Page images
PDF
EPUB

Contentons-nous de ce vif et rapide aperçu sur les affaires générales de cette époque; car elles n'ont en général que peu de trait à la constitution de l'Empire dont nous traçons l'histoire. En effet, le point qui avait causé la longue querelle des empereurs et des papes, avait été décidé par l'acte solennel dont nous avons parlé plus haut. C'est ailleurs que nous parlerons de cette cruelle guerre pontificale et de ces conciles célèbres qui avoient promis de réformer l'Eglise, et qui ne surent que dresser des bûchers pour les hussites.

Toutefois ces temps sont marqués pour l'Empire par quelques lois fondamentales ecclésiastiques dont il ne faut pas négliger de faire mention.

Nous avons parlé de la convention conclue entre le pape Calixte II et l'empereur Henri V : elle décidait un point important. Les siècles amenèrent d'autres difficultés. Il fallait pourvoir aux désordres introduits dans l'Eglise pendant les troubles fréquens de l'Etat. La nation germanique présenta, à cet effet, au concile de Constance, sous le titre de Avisamenta; les articles sur lesquels devait porter la réforme. Martin V ̧ ̧· crut terminer tous différends par un concordat passé en 1417 avec l'empereur Sigismond (1); mais ce concordat ne satisfit personne, et l'on trouva généralement qu'il ne portait remède à aucun des maux de l'Eglise.

Le court règne d'Albert II vit paraître un acte plus célèbre, et qui aurait pu devenir plus efficace, c'est celui qui est connu sous le titre de Pragmatique-Sanction de Mayence (2). Il fut dressé en 1439 par l'empereur, les électeurs et Etats d'Empire, de concert avec les députés du concile de Bàle. Cette pragmatique, comme celle de France, qui, comme on le voit, ne lui est antérieure que d'une année, rendait à la couronne ses justes droits. Elle proclamait la supériorité des conciles sur le pape, abolissait les annates et toutes réserves et grâces expectatives: elle interdisait l'appel en cour de Rome. (1) Van der hardt act, conc. Constant,

(2) Sanctio prag. germanorum, etc., publiée par Koch en 1789, in-4°.

Cet acte important ne fut pas défendu en Allemagne, comme le fut en France la pragmatique-sanction de Bourges par les successeurs du célèbre Gerson. On en méconnut très-promptement les principes, et dix ans après seulement, le pape Nicolas V arracha au faible Frédérick III son adhésion au concordat qui a fait loi dans l'Empire jusqu'à sa dissolution.

Son contenu se réduisait à quelques points principaux; 1o il laissait au pape le droit de conférer les évêchés et tous es grands bénéfices vacans en cour de Rome; 2° les chapitres avaient le droit d'élire, à condition que l'élection fût confirmée par le pape; 3° les chapitres et la cour de Rome avaient alternativement le droit d'élire, pendant un mois, pour les canonicats et bénéfices mineurs; 4° les annates étaient restituées.

Il était de principe que tel Etat d'Empire qui pouvait prouver qu'il avait protesté contre cette convention à l'époque de son introduction, et qu'il ne l'avait jamais exécutée (1), n'était point tenu de s'y soumettre.

S. XXIV. Maison d'Autriche.

Deux princes de la maison de Habsbourg avaient déjà régné sur l'Empire. « Après Rodolphe, dit un écrivain dis

[ocr errors]

tingué (2), les princes de sa maison n'avaient jamais perdu de vue le plan primitif du fondateur de leur puis»sance, celui de se former en Allemagne une grande masse » d'Etats héréditaires, qui pût fixer l'Empire dans leur » maison et en faire plus qu'un vain titre. » Cette maison remonta dans la personne d'Albert II, sur un trône qu'elle devait occuper trois siècles, avec cette alternative de gloire et d'abaissement, sort ordinaire d'une grande fortune.

Cette puissance autrichienne était, dès ce temps, assez vaste. Les royaumes de Bourgogne et d'Arles avaient cessé d'exister après divers démembremens successifs; mais indé

(1) Institution au droit public d'Allemagne, liv. 1, chap. vII. (2) Ancillon, tableau du systéme politique de l'Europe, t. I.

pendamment du double titre de souveraineté 'impériale, en Allemagne et en Italie, dont jouissaient ces princes, ils possédaient encore l'Autriche, le Tyrol, la Bohême et la Hongrie. Frédérick III, en faisant épouser à son fils l'héritière des ducs de Bourgogne, adjoignit à ces possessions ce qu'on appela dès-lors les Pays-Bas. Il ne fallait qu'un homme de génie à la tête de tous ces Etats, pour dominer l'Europe; et il naquit précisément du fils de Maximilien d'Autriche et de Marie de Bourgogne.

Frédérick dirigea, pendant un demi-siècle, les rênes de l'État, d'un bras sans vigueur. Sous son règne l'autorité impériale, qui seule pouvait mettre des bornes à l'état de désordre dans lequel devait se trouver naturellement l'Empire, déclina de jour en jour. Le sceptre ne fut plus que le jouet de toutes les ambitions qui se disputaient ce sol malheureux. Les grands apprirent à mépriser les lois; le joug sous lequel le peuple gémissait devint plus pesant encore. L’'anarchie fut complète. Ce fut une des époques les plus désastreuses pour la nation. La tradition en a conservé le souvenir, sous le nom de domination du droit du plus fort (1).

