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Dans l'espèce de cet arrêt, un intendant du marquis de Nesle avait écrit à un de ses amis dans des termes peu honorables pour ce seigneur. Celui-ci en avait fait rendre plainte par le procureur fiscal de sa terre.

Les officiers des lieux s'étaient transportés de nuit chez l'ami auquel les lettres avaient été adressées, les avaient enlevées, et avaient décrété l'écrivain.

Sur l'appel, le marquis de Nesle intervint; et par l'arrêt, on mit hors de cour sur l'in. tervention à l'égard des officiers, leur procédure fut infirmée avec défenses de récidiver, et ils furent condamnés aux dépens.

Mais les personnes auxquelles on adresse des lettres qui leur sont injurieuses, peuvent rendre plainte pour obtenir la réparation de l'Injure, et quelquefois même le ministère public peut se joindre à elles.

[[Je reviendrai là-dessus à l'endroit cité de l'article Lettre. ]]

S. V. Des personnes par lesquelles et contre lesquelles l'action d'Injure peut

étre intentée.

I. L'action civile en réparation d'une Injure ne peut, en général, être poursuivie que par celui qui a reçu l'Injure même.

[[Mais tout en déclarant non-recevable le tiers non intéressé qui exerce une pareille action, lorsqu'il s'agit d'Injures qui donnent lieu à des peines, les juges n'en doivent pas moins, sur les conclusions du ministère public, in-. fliger ces peines au coupable. C'est ce que prouve un arrêt de la cour de cassation du 21 novembre 1806, dont le Bulletin criminel de cette cour présente ainsi l'espèce :

« Charles Lemire avait été traduit au tribunal de police de Rouen par André Bontier, pour raison d'Injures et de menaces.

» Suivant l'exposé des faits présentés par Bontier, les menaces et les Injures, objets de sa plainte, avaient été précédées d'un propos tenu par Lemire contre l'honneur de la femme de Leblanc, taillandier, chez lequel ledit Bontier travaillait en qualité d'ouvrier. » Un jugement du 4 septembre 1806 avait admis le plaignant à la preuve des faits par lui articulés ; et par jugement définitif du 11 du même mois, Lemire avait été condamné en 50 francs de dommages et intérêts au profit de Bontier, à trois jours d'emprisonnement, et aux dépens.

» Cependant Lemire n'était déclaré convaincu d'aucunes menaces faites à Bontier, d'aucunes Injures proférées contre lui; un seul propos était déclaré constant, et ce propos lui était totalement étranger : ce n'était

pas à sa réputation, c'était à celle de la femme Leblanc qu'il portait atteinte. Lemire s'est pourvu en cassation contre ces deux jugemens. Le premier n'était susceptible d'aucune censure fondée ; il n'en était pas de même du second, dont la disposition par laquelle des dommages et intérêts étaient adjugés à Bontier, parceque la femme de Leblanc, dans l'atelier duquel il travaillait, avait été injuriée par Lemire, était d'une illégalité choquante, et ne pouvait subsister,

» L'arrêt portant cassation, est ainsi conçu : » Ouï le rapport de M. Aumont, l'un des juges...;

Vu l'art. 456, no. 6, du Code du 3 brumaire an 4, et l'art. 163 du même Code;

» Attendu que le seul fait déclaré constant par le jugement attaqué, et sur lequel sont basées les condamnations qu'il prononce, consiste dans un propos offensant pour la femme de Leblanc, taillandier, tenu par Lemire en présence de Bontier, lequel travaillait alors comme ouvrier dans la boutique dudit Leblanc ; que, si ce propos, qui avait le vrai caractère d'une Injure verbale, était un delit de police auquel une peine publique a pu être appliquée sur les conclusions du ministère public, sans que ni la femme injuriće, ni son mari, eussent rendu plainte ou fussent intervenus dans l'instance introduite par Bontier au tribunal de police; la réparation civile de cette Injure ne pouvait être provoquée que par les parties intéressées, et prononcée qu'à leur profit; et que le juge de police n'a pas pu légalement, et sans excès de pouvoir, adjuger audit Bontier des dommages et intérêts pour une offense qui lui était absolument étrangère, et à raison de laquelle il ne pouvait être ni fondé ni recevable à se plaindre;

» Par ces motifs, la cour casse et annulle le jugement du tribunal de police de Rouen du 11 septembre, dans la disposition par laquelle Lemire est condamné en 50 francs de dommages et intérêts au profit de Bontier, le surplus dudit jugement sortant son plein et entier effet ».

