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entre deux prétendans au trône impérial; nouveaux boulever. semens dans les grands Etats de l'association germanique.

Ce fut pendant le grand interrègne que se formèrent ces ligues fameuses des villes du midi et du nord, dont l'objet fut de chercher, dans une réunion de forces pour la défense commune, une protection qu'un sceptre avili ne pouvait plus garantir. Celle du midi fut composée de Mayence, Cologne, Worms, Spire, Strasbourg, Bâle, et de plus de soixante autres qui s'y adjoignirent successivement. Elle a été appelée confédération du Rhin; le commerce était le principal objet de cette association. Les villes confédérées avaient contracté l'engagement d'armer jusqu'à six cents bâtimens sur le Rhin. On a nommé Hanse ou ligue Hanséatique cette fédération commerciale plus fameuse de Lubeck, Brème, Hambourg, Brunswick, et de plusieurs autres villes de l'Allemagne septentrionnale, qui s'accrut d'un grand nombre de cités floris. santes dans toute l'Europe, et devant laquelle les couronnes du nord furent quelquefois obligées de faire fléchir leur orgueil.

S. XV. De la noblesse immédiate.

On a accusé l'érudition germanique en droit public d'attribuer trop généralement à l'époque du grand interrègne l'origine de toute institution dont la date certaine restait vague encore après de longues recherches. Ce reproche peut quel quefois être juste, mais il ne le serait point ici. On trouve bien, à la vérité, des traces de l'existence de la noblesse immédiate dans l'Empire avant le 13° siècle; mais il semble qu'on peut fort raisonnablement fixer l'établissement de l'immédiatité à l'époque marquée par de grands bouleversemens, par plusieurs extinctions dans les suzerainetés féodales. Il est assez naturel de penser que la noblesse dût saisir les occasions qui lui étaient offertes de secouer une vassalité d'un ordre inférieur, et qui en devenait souvent par cela seul plus onereuse, afin de ne plus relever que de l'empereur et de l'Em

pire; une remarque historique vient à l'appui de ce système, c'est que ce fut précisément dans les Etats des maisons de Franconia et de Souabe, qui s'éteignirent sur le trône impérial, que la noblesse immédiate forma un corps plus nombreux.

La noblesse immédiate, pour terminer à peu près tout ce que nous avons à en dire, était un corps qui ne reconnaissait pour chef que le corps germanique et l'empereur; tandis que la noblesse médiate était celle qui se trouvait placé sous la domination de quelque Etat de l'Empire.

Les nobles immédiats n'étaient point Etats d'Empire; car ils n'avaient point de suffrages à la diète (1), malgré de fréquentes tentatives faites à cet égard.

Ce corps était divisé en trois cercles (2): celui de Franconie, celui de Souabe et celui du Rhin. Ces trois cercles avaient un directoire commun, choisi tour à tour tous les trois ans dans chacun d'eux. Chaque cercle avait, en outre, un capitaine, et un tribunal dont les appels ressortissaient au conseil aulique, ou à la chambre impériale.

La noblesse immédiate était en possession de hautes prérogatives, que les capitulations impériales avaient confirmées, elle pouvait former des assemblées générales et des diètes particulières. Elle avait le droit de légation pour tout le corps en général ou pour chaque cercle en particulier. La juridiction ecclésiastique lui était assurée (3). Elle jouissait du droit de collecte, c'est-à-dire, de la faculté de pouvoir imposer ses sujets pour fournir à l'empereur un don gratuit appelé subsidium caritativum. C'étaient les principales prérogatives dont jouissait la noblesse immédiate en corps. Il faut comprendre que ses membres possédaient individuellement la supériorité territoriale, bien qu'à quelques égards elle leur fût contestée.

(1) Voy. Je parag, XIII.

(2) Ritterkreise.

(3) Capitul, imp. art. 23. — Traité d'Osnabruck, etc.

Voilà l'idée qu'on peut se faire de ce corps dont l'illustration n'eut jamais qu'un éclat sans importance dans l'empire, et que les dernières révolutions de l'Allemagne ont fait disparaître probablement sans retour.

S. XVI. Des Austrègues.

La féodalité était devenue constitutive dans l'Empire à peu près vers l'époque où la couronne la renversait ailleurs, pour mettre à la place de ses pesantes chaînes les franchises nationales avec ses propres droits. Le territoire avait été coupé en une infinité de petits Etats particuliers, par les partages successifs des grands fiefs. La surface de l'Allemagne se trouvait couverte d'une foule de souverains dont la civilisation chevaleresque approchait de la barbarie. Le sort des peuples était déplorable.