Il se fit, sous ce règne, des changemens importans dans l'organisation de la diète. Mais ce n'est pas encore le lieu de nous occuper de ce point important de la constitution germanique.

•§. XXV. Paix publique.

Il paraît que le peuple allemand fut de tous les peuples modernes celui qui comprit le plus tard, que la justice n'existe dans l'état social que pour servir de contre-poids à la force. Il fallut plusieurs siècles pour déterminer la noblesse à reconnaître des lois au-dessus des armes, et ce ne fut qu'après des tentatives multipliées que les empereurs parvinrent à détruire cette souveraine juridiction du glaive, que chaque possesseur de fief défendait comme un droit

(1) Faust-und kolben-recht.

[ocr errors]

sacré. Telle devait être cette nation, postérité directe et sans mélange des farouches Germains.

Cet ordre de choses avait pris une sorte de régularité. Le gouvernement, souvent trop faible pour pouvoir opérer une révolution complête, chercha du moins à y introduire quelques pratiques qui ressemblassent à de l'équité; il y eut un peu d'ordre dans le désordre. C'est ainsi que la loi politique consacra les défis et le droit canonique, la trève du Seigneur. La trève marquait certains jours auxquels il n'était pas permis de poursuivre son ennemi, et certains lieux qui étaient pour lui un asyle inviolable. Les défis servaient d'avertissemens, et lui offraient des délais comme nous l'avons dit ci-dessus. Ils se faisaient en personne, par tiers ou par lettres. Celles-ci étaient ainsi conçues : Nous nobles....faisons savoir à vous......, que n'ayant pu parvenir à nos droits, nous vous annonçons que nous vous poursuivrons par le pillage, l'incendie et l'assassinat, le tout contre vous et les alliés de vos alliés. Nous vous attendrons trois jours et trois nuits. Des suzerains cet usage s'était étendu aux vassaux. Voilà ce qu'on a appellé le droit mannuaire.

Rodolphe de Habsbourg avait cherché à ramener le règne des lois, en portant une paix publique pour trois ans, et en faisant démolir un grand nombre de ces châteaux escarpés où l'on pouvait se soustraire à leur autorité. Ses successeurs marchèrent sur ses traces, mais infructueusement. Enfin cet état de brigandage devint tel sous Frédéric III, comme on vient de le dire plus haut, que les Etats eux-mêmes s'en lassèrent, et engagèrent Maximilien I à rendre le repos à l'Allemagne par une paix publique perpétuelle. Elle fut ar rêtée à la diète de Worms, en 1495.

Elle contient deux parties, la première, abolit les défis et porte la peine du ban contre les infracteurs; la seconde crée la chambre impériale. Il faut expliquer ces deux objets.

S. XXVI. Ban de l'Empire.

Le ban de l'Empire était, ce me semble, le plus anciennement la confiscation des biens au profit du fisc et des fiefs au profit du suzerain, portée par l'empereur comme juge suprême. Les Etats la confirmaient-ils toujours? C'est ce qu'il est difficile de déterminer d'une manière précise. On peut penser que ce fut un acte de souveraine puissance, quand le monarque fut véritablement puissant et que les Etats prétendirent au droit d'y prendre quelque part, quand ils se trouvèrent en position de faire la loi. Au reste, dans les derniers temps, l'action du sceptre fut limitée à cet égard.

La paix publique réglait les cas dans lesquels le ban pouvait être encouru. Voici dans quelle forme barbare la peine était anciennement prononcée : « Nous déclarons ta femme veuve, tes enfans orphelins, tes fiefs retournés à ton seigneur direct. Donnons ton héritage et tes propres à tes enfans, ton corps et ta chair aux animaux qui sont dans les forêts, aux oiseaux qui sont dans l'air, et aux poissons qui sont dans l'eau ; nous t'abandonnons à tous et un chacun sur tous les chemins, et voulons que tu n'ayes ni paix ni sauf-conduit, là où chacun en a, nous te montrons les quatre chemins du monde au nom du diable. Cette formule a dans les derniers temps été ainsi modifiée: Nous te mettons de la paix dans la discorde, et abandonnons ton corps et tes biens à tous et un chacun.

Les dernières capitulations impériales avaient arrêté que l'empereur ne pourrait mettre au ban de l'Empire personne, de quelque condition que ce fût, sans le consentement des électeurs, princes et Etats; et voici comment des condamnations pareilles étaient portées. Quand le procès avait été instruit à la requête du procureur fiscal de l'Empire, soit devant la chambre impériale, soit devant le conseil aulique, les pièces en étaient déférées à la diète pour y subir un examen, après lequel le jugement était prononcé. Ce jugement devait être approuvé par l'empereur, et l'exécution en était confiée au cercle dans lequel le condamné avait sou établissement.

« PreviousContinue »