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AVENIR DE LA COLONIE

Guyanais et Antillais. Les conclusions de cette étude ressortent clairement de l'exposé qui précède. Si nous jetons un coup d'œil d'ensemble sur nos Colonies américaines des Antilles et de la Guyane, nous apercevons tout de suite les raisons pour lesquelles cette dernière se trouve dans des conditions incomparablement meilleures que ses deux voisines. Par contre, elle est infiniment moins peuplée que nos deux îles Antillaises. Il en résulte fatalement une émigration considérable des Antilles vers la Guyane et ce déplacement de population, considéré comme fâcheux par les uns, comme au contraire très désirable par les autres, n'en est pas moins irrésistiblement acquis. Il résulte de la force même des choses et du droit imprescriptible que possède chacun de nous de se fixer sur les lieux où il peut le plus aisément gagner sa vie, en vertu de l'adage « Ubi bene, ibi patria » cher à nos ancêtres.

Il est indubitable que cette immigration sera largement favorisée par la création du chemin de fer. Actuellement en effet, la recherche et l'exploitation de l'or dans la Guyane Française demande une mise préalable de fonds assez importante, si on veut opérer autrement que par maraudage. C'est l'unique raison à laquelle il faut attribuer les retards dans la mise en valeur des richesses naturelles de la Colonie. L'ouverture du

chemin de fer permettant la pénétration facile sur les placers de l'intérieur, amènera immédiatement des populations nouvelles qui s'empresseront de profiter de cet outil merveilleux qui s'appelle un chemin de fer colonial. La population sédentaire de Cayenne proprement dite manifeste certaines craintes à l'idée de cet envahissement. Je les crois bien chimériques, car ce n'est pas dans un pays insuffisamment peuplé comme notre Colonie, qu'on peut redouter une concurrence dans l'offre des bras, pouvant amener l'avilissement des salaires.

Par contre, les « vieux Cayennais » peuvent exercer et exercent effectivement une influence salutaire sur les nouveaux venus. Je crois avoir clairement manifesté mon estime pour le caractère des Guyanais, à propos de ce que j'ai dit sur la manière dont on exécute les expéditions aurifères sans contrôle, sur les placers de l'intérieur. J'ai insisté, à juste titre, sur les qualités d'endurance, d'énergie et de probité de cette population que j'ai vue à l'œuvre dans les bois et à laquelle il convient de rendre un juste hommage. Mais il y a plus; en Guyane, les divisions intestines, basées sur des haines de race et de couleur sont, grâce à Dieu, inconnues ou à peu près, et la meilleure preuve qu'elles n'y sont pas en honneur, c'est que les rares personnes qui voudraient voir renaître ces funestes legs d'un passé aboli, se gardent bien d'en faire publiquement l'aveu.

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Tout le monde sait maintenant que c'est à ces déplorables souvenirs des temps lointains, attisés par des politiciens sans scrupules, à la recherche d'une plateforme électorale, - que c'est à ces préjugés de couleur que les Antilles françaises doivent les crises économiques, politiques et sociales auxquelles ces malheureuses Colonies sont actuellemeut en proie.

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L'or pacificateur. - A Cayenne, la situation est tout à fait différente et c'est encore à l'or que nous devons ce nouveau bienfait de la paix civile. En fait, chacun de nous en Guyane est si absorbé par son exploitation aurifère, grande ou petite, qu'il ne peut s'occuper qu'à bâtons rompus des mérites respectifs des divers partis politiques. Ensuite, grâce à l'or, personne ne connaissant la misère, le paupérisme est inconnu; or c'est dans ses rangs que les fauteurs de désordre racolent le plus aisément leurs troupes. Les chevaux ne se battent, dit le proverbe, que devant des râteliers vides.

Une autre puissante cause qui a valu à la Guyane de ne pas connaître les tristes événements dont la Martinique et de la Guadeloupe ont été fréquemment le théâtre, c'est la disparition absolument complète de la catégorie désignée dans les Antilles sous le nom général << d'habitants », autrement dit des propriétaires créoles descendant des anciens possesseurs du sol. Mais de tout cet ensemble, le plus puissant pacificateur a certainement été l'or et les bénéfices qu'il rapporte.

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Il y a là une antithèse tout à fait frappante :

Dans nos Colonies Antillaises: grandes propriétés possédées par les descendants des anciens créoles, dont un trop grand nombre, il faut le dire, sont des oisifs. Ces Colonies ont vécu jusqu'ici de la monoculture de la canne à sucre, industrie qui ne peut plus payer que des salaires médiocres. Même dans ces conditions, elle ne subsiste que grâce au système protectionniste des primes et la Conférence actuellement réunie à Bruxelles est une preuve que ce système artificiel a fait son temps. Luttes de classes et de races, salaires avilis, incendies de propriétés, émeutes, et finalement tristes et sanglantes répressions.

En Guyane, pays minier, disparition des cultures

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