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ALLEMAGNE

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LA PROTECTION

DES

HOSPITALISÉS ET PRISONNIERS

victimes d'accidents

(Jurisprudence et Loi du 30 juin 1900).

ANALYSE ET TRADUCTION PAR M. E. FUSTER.

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La loi du 30 juin 1900 sur la protection des prisonniers victimes d'accidents va entrer en vigueur. Il nous paraît intéressant, à cette occasion, de montrer quelle est, au regard de la législation allemande sur les accidents du travail, la situation de toutes les personnes assistées ou internées.

1° Assistés. Les lois organiques sur l'assurance ne contiennent pas de disposition spéciale au travail effectué dans les asiles de toute nature, publics et privés, par des faibles d'esprit, aliénés, infirmes, assistés par le travail, etc. Mais l'Office impérial des assurances a eu plusieurs fois l'occasion de se prononcer. I! nous suffira de résumer ses arrêts.

Le principe général proclamé à propos des faibles d'esprit est le suivant. Si le travail effectué motive assurance, il n'y a pas lieu de rechercher dans quelle mesure l'ouvrier est physiquement ou mentalement robuste et sain. C'est ainsi qu'un arrêt de l'Office impérial des assurances a déclaré assujetti à l'assurance contre les accidents un individu faible d'esprit, non interné, que l'entrepreneur d'une exploitation assujettie occupait à des travaux très faciles, en le payant du reste en nature (pensions et vêtements). La corporation et le tribunal arbitral se refusèrent, le jour où cet individu fut blessé, à le considérer comme un ouvrier au sens de la loi. Mais l'Office impérial déclara, sur recours du blessé, que, si faible que fût la force mise par le blessé à la disposition de l'entrepreneur, elle servait à ce dernier, elle lui procurait un certain profit et que, par conséquent, elle mettait le blessé dans la situation.

de tous les ouvriers visés par la loi. Le blessé fut donc considéré comme assuré (1).

Il s'agissait là d'un faible d'esprit, laissé libre. Quid des internés ou assistés?

L'Office impérial avait déjà eu à s'occuper de la situation des épileptiques internés. D'après sa jurisprudence, si ces épileptiques sont employés par un industriel en dehors de l'asile, ils sont considérés comme assurés, bien entendu en tant que l'exploitation dudit industriel rentre elle-même dans la catégorie des exploitations assujetties à la loi. La loi, proclame l'Office, ne fait pas de distinction entre les ouvriers réputés sains d'esprit et les faibles d'esprits employés dans cette exploitation. Tous doivent au même titre bénéficier de l'assurance. Mais si les épileptiques sont occupés dans l'intérieur de l'asile à des travaux de menuiserie, reliure, serrurerie, etc..., travaux organisés en vue de contribuer au traitement des malades, il ne sont pas considérés comme assurés (2).

La même année, l'Office impérial jugeait dans le même sens qu'un aliéné interné, qui avait été employé sur l'ordre de l'asile par un industriel et pour le compte de celui-ci, devait être considéré comme assuré (3).

Au contraire, des aliénés internés qui avaient été occupés dans une exploitation agricole reliée à l'asile et située dans les limites (dans la propriété) de celui-ci, ne sont pas considérés comme assurés (à la différence des gardiens qui soit s'occupent de ces travaux agricoles, soit du moins dirigent et surveillent lesdits aliénés pendant leurs travaux, et qui sont à ce titre considérés comme des collaborateurs ordinaires, des ouvriers de cette exploitation) (4). L'Office impérial a assimilé aux industriels un établissement charitable privé. Une exploitation de petite menuiserie, assujettie en soi à l'assurance mais reliée à cet asile, occupait à la fois des individus sains et des faibles d'esprit ou personnes débiles qui ne pouvaient seules subvenir à leurs propres besoins et qui étaient adressées à cette œuvre par des communes ou des particuliersmoyennant le paiement de très faibles pensions. Le travail fourni par ces malades était presque toujours loin de couvrir les autres frais faits pour eux; ils se trouvaient ainsi en partie à la charge

(1) Amtliche Nachrichten, 1890, p. 512.

(2) A. N., 1888, p. 248.

(3) Décision du 2 mars 1888, citée par le Handbuch.

(4) Décision du 8 mai 1895, citée par le Handbuch.

de l'œuvre et des personnes charitables qui la subventionnaient. Néanmoins, l'Office a considéré que ces malades devaient être considérés comme assurés, leurs forces, si faibles qu'elles fussent, étant employées au profit de l'entreprise et les motifs charitables de leur emploi ne pouvant être pris en considération (1).

En somme, l'interprétation de la loi donnée dans ces diverses espèces est conforme à celle qui a été adoptée en ce qui concerne l'ensemble des établissements d'assistance. Les hospitalisés qui y travaillent sont considérés comme ouvriers dès qu'ils ont la même activité que des ouvriers proprement dits, car le motif de leur admission, qui est la charité, n'exclut pas le fait du gain réalisé grâce au travail de ces personnes par leur entrepreneur du moment. C'est ainsi que des ouvriers sans travail, assistés dans les stations de secours en nature, et employés par elles pendant quelques heures par jour en échange du logis et de l'entretien, sont considérés comme assurés (2). De même, pour un ouvrier qui travaillait volontairement à entretenir la chaussée, en échange des mêmes prestations.

Les colons d'une colonie de travail agricole (fondée par une association qui se propose d'occuper les personnes sans travail et livrées au vagabondage), sont de même considérés comme assurés. Il est admis dans ce dernier cas que l'entrée et la sortie de l'établissement sont libres, que les colons ne sont pas astreints au travail sous peine de punitions corporelles, et que l'inobservation des règlements a pour seule conséquence l'exclusion (3).

