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été fait en l'année 1593 et 1597, ainsi que l'indiquait l'édit de Nantes. Le 17 juin 1681, une déclaration paraît «portant que les enfants de la R. P. R. pourront se convertir à l'âge de sept ans et défend à ceux de la R. P. R. de se faire élever dans les païs étrangers ». On n'a jamais pu noter pareille atteinte à l'autorité du père de famille. Faut-il parler des dragonnades qui suivirent? Les protestants avaient huit jours pour devenir catholiques; ensuite ils étaient chargés par des troupes, que conduisaient des évêques.

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Louis XIV avait voulu réaliser l'unité du culte français. Il avait également pris part à la lutte contre les jansénistes Port-Royal avait été rasé et aussi contre les inoffensifs quiétistes. La conséqence inévitable de cette politique se produira bientôt aucun pouvoir humain n'empêchera de naître la philosophie du XVIIIe siècle.

« La politique inepte du Gouvernement eut deux. conséquences également funestes pour la Royauté et pour l'Eglise, écrit M. Debidour, dans l'introduction de son important et consciencieux travail sur le sujet qui nous occupe (1); la première, fut d'enhardir la magistrature au point que, dès le milieu du XVIIIe siècle, elle pût ébranler le vieil édifice de l'absolutisme monarchique et que, par le seul exemple de ses résistances, elle rendit la Révolution inévitable; la seconde, fut de rendre ridicules et odieuses les querelles théologiques, les persécutions, d'affaiblir singulièrement la foi dans les classes supérieures et moyennes de la nation, de faire enfin le jeu des philosophes qui s'emparèrent dès lors de l'opinion et familiarisèrent bientôt beaucoup d'esprits avec l'idée de rejeter non

(1) Histoire des rapports de l'Eglise et de l'Etat en France, de 1789 à 1870. F. Alcan, Paris.

seulement l'infaillibilité du pape, mais toute autorité sacerdotale, toute religion révélée. Ce n'est plus dans l'Augustinus ou dans les Réflexions morales de l'ancien testament que l'on va chercher des arguments : c'est dans l'Encyclopédie et dans le Dictionnaire philosophique. Le mot d'ordre n'est plus de faire son salut, mais de fonder la liberté. »

Les dernières années du règne de Louis XIV illustrent cette vérité démontrée par l'histoire, qu'un pouvoir temporel ne peut être que l'ennemi de Rome ou son jouet. Louis XIV, on vient de le voir, s'était rapproché de Rome, en deux circonstances; Rome empiéta, les jansénistes avaient contesté l'infallibilité du pape; la compagnie de Jésus, émanation agissante de la Papauté, convainquit le souverain absolu de la nécessité d'une publication urgente de la cèlèbre bulle Unigenitus (1713). Or, cette bulle ne conseille rien moins que l'obéissance aveugle aux ordres du SaintSiège que Louis XIV avait mis tant d'acharnement à combattre. Quelques temps après, les jansénistes en ayant appelé à des décisions du SaintSiège au concile, celui-ci ne put avoir lieu. Le pape reprenait la prééminence perdue.

Le Parlement repoussa la bulle et, lorsque sous le règne de Louis XV, par ordre de l'archevêque de Paris, plusieurs curés exigèrent des mourants la déclaration qu'ils adhéraient à la bulle Unigenitus ou un billet de confession provenant d'un prêtre non janséniste, le Parlement invita l'archevêque à retirer son mandement. Le roi casse l'arrêt du Parlement. Mais celui-ci ne se tient pas pour battu, et le conflit. se poursuit et s'aggrave. Louis XIV en arrive à exiler les membres du Parlement (1713); mais aucune juridiction ne veut s'incliner devant les décisions du roi. Finalement Louis XIV cède au Parlement. Billets de confession, refus des sacrements sont interdits, et

Benoît XIV déclare que les ordonnances de l'archevêque ne seront applicables qu'à ceux qui seraient publiquement et notoirement réfractaires à la bulle Unigenitus » (1756). Le Parlement a triomphé.