Le principe d'allégement, qui avait fait naître les communes et les grandes ligues, produisit aussi un établissement qui devait avoir une heureuse influence sur cet état de choses. Le fer avait jusque là terminé tous les différends. On reconnut enfin que le jugement d'une expérience calme et désintéressée serait à la fois un peu plus juste et un peu moins onéreux pour les sujets. Alors s'établit une sorte d'arbitrage pacifique, au moyen duquel une foule de contestations se trouvèrent vidées, sans l'effusion du sang de ceux à qui elles importaient ordinairement si peu. De là naquirent ces Austrègues (1) juges ordinaires pendant long-temps des causes des membres immédiats de l'Empire (2).

On distinguait entre Austrègues conventionnels, c'est-à-dire établis par des pactes particuliers et Austrègues légitimes introduits par les lois de l'Empire, dans les Etats qui n'avaient point établi les premiers. Les sentences austrégales étaient portées par appel devant la chambre impériale, et le conseil

(1) De vieux mot Austragen, le même que Entscheiden.- Décider. (2) Recès de 1555, § 22.

aulique, et les seules causes dont connaissaient ces deux tribunaux étaient aussi déférées aux Austrègues (1). Au reste l'usage de ces arbitres était devenu peu fréquent dans les derniers temps de l'existence de l'Empire. Je reprends la série des faits.

S. XVII. Maison de Luxembourg (14°. siècle.)

Albert ler d'Autriche, dont le règne est marqué par une célèbre révolution qui enleva plusieurs provinces à l'Empire et régénéra l'antique Helvétie, mourut assassiné. Après un interrègne de sept mois, la maison de Luxembourg fut placée sur le trône dans la personne de Henri VII. Cette dynastie interrompue par Louis V de Bavière a fourni cinq empereurs, parmi lesquels est Charles IV dont le nom se rattache à l'acte le plus fameux de la constitution germanique. Après ces princes commence la longue série des monarques de la maison d'Autriche. C'est maintenant enfin que la loi politique va consacrer ce que les armes et la fortune ont fait jusqu'ici, et qu'un gouvernement régulier va sortir du sein de ces usurpations successives que nous avons eu à retracer.

Les Etats de l'Empire (2), ou les diètes, comme on voudra les appeler, avaient rempli, jusqu'à cette époque, un rôle important dans les affaires de l'Allemagne. Mais la noblesse et le clergé seuls y siégaient, et le tiers-état, pour nous servir d'une expression française, n'y avait point encore été admis. La diète de Spire, en 1309, où l'empereur était parvenu à faire placer la couronne de Bohême sur la tête de son fils Jean l'Aveugle, est la première où vinrent siéger des députés des villes immédiates ou impériales. C'était peu d'années auparavant que Henri III et Philippe-le-Bel avaient définitivement appelé les communes dans leurs parlemens de

(1) Schmaus, liv. 2, chap. II.

(2) Reichstände. Il ne faut pas confondre ces assemblées avec les états provinciaux (land stände) sur lesquels nous reviendrons quand il sera question de l'existence politique des divers membres du corps germanique.

France et d'Angleterre. Partout les esprits commencaient à s'agiter et à concevoir la possibilité d'un ordre meilleur que celui qui régissait l'Europe depuis la fondation des Etats modernes.

S. XVIII. Louis V.

Henri VII avait fait, ce qu'on appelait alors, l'expédition romaine. Un simple acte de présentation en Italie de la part des empereurs suffisait pour alarmer le pontife, et renouveler les anciennes querelles qui avaient causé tant de troubles.

Louis V de Bavière fut élu, après un interrègne de quatorze mois, pour succéder à Henri, mais seulement par une portion des électeurs; l'autre portion déféra la couronne impériale à Frédéric, duc d'Autriche. Il fallait une guerre civile pour décider entre ces deux compétiteurs. On se battit donc et la victoire assura l'Empire au Bavarois.

Mais il y avait alors à Avignon, devenu siége du suprême pontificat, depuis quelques années, un pape émule de Grégoire VII, d'Innocent III et de Boniface VIII, c'était Jean XXII. On a de la peine à comprendre l'extravagance des prétentions de ce pontife; mais, soit que cette vaine cérémonie du couronnement à laquelle les empereurs semblaient toujours attacher de l'importance, y donnât quelques fondemens à ses propres yeux, soit qu'il voulût essayer par un grand coup de relever l'autorité du SaintSiége chancelante depuis Philippe-le-Bel, il déclara que c'était à lui qu'il appartenait de prononcer entre les deux contendans à l'Empire, avant que leur querelle eût été terminée par les armes.

Ceci amena un long différend. Le pape excommunia l'empereur, ct le déclara déchu de ses Etats; l'empereur à son tour, traversant les Alpes, et agissant en successeur des Othons et des Henris, déposa le pape dans une assemblée générale et le condamna à mort. Ni l'une ni l'autre de ces sentences ne fut exécutée, mais elles augmentèrent l'animosité entre les

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