V. encore l'arrêt du 23 fructidor an 10, rapporté au mot Accusation, no. 2. ]]

II. Il y a cependant des cas où un tiers peut aussi poursuivre la réparation de l'Injure, savoir, lorsqu'elle rejaillit sur lui. Ainsi, un mari peut poursuivre la réparation de l'Injure faite à sa femme; un père, de l'Injure faite à son enfant [[ mineur ]]: des parens peuvent venger l'Injure faite à un de leurs parens,lorsqu'elle rejaillit sur toute la famille ; des héritiers peuvent venger l'Injure faite à la mémoire du défunt; un maître l'Injure faite à ses domes

tiques, lorsqu'elle rejaillit sur sa personne, [[Catherine Davias avait tenu à la femme Gombaud des propos qui altéraient, et l'honneur de cette femme, et celui du sieur Gombaud, son mari.

Le sieur Gombaud a fait citer Catherine Davias devant le tribunal de police du canton de Bourg, département de la Gironde, qui l'a condamnée à un jour d'emprisonne ment et à une amende de 3 francs.

Catherine Davias s'est pourvue en cassation, et a prétendu que le sieur Gombaud n'avait pas pu, surtout sans l'assistance de son épouse, poursuivre la réparation des Injures proférées contre celle-ci.

Mais par arrêt du 14 germinal an 13, au rapport de M. Barris,

«Attendu que les Injures dont Catherine Davias a été déclarée convaincue, et qui avaient été l'objet de la plainte, intéressaient l'honneur du mari de la femme Gombaud, que celui-ci a donc eu caractère pour en poursuivre la réparation, même sans le concours de sa femme;

» La cour rejette le pourvoi.... ». ]]

III. L'action d'Injure peut être intentée par l'offensé contre tous les auteurs de l'offense. Le mineur peut même être poursuivi criminellement en cas pareil, sans qu'il soit nécessaire d'agir contre son père ou contre son tuteur : mais si l'instance criminelle vient à être civilisée [[ ce qui ne peut plus avoir lieu aujourd'hui, comme on l'a vu au mot Civiliser ]], il faut alors que le père ou le tuteur soient mis en cause ou qu'ils y interviennent.

La même règle doit être appliquée à la femme qui est sous puissance de mari [[V. le Code civil, art. 216, et les mots Autorisation maritale, sect. 7, no. 18. ]]

L'insensé, le furieux, et l'impubère étant encore en enfance ou plus proche de l'enfance que de la puberté, ne peuvent pas être poursuivis en réparation d'Injure. [[ V. les articles Démence et Impubère. ]]

Si un maître autorise l'Injure faite par ses domestiques, il en est solidairement responsable avec eux. [[ V. les articles Complice et Délit, S. 7 et 18. ]]

IV. Une femme injuriée par son mari, ne peut pas intenter contre lui une action cri. minelle : cependant s'il a usé de mauvais trai. temens envers elle, elle peut s'en plaindre en justice. [[ V. les articles Divorce, sect. 4; et Séparation de corps. ]]

Le fils ne doit pareillement pas être admis à poursuivre criminellement son père pour Injure et mauvais traitemens. Divers arrêts

l'ont ainsi jugé, et particulièrement un du parlement d'Aix,du 12 février 1693, rapporté par Boniface.

Un père, au contraire, peut poursuivre ses enfans en justice, pour l'Injure qu'ils lui ont faite, quelque légère qu'elle soit. Observez à ce sujet que, quand un père a dénoncé ses enfans à la justice pour les injures qu'il en a reçues, il n'est plus le maître d'arrêter les poursuites, quand même il déclarerait qu'il leur pardonne.

Legendre peut poursuivre l'Injure que son beau-père lui a faite. Boniface rapporte un arrêt du parlement d'Aix, du 6 février 1666, qui l'a ainsi jugé.

La même règle doit s'appliquer aux frères et aux sœurs, et, à plus forte raison, aux autres parens.