Mais ces colons ne sont assurés qu'aussi longtemps que leur travail s'effectue dans une exploitation visée par la loi. Ils ne sont pas assurés contre les accidents survenus pendant leur séjour dans la colonie, mais seulement contre ceux survenus au cours d'un autre travail. La question de savoir si l'accident a eu, avec un travail soumis à l'assurance, un rapport immédiat, est jugée d'après les règles en vigueur pour tout le reste de l'industrie. Il en résulte notamment que les accidents survenus pendant le trajet de la colonie au lieu où s'effectue un travail extérieur, ne sont en général pas garantis, même si les colons se rendent à ce travail en colonne et sous la surveillance des gardiens (44).

(1) A. N., 1891, p. 233.

(2) A. N., 1890, p. 194, 1891. p. 237, 1887, p. 51.

(3) A. N., 1889, p. 194.

(4) A. N., 1895, p. 232.

Les assistés soumis à des travaux sont donc en principe des << ouvriers », c'est-à-dire des assurés. Mais on vient de voir que leur travail doit être un travail de nature à permettre à l'entrepreneur de réaliser un gain. Il en est résulté que l'Office impérial a exclu de l'assurance divers travaux qui n'avaient pas pour but un gain, et devaient seulement moraliser les personnes soumises à ces travaux :

Par exemple un home pour jeunes filles, fondé en vue d'enseigner les travaux domestiques et notamment le blanchissage à des jeunes filles sortant de l'école, n'a pas été soumis à l'assurance. De même une colonie de travail, où quarante personnes fabriquaient, contre une très faible rémunération, des objets en paille, etc..., sans moteurs (1).

2° Prisonniers et internés. - Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi de 1900, le principe en vigueur était celui-ci : les ouvriers protégés par la loi d'assurance ne pouvaient être que des personnes libres. Les prisonniers qui travaillaient dans la prison ou au dehors pour l'État ou pour un entrepreneur privé n'étaient donc pas assurés. Cette interprétation était conforme aux règles générales concernant le contrat de travail. L'application des articles relatifs au calcul du salaire et des rentes, au traitement hospitalier, aux rapports avec les caisses de maladie, ainsi qu'aux droits de l'ouvrier quant à sa représentation dans les tribunaux arbitraux et dans les commissions d'étude des ordonnances préventives, n'est possible que si l'on est en présence d'ouvriers libres.

Ce principe était applicable, non seulement aux prisonniers, mais encore à toutes les personnes internées dans des maisons de travail ou de correction (Landarmenhauser, Wohnhauser) à titre de Korrektionäre, Detinenden, Häüslinge, Haftlinge (2).

Quant aux ouvriers libres occupés à côté des prisonniers, ils sont assurés si l'entreprise elle-même est assurable. De même les gardiens (espèce buanderie d'une prison).

En fait, il arrive constamment que les détenus soient soumis à un travail en fabrique. S'il a pour conséquence de procurer un profit à l'entrepreneur, ces prisonniers sont assurés. Le nombre des prisonniers employés peut aider à apprécier si l'entreprise qui les occupe doit être considérée comme une fabrique. C'est ainsi qu'un ate

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lier de cordonniers, ayant 37 machines, occupant 350 détenus à coté de 9 ouvriers libres, et vendant ses produits en gros, a été considéré comme soumis à l'assurance.

Mais l'Office a déjà considéré comme assuré un atelier de fabrication de lingerie qui occupait 5 détenus seulement (il est vrai avec des machines).

Il a été jugé qu'il y avait exploitation avec gain (donc assurance) dans le cas d'un atelier de tissage dans lequel un grand nombre de détenus d'une maison provinciale de correction étaient employés. En effet, bien que ces travaux eussent pour but de moraliser les détenus, ils avaient pour résultat un gain assuré à couvrir les frais de la maison de correction. Peu importait dans l'espèce que la maison dépendit d'une autorité publique.

Analyse de l'exposé du projet de loi déposé le 3 janvier 1900. - Les lois impériales sur l'assurance-accident ne s'appliquent pas en règle générale aux individus internés dans les prisons, maisons de correction, etc.., et qui effectuent des travaux comparables aux travaux motivant par ailleurs assurance. De même, le Code d'industrie (Gewerbeordnung) ne considère pas le prisonnier comme un « ouvrier ».

Les prisonniers, en effet, ne sont pas comparables aux personnes qui passent librement un contrat de travail avec leur entrepreneur; ils ne touchent pas de salaire, au sens des lois sur l'assurance; on manque ainsi de la base prévue pour les calculs nécessaires et surtout pour le calcul des rentes.

Les entrepreneurs eux-mêmes ne ressemblent pas aux patrons groupés par la loi en corporations; ils ne sont pas libres de choisir leurs ouvriers et ne traitent pas librement avec eux; enfin on ne saurait confondre ces travaux, dominés par la préoccupation de la pénalité ou de l'amélioration, avec les exploitations industrielles organisées exclusivement et librement en vue de la production et du gain.

Toutefois, l'absence de protection légale des prisonniers victimes d'accidents aboutit à des abus.

D'abord, l'interné qui reprend la vie libre, sa peine finie, reste peut-être estropié, réduit dans sa capacité de gain, du fait d'un accident subi au cours de sa peine : ce qui donne à son emprisonnement des conséquences exagérées et imprévues lors du jugement, car s'il avait subi cet accident au cours d'un travail libre, il aurait eu droit à une réparation.

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