dans cette commune, non plus qu'aux terres situées dans d'autres communes voisines, bien que le tout se trouvát compris dans un seul et même bail.

Mais le même arrêt a jugé l'inscription va

(1) C'est un des points jugés par l'arrêt de la cour supérieure de justice de Liège, du 13 janvier 1823, qui est rapporté ci-dessus.

Il y a cependant là-dessus une distinction à faire. 7. mon Recueil de Questions de Droit, aux mots Inscription hypothécaire, §. 12. ]]

TOME XIV.

lables quant aux maisons, prés, vignes et terres labourables de la commune de la Gadelière, dont les fermes étaient composées; et voici comment il a motivé cette distinction: «Attendu que l'inscription prisepar Guyot, conformément à son titre, sur les fermes de la Gadelière, sises commune du même nom, désigne bien, et sans qu'il soit besoin d'autre énonciation, les deux fermes appartenant à la veuve Dufour, dans la commune de la Gadelière, l'une, connue particulièrement sous le nom de ferme du Chateau; l'autre, appelée ferme de la Baratte;

» Que, dans l'usage, on entend par le mot ferme, une certaine étendue de terres labou rables et de prés et herbages donnés à bail avec les bâtimens servant à leur exploitation et au logement du preneur; qu'ainsi, il n'était point nécessaire que Guyot déclarât par son inscription, qu'il s'inscrivait sur des terres et prés; cette nature de biens étant suffisamment indiquée par la dénomination des deux fermes dont ils dépendent;

» Mais que, par la raison contraire, cette désignation ne comprend pas les bois qui ne sont pas ordinairement affermés par le propriétaire, encore que de fait et par accident, ces objets, en tout ou en parties se trouvassent compris au bail ».

Cet arrêt a été frappé d'un recours en cassation, en tant qu'il maintenait l'inscription sur les fermes proprement dites. Mais ce recours a été rejeté par la section des requêtes, le 1er. avril 1817, « attendu qu'en jugeant que » les expressions fermes de la Gadelière si

tués à la Gadelière, employées tant dans » l'acte constitutif de l'Hypothèque concédée » à Guyot, quedans l'inscription qui la lui con» serve, contiennent une désignation suffisante » de l'espèce et de la situation des biens sou» mis à cette Hypothèque, l'arrêt attaqué n'a » fait qu'une juste application des art. 4 et 17 » de la loi du 11 brumaire an 7, et n'a pas dù, » dès-lors, encourir le reproche d'avoir violé » lesdits articles, non plus que l'art. 2148 du » Code civil ».

IV. Du reste, on sent bien qu'il ne peut pas y avoir indication exacte et précise des biens hypothéqués, là où la désignation en est faite d'une manière tellement confuse et équivoque, qu'il est impossible de reconnaitre, à la vue de l'inscription, quels sont ceux sur lesquels le créancier qui l'a prise, a entendu la faire frapper. C'est d'ailleurs ce qui a été jugé dans l'espèce suivante.

Jean-Baptiste Van Cutsem et Anne-Catherine Van den Eynde, son épouse, avaient

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