Les domestiques ne doivent être admis à intenter contre leur maître l'action d'Injure, qu'autant que les Injures sont considérables.

S. VI. Des cas ou circonstances qui éteignent l'action d'Injures, ou la rendent non recevable.

I. Le temps pour intenter cette action, est d'un an à l'égard des simples Injures; en quoi notre usage est conforme à la disposition du droit romain, suivant lequel cette action était annale : mais s'il y a eu des excès réels commis, il faut vingt ans pour prescrire la peine.

Cette prescription est établie par l'art. 8 du chap. 29 de la coutume d'Auvergne, par l'art. 334 de la coutume de la Marche, et par divers arrêts qui l'ont ainsi jugé.

La Lorraine a, sur cette matière, une jurisprudence particulière. La plainte doit être donnée dans la huitaine, à compter du jour que l'offensé a eu connaissance de l'Injure ; et l'action doit ensuite être intentée dans l'an et jour : c'est ce que décide l'art. 6 du tit. 18 de la coutume générale de cette province.

[[ Aujourd'hui, cette action dure dix ans, lorsque l'Injure porte le caractère de crime; trois ans, lorsque l'Injure ne constitue qu'un délit ; et un an, lorsque l'Injure ne consiste que dans une contravention de police. V. le Code d'instruction criminelle de 1808, art. 637, 638 et 640. ]]

II. L'action en réparation d'Injure s'éteint encore par le décès de celui qui a fait l'Injure, ou de celui à qui elle a été faite; de sorte que l'action ne passe point aux héritiers, à moins qu'il n'y ait eu une action intentée par le défunt avant l'expiration du temps donné par la loi, ou que l'Injure n'ait été faite à la mé moire du défunt.

[[ Aujourd'hui, l'action publique qui naît de l'Injure, est indistinctement éteinte par la mort du prévenu. Mais l'action civile qui en resulte également, peut, dans tous les cas, être exercée contre ses héritiers. V. le Code du 3 brumaire an 4, art. 7; et le Code d'instruction criminelle de 1808, art. 2. ]]

III. La réconciliation expresse ou tacite éteint aussi l'Injure.

Charondas rapporte un arrêt du parlement de Paris du 24 mai 1561, par lequel les parties furent mises hors de cour et de procés sur une action d'Injures, parceque, depuis les Injures dites et proférées, les parties, s'étant trouvées à la même table, avaient bu à la santé l'une de l'autre.

lors

La réconciliation se présume aussi, que, depuis l'Injure, l'offense a rendu quelque service à l'offenseur, ou qu'il lui a écrit obligeamment.

La même présomption a lieu, lorsque, depuis l'Injure, les parties se sont embrassées.

Observez néanmoins que, si les choses dont on vient de parler, ne sont arrivées que depuis la plainte rendue en justice par l'offensé, elles ne font pas présumer la remise de l'Injure.

Il a d'ailleurs été jugé par un arrêt du 13 mars 1666,que la présomption de la réconciliation ne peut s'étendre qu'aux Injures verbales et légères, et non aux Injures graves et atroces. d'éteint [[ Dans tous ces cas, il n'y a l'action privée : l'action du ministère public survit toujours à la réconciliation des parties. V. l'article Délit, §. 1. ]]

que

IV. L'Injure s'éteint par la remise qu'en fait la personne offensée : mais quoique l'action soit éteinte à son égard, cela n'empêche pas un tiers qui y est intéressé, d'agir pour ce qui le concerne; et à plus forte raison, le ministère public, avec lequel il n'y a jamais de transaction,et qui est toujours recevable à agir pour la vindicte publique, si l'Injure est telle que la réparation intéresse le public. (M. GUYOT.)*

[[ Aujourd'hui, le ministère public est obligé d'agir, toutes les fois qu'il y a lieu même à une simple peine de police, et à plus forte raison, lorsque l'Injure provoque, par sa gravité, l'application d'une peine correctionnelle ou afflictive. V. ci-devant, §. 2, no. 3. 1, 2, 3 et 4; et §. 4, no.