Le triomphe s'accompagne d'une réaction contre les jésuites. Gallicans, philosophes, encyclopédistes, sociétés secrètes se liguent contre eux. La faillite du P. Lavallette, ruiné à la Martinique, faillite dont les jésuites se refusent à solder le déficit, permet au procureur général du Parlement de Paris d'examiner les statuts de l'influente compagnie. En 1764, elle est supprimée par un édit royal. En 1776, une Commission, dite des Réguliers, est nommée par le roi pour réformer le clergé régulier ». Un édit du 24 mars 1778 prépare la disparition d'un grand nombre de monastères. Les protestants profitent de la détente. générale; l'édit de novembre 1787 leur rend l'état civil. Ce sont des signes avant-coureurs de la prochaine liquidation. Cependant le clergé romain est toujours le premier ordre de la nation. Il est le plus riche, il est encore le plus puissant, au moment où va s'ouvrir la période de la Révolution française.

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La suppression de la dîme, dans la fameuse nuit du 4 août, inaugure, pour le clergé, un ordre social nouveau. L'historique des discussions, qui agitèrent alors l'Assemblée nationale, est suffisamment connu et nous ne l'entreprendrons pas ici. On sait qu'après avoir affirmé solennellement les Droits de l'Homme, l'Assemblée, inquiète à l'annonce des troubles et des violences qui affligeaient les provinces, lasses d'être pressurées, dans un mouvement spontané déclara que l'impôt serait désormais payé par tous les membres de la nation, que les droits féodaux seraient rachetables, et que les servitudes personnelles seraient radicalement abolies.

Ces sacrifices, acceptés du clergé et de la noblesse par le souci de sauver du naufrage l'existence même de leurs ordres, provoquèrent un bel enthousiasme. Avec une égale sincérité, chacun affirmait son dévouement à la chose publique par l'abandon d'un de ses privilèges, d'un de ses droits séculaires. Il se produisit ainsi comme un entraînement à la renonciation. A deux heures du matin, tout était consommé. Aussitôt, les membres du clergé, se ressaisissant, accusèrent l'Assemblée de précipitation.

Le 11 août, Camus se vit obligé de combattre le maintien des Annates, réclamé par de prétendus banquiers « en cour de Rome », qui en faveur de leur proposition se disaient partisans d'une entente entre la France et l'Italie. Camus déclara que les richesses expédiées à Rome étaient perdues pour la France. La veille, Sieyès avait démontré qu'il avait été

bien entendu, le 4 août, que la dîme appartenait, en toute légitimité, à l'Etat et que ce n'est point platoniquement que des sacrifices avaient été faits à l'intérêt national.

Le projet d'arrêté destiné à sanctionner les décisions prises pendant la nuit du 4 août était en butte aux attaques sournoises de deux ordres qui s'étaient, contre eux-mêmes, dépouillés de leurs plus chers privilèges. Mais, en dépit de tous leurs efforts, la nation eut le dessus. Le 11, tous les articles furent décrétés.

Le régime féodal était à tout jamais anéanti. Les dîmes de toutes natures se trouvaient détruites, « sauf à aviser aux moyens de subvenir d'une autre manière à la défense du culte divin. »

L'Etat paraissait donc, par cette formule, reconnaître une obligation le liant au clergé. Cependant, dans les écrits du temps, inspirés clairement par le tiers ordre, on lit que le prêtre doit vivre désormais de l'autel et que le fidèle doit contribuer à la dot du pasteur. Assurément, la situation de l'Etat vis-à-vis du clergé n'apparaissait pas encore aux membres de l'Assemblée nationale sous un jour très clair.

Le tiers état réformateur se contentait du résultat positif atteint : 133 millions de livres, soit 250 millions de francs, revenant à la partie la plus travailleuse de la nation au lieu d'aller annuellement grossir les recettes du budget clérical.

Des obligations nouvelles, du fait même de cette suppression, liaient-elles l'Etat au clergé ? Rien ne paraît moins certain. Mais il n'est pas moins vrai qu'une situation équivoque venait de surgir, situation. qui durera jusqu'au 10 octobre, jour où Talleyrand spécifiera nettement les droits de la nation sur le clergé.

L'évêque d'Autun était partisan de l'accomplissement total des réformes. Il était d'avis que l'Etat de

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