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Chercheurs heureux. Le premier chercheur ayant réalisé à l'Inini une production importante, au début de l'année 1901 est un nommé Léon, dit le Pâtissier, universellement connu à Cayenne, dont il parcourait les rues chaque matin, vêtu d'un irréprochable complet blanc de cuisinier, en débitant des petits pàtés chauds à la viande, justement appréciés par sa clientèle. Monté un des premiers à l'Inini, au mois d'Avril dernier en association avec un de ses camarades il descendait au bout de trois mois ayant réalisé pour sa part, un poids net de 42 kilogrammes d'or, tous frais payés. Son collègue en apportait autant. Valeur totale: 226.800 francs.

A la même époque, M. Jadfard, le frère du Percepteur de Cayenne descendait de l'Inini, avec 27 kilogrammes d'or récoltés en 22 jours seulement. Revenu uniquement parce qu'il s'était trouvé à court de vivres, il remonta en toute hâte après s'être simplement ravitaillé à Saint-Laurent, et ce chercheur heureux annonçait fin Septembre un autre envoi d'égale importance.

Le chef d'expédition Mérange, avait envoyé, fin Septembre, 70 kilogrammes à la côte et au moment de mon départ, à la fin d'Octobre, il en annonçait 30 en route, total 100, valant 270.000 francs.

L'Odyssée de 20 kilos d'or. Une petite expédition partie de Cayenne avec des moyens très restreints, a donné lieu à une odyssée bien typique, qui a diverti toute la Colonie. Ses deux organisateurs avaient mis à la tête du personnel de l'unique pirogue qui portait les hardis chercheurs, un jeune créole qui tomba malade dès les premiers jours de la montée et qui laissa comme chef un des noirs composant l'expédition.

Deux mois après, ce dernier revenait à Cayenne et déclarait à ses mandants que, malgré une série de déveines, il était arrivé à réaliser net 4 kilogrammes

d'or, qu'il leur rapportait fidèlement. Ces 4 kilogrammes (valeur 10.800 francs), couvrant à peu près ⚫ deux fois les frais primitifs de l'opération, les bailleurs de fonds étaient sur le point de s'en contenter et de donner quitus au bonhomme, lorsqu'un négociant de la ville les prévint que ce même individu venait de lui offrir à l'instant, 9 kilogrammes au prix de maraudage, c'est-à-dire environ pour la moitié de la valeur réelle de l'or brut. Naturellement, on arrête le délinquant, on le presse de questions, il finit par avouer, et, pour étouffer l'affaire, il propose de renoncer à la part lui revenant dans ces 9 kilogrammes, pourvu qu'on lui donne quitus. C'est ce qu'on fait, un peu trop rapidement cependant, car on apprend peu de jours après que ce fidèle dépositaire s'était déjà délesté en route de 7 kilogrammes, à Saint-Laurent-du-Maroni. En fait, l'expédition avait produit 20 kilogrammcs sur lesquels les bailleurs de fonds n'en ont sauvé que 13, et ils peuvent encore s'estimer heureux car beaucoup d'autres n'en peuvent dire autant.

C'est pourtant de cette manière que la plupart des propriétaires de placers de Cayenne opèrent encore en ce moment et il faut dire, à la louange de la moralité des Guyanais, que les expéditions laissées ainsi la bride sur le cou, rapportent encore assez fréquemment une partie honorable de la récolte. Quand on songe aux facilités dont disposent les chefs d'expédition pour « étouffer » la recette, on est plein d'admiration pour l'honnêteté relative avec laquelle ils en rapportent, de temps en temps, une fraction.

Nous verrons tout à l'heure à propos de maraudage des placers que ces mœurs antiques se sont beaucoup gâtées dans ces derniers temps et que le remède à cette situation se trouvera dans l'ouverture du chemin

de fer qui permettra aux propriétaires de mines d'aller eux-mêmes surveiller leurs affaires.

Actuellement, on ne pourrait pas citer dix noms parmi les exploitants, opérant par expéditions envoyées depuis Cayenne, qui aient été en personne, non pas même sur leurs propres placers qui sont parfois fort éloignés mais même sur un placer quelconque de la Colonie, et cependant il en existe dans la contrée sur lesquels on peut monter en chaloupe à vapeur dans une seule journée. Ce simple détail, que je certifie absolument exact, constitue la démonstration la plus éclatante qui puisse être donnée de l'état d'enfance dans lequel se trouve encore l'industrie aurifère en Guyane Française et de la cause de cet état.

On comprend aisément l'effet produit à Cayenne et dans les Antilles par des coups du sort aussi retentissants que ceux que je viens de citer. On peut tabler actuellement sur une population de 6 à 7.000 mineurs déjà rendus sur les placers de l'Inini. Naturellement, il est très difficile de se rendre un compte exact de ce qu'a produit cette armée de chercheurs; néanmoins, grâce au bureau de recettes douanières que le Conseil Général a très sagement décidé, dans sa session de Juillet dernier, d'installer à l'embouchure de l'Inini, on a des indications assez certaines sur la quantité d'or produite depuis l'ouverture de ce poste, dans la deuxième quinzaine du mois d'Août 1901.

Le poste de l'Inini. Je reviendrai plus loin sur cette question des bureaux de contrôle établis sur les rivières de la Guyane, parce que j'y vois un moyen puissant d'enrayer la contrebande. A ce point de vue, l'initiative du Conseil Général a été des plus heureuses, d'autant plus qu'elle est doublée d'une excellente affaire

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