V. Les Injures qui ont été proférées dans une plaidoirie à l'audience d'un tribunal civil, criminel, correctionnel ou de commerce, soit contre l'une des parties, soit contre son défenseur, et qui n'ont été ni relevées par la personne injuriće et présente, ni réprimées

par le tribunal à cette audience même, ne peuvent plus être poursuivies devant le tribunal de police. C'est ce qui résulte des trois arrêts suivans de la cour de cassation.

En frimaire an 10, Beaucour est condamné par le tribunal correctionnel de Tournay, pour mauvais traitemens exercés envers diverses personnes.

Peu de temps après, sous le prétexte que le sieur Jaubert, défenseur de celles-ci, l'a injurie dans sa plaidoirie, il le fait citer devant le tribunal de police de Lessine, qui, par le jugement du 6 pluviose de la même année, condamne à un emprisonnement de trois jours, et à 13,000 francs de dommages-intérêts.

Le sieur Jaubert se pourvoit en cassation; et le 5 messidor an 10, arrêt, au rapport de M. Sieyes, qui,

« Vu l'article 456, §. 6, du Code des délits et des peines;

» Attendu que, lors et à la suite de la plaidoirie devant le tribunal correctionnel à Tournay, il n'a été établi ni demandé aucune contestation de ces prétendues Injures; que, pendant tout le cours de cette instance, Beaucour n'a formé aucune réclamation à ce sujet ; qu'il résulte de son silence absolu, une rénonciation à toute action pour raison de ce prétendu délit, si toutefois il a existé dans l'espèce ; et que le tribunal de police du canton de Lessine ne pouvait donc point, en l'état, admettre la plainte de Beaucour.

» Par ces motifs, et pour excès de pouvoir, casse et annulle... ».

Le sieur Lecerf et le sieur Blin avaient, en qualité de défenseurs, plaidé une devant le tribunal de commerce de Caen.

cause

Cette cause jugée, le sieur Lecerf a fait citer le sieur Blin devant le tribunal de police de Caen, pour se voir condamner à lui faire réparation d'Injures qu'il a prétendu lui avoir été dites à l'audience par ce dernier.

Par jugement du 10 germinal an 10, le tribunal de police déclare le sieur Lecerf non recevable dans son action, et le condamne, pour l'avoir intentée mal-à-propos, à une amende de la valeur d'une journée de travail et aux dépens.

Le sieur Lecerf se pourvoit en cassation, et fait valoir deux moyens : une contravention prétendue aux art. 155 et 605 du Code du 3 brumaire an 4, et un excès de pouvoir.

Par arrêt du 14 messidor an 12, au rap. port de M. Rataud,

« Attendu qu'il s'agissait d'une prétendue Injure, proférée par un défenseur, en plaidant devant le tribunal de commerce de la

ville de Caen, et audience tenante; qu'en décidant que c'était au tribunal même témoin du fait, à en connaître, soit d'office, soit sur la plainte, de la personne injuriée qui se trouvait présente, et que ce fait n'avait pu donner lieu ultérieurement à une action devant le tribunal de police, le jugement attaqué ne présente point, dans cette disposition, de contravention à la loi;

» La cour rejette le premier moyen ; » Mais, vu les art. 153 et 162 du Code des délits et des peines;

» Et attendu que Lecerf, qui avait fait citer l'avocat Blin au tribunal de police, pour raison de l'Injure dont il s'agit, n'était personnellement prévenu d'aucun délit ; que cependant il a été condamné à une amende de la valeur d'une journée de travail; qu'on ne trouve dans le jugement attaqué aucun motif de cette condamnation, et que les termes de la loi appliquée n'y sont pas insérés ; d'où suit une contravention formelle aux dispositions ci-dessus rappelées ;

» La cour casse et annulle... ».

Le troisième arrêt est du 16 août 1806. Voici dans quels termes il est rapporté au Bulletin criminel de la cour de cassation:

« Une contestation s'était élevée entre le sieur Lacouture et le sieur Desperriers, sur le paiement d'une traite souscrite par ce der

nier. Cette contestation avait donné lieu à

une poursuite judiciaire, qui fut portée devant le tribunal de première instance de l'arrondissement de Dax. La demande de Lacouture y fut présentée et plaidée par le sieur Dusséré, avocat; le sieur Desperriers était présent pour s'y défendre.

» A cette audience, tenue le 10 janvier 1805, le sieur Desperriers éleva la voix, et proféra quelques paroles injurieuses contre le sieur Dussere, qui continua sa plaidoirie. Le tribunal se borna à recommander le silence au sieur Desperriers : le sieur Dusséré ne se plaignit point, et le procureur (du roi) ne fit aucune réquisition: il ne fut dressé aucun procès-verbal.

» A l'audience tenue le 20 janvier, la cause fut défendue et jugée contradictoirement. Le sieur Desperriers fut condamné au paiement de son obligation.

» Il n'y fut donné aucune suite aux propos tenus par le sieur Desperriers, dans l'audience précédente.

» Le 8 février suivant, le sieur Dusseré a fait citer devant le juge de paix du canton de Dax, le sieur Desperriers, pour qu'il fût condamné à lui payer, à titre de dommagesintérêts, une somme de 20,000 francs; et il TOME XIV.

a demandé que le jugement à intervenir, fût imprimé au nombre de cinq cents exemplaires, aux frais de Desperriers, avec défenses de récidiver et condamnation aux dépens, le tout à raison des Injures et outrages qu'il avait reçus du sieur Desperriers.

» Des témoins présentés par le plaignant, furent entendus à l'audience du 11 février

» Le juge de paix, par son jugement rendu le 20 février, après avoir déclaré qu'il résultait de l'instruction que le sieur Desperriers s'était réellement permis, le 10 janvier, de traiter le sieur Dusséré, avocat, de manant, polisson, drôle, va-nus-pieds, sans qu'il füt démontré qu'aucun motif légitime dût le porter à de pareils excès et à de pareils ou trages; que ces faits étaient d'autant plus authentiques, qu'ils étaient unanimement attestés par tous les témoins entendus; condamna le sieur Desperriers à la somme de 10,000 francs de dommages-intérêts, et permit au sieur Dusséré de faire imprimer le jugement au nombre de cinq cents exemplaires, et de le faire afficher dans l'étendue du canton, aux frais du sieur Desperriers, qu'il condamnă aussi aux frais.

» Celui-ci s'étant pourvu contre ce jugement, a insisté sur la circonstance indiquée, mais non formellement reconnue dans les pièces produites, de la localité des Injures; il a soutenu que c'était à l'audience du tribunalcivil qu'elles avaient été provoquées et proférées ; que les témoins entendus par le juge de paix, avaient tous parlé de ces Injures comme dites dans l'audience publique du tribunal.

» La cour de cassation, par son arrêt interlocutoire du 8 mai dernier, a ordonné l'apport à son greffe des notes des dépositions des témoins présentés par le sieur Dusséré, et entendus par le juge de paix à son audience du 11 février, si aucunes notes ou aucun procès-verbal eût été retenu de ces dépositions, ainsi que toute pièce pouvant servir de renseignement au fait allégué par le demandeur

en cassation.

» Ces notes des dépositions des témoins, et d'eux signées contre l'usage ordinaire, ont été envoyées.

» La cour y a trouvé la preuve de la circonstance alléguée par le sieur Desperriers, et par suite celle de l'incompétence du juge de paix, et de l'excès de pouvoir qui devait faire annuler sa décision; elle a, en conséquence, rendu l'arrêt suivant:

» Ouï le rapport de M. Jean-Aimé Delacoste...;

» Vu le §. 6 de l'art. 456 de la loi du 3 brumaire an 4....;

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» Et attendu que du résultat de l'interlocutoire ordonné par la cour, il demeure constant que les Injures pour lesquelles Desper riers a été poursuivi devant le tribunal de police du canton de Dax, avaient été proférées à l'audience, devant le tribunal civil en séance, et contre Dusséré, pendant sa plaidoirie, et dans l'exercice de ses fonctions d'avocat; que ces injures tendaient à troubler l'ordre; qu'en offensant Dussere, elles étaient aussi une offense pour le tribunal devant lequel elles étaient prononcées; que la repres sion en appartenait donc à la police de l'audience, et que la plainte en devait être formée à l'instant par Dusséré, devant le tribunal qui, en ayant été le témoin, était à même d'en apprécier la gravité d'après les circonstances de leur cause et de leur caractére;

que ce tribunal pouvait en arrêter le scandale par des injonctions conformes aux disposi

tions de l'art. 556 du Code des délits et des

peines; qu'en cas de gravité de ces Injures, il devait en donner proces-verbal, et renvoyer les parties devant les tribunaux competens.

» Mais considérant que le tribunal de l'arrondissement de Dax n'ayant rien statué à l'occasion de ces Injures, il est présumé n'y avoir pas vu un délit; et que Dusseré n'ayant point reclamé devant lui, est présumé de droit n'en avoir point été offensé, et n'y avait pas vu la base d'une action, ou du moins en avoir fait remise à Desperriers; que des-lors, il était non-recevable à les reproduire devant un tribunal de police; que ce tribunal, en accueillant la plainte et en prononçant une condamnation, a fait revivre un délit éteint, et, par-là, commis un excès de pouvoir;

» D'après ces motifs, la cour vidant le délibéré par elle ordonne le 8 de ce mois; casse et annulle pour excès de pouvoir..... ».

Cette jurisprudence est-elle applicable au cas où il s'agirait d'Injures proférées à l'au

dience contre des tiers?

Voici un arrêt qui juge pour l'affirmative, mais dans une espèce particulière.

La dame Labrouche forme contre son mari, devant le tribunal civil de Bayonne, une demande en séparation de corps, pour excès graves. Le mari se défend, à l'audience, en rejetant tous les torts sur sa femme, et en accusant le sieur Guédet d'avoir provoqué leur désunion.

Le sieur Guédet fait citer le sieur Labrouche devant le tribunal de police de Bayonne, pour le faire condamner à la réparation des Injures qu'il prétend avoir reçues de lui.

Le sieur Labrouche décline ce tribunal, et soutient qu'il ne peut pas être recherché pour

de prétendues Injures qui entraient nécessairement dans sa défense.

Jugement qui rejette le déclinatoire et condamne le sieur Labrouche à passer au greffe un acte de désaveu.

Recours en cassation de la part du sieur Labrouche; et le 13 prairial an 12, arrêt, au rapport de M. Seignette, par lequel,

« Considérant que le délit d'Injures verbales dont la connaissance est attribuée par l'art. 605 de la loi du 3 brumaire an 4 à la police municipale, consiste dans l'intention de nuire à l'honneur, à la réputation ou au crédit de la personne injuriee; que cette action est étrangère au cas où l'énonciation des faits prétendus injurieux entre dans le plan d'une défense légitime; qu'un mari attaqué fondée sur l'imputation de torts graves, a le par une demande en séparation d'habitation droit d'employer pour défense les torts même de son épouse envers lai, et les insinuations étrangères et interessées de ceux qui l'ont portée à une pareille action; que les défenseurs des parties doivent être, dans ce cas, les premiers juges de ce qu'il leur est permis de sont confiées; que, s'ils passent les bornes dire pour le soutien des prétentions qui leur d'une défense légitime, c'est au tribunal devant lequel ils exercent leur ministère, de les y faire rentrer; considérant que, dans l'espece particulière, le défenseur de Labrouche, sur la demande en séparation d'habitation contre lui formée par sa femme, n'a pas souffert d'interruption de la part du tribunal, ni de son président, d'où l'on pourrait induire que ce défenseur ne s'est point écarté d'une défense légitime; que, si Guédet prétendait que le contraire fut arrivé, c'était pendant la litispendance devant le tribunal saisi de la contestation entre les époux, qu'i! devait se pourvoir, et non devant le juge de police municipale, dont la juridiction est absolument étrangère à un pareil genre de contestation;

» La cour casse et annulle....".

Cet arrêt a été rendu, comme l'on voit, dans une espèce toute particulière; et il serait difficile de justifier sa décision en these générale, surtout si on voulait l'étendre jusqu'au cas où les Injures proférées contre un tiers à l'audience d'un tribunal, porteraient le caractère de la calomnie.

A la vérité, on peut dire que le motif sur lequel sont fondés les arrêts des 5 messidor an 10, 18 messidor an 12 et 18 août 1806, n'est pas moins applicable au cas où il s'agit de prétendues Injures proférées contre des

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