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tait bien des inimitiés, des jalousies de puissance à puissance, dont le traité du 15 février 1815, entre la France, l'Autriche et l'Angleterre était l'expression, mais au demeurant les conférences tendaient à leur fin et les objets principaux étaient moralement réglés.

On était au milieu des plaisirs à Vienne, les fêtes s'y succédaient, lorsque la nouvelle du débarquement de Bonaparte au golfe Juan parvint au congrès. Elle y arriva par la Toscane avec une rapidité surprenante. Le 5 mars au soir, les souverains et une grande partie du corps diplomatique étaient réunis dans une de ces fêtes, brillans épisodes au milieu des sérieuses opérations du congrès. Jamais la politique n'avait été plus oubliée pour les petites intrigues amoureuses de salon. Tout-à-coup on aperçoit les empereurs d'Autriche, de Russie, et le roi de Prusse qui se retirent dans un coin du salon et s'entretiennent fortement préoccupés. Une vive agitation se manifeste parmi les spectateurs; on se demande partout avec inquiétude ce qui peut occasionner ce trouble, et bientôt on apprend que Bonaparte a quitté l'île d'Elbe le 25 février. On ne savait point encore où s'était dirige

la flotte, sur quel point Napoléon allait débarquer. Cette nouvelle était arrivée à vol d'oiseau; elle jeta la plus vive inquiétude. L'état de fermentation de l'Italie était connu. Bonaparte allait-il soulever cette population mécontente? Se portait-il vers Naples pour fortifier les résolutions belliqueuses de Murat! Les monarques n'ignoraient pas non plus l'état de la France, les partis qui s'y agitaient violemment autour d'un trône faible et presque abandonné par l'opinion. Le 8 mars, à cinq heures du soir, un nouveau courrier de Sardaigne apporta la nouvelle que Bonaparte était débarqué à Cannes, et qu'il se dirigeait au pas de course vers les montagnes de la Provence.

Dans cet intervalle, MM. de Talleyrand, le duc de Wellington, le prince de Metternich étaient partis de Vienne pour Presbourg, afin de notifier au roi de Saxe, captif, la résolution du congrès qui lui enlevait une partie de ses États. M. de Talleyrand, ayant reçu les dépêches de Sardaigne, exposa à ses deux collègues la nécessité d'une démonstration énergique de la part des grandes puissances, afin d'arrêter par la menace d'une

guerre générale, les progrès que Bonaparte pourrait faire en France. Peu d'objections furent présentées, attendu que cette démarche était une simple mesure de précaution. Le duc de Wellington fit même observer qu'il pourrait être utile que la proposition vînt du cabinet de Vienne pour éloigner toute idée d'un concours, d'une intelligence entre l'Autriche et Napoléon. M. de Metternich s'offrit volontairement à porter la parole ⚫ dans le comité dirigeant.

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Dans la conférence du 21 mars, entre les plénipotentiaires des huit puissances, M. de Metternich exposa que Napoléon, en quittant l'île d'Elbe et en débarquant sur les côtes de France avec des hommes armés, s'était ouvertement constitué perturbateur du repos public; que, comme tel, il n'était plus sous la protection d'aucun traité, ni d'aucune loi; que les puissances signataires du traité de Paris se trouvaient particulièrement appelées à conserver la paix de l'Europe; qu'elles devaient donc déclarer qu'elles étaient prêtes, en cas de besoin, à fournir à Sa Majesté Très Chrétienne les secours qu'elle pourrait juger convenables pour le maintien de toutes les stipulations du traité de Paris. »

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Le système de M. de Metternich était donc de s'appuyer sur le traité de Paris pour fournir le secours de l'Europe entière au roi Louis XVIII; et c'est ce qui amena la déclaration de Vienne, monument si remarquable qui constate l'esprit du congrès et la tendance de ses résolutions.

Les puissances disaient d'abord qu'informées du débarquement de Bonaparte, elles devaient au monde une déclaration solennelle; Bonaparte en brisant son ban à l'île d'Elbe s'était privé de la protection des lois; désormais il ne pouvait y avoir ni paix, ni trève avec lui, et même toutes relations sociales étaient brisées. Elles déclaraient : « qu'elles voulaient maintenir intact le traité de Paris du 30 mai 1814, et garantir la France de tout attentat qui la menacerait d'une nouvelle révolution. »

L'attitude nouvelle que le débarquement de Bonaparte donnait à la diplomatie devait immédiatement hâter la conclusion des actes du congrès; un tel fait était d'un intérêt si grand que toutes les petites querelles devaient s'effacer devant la nécessité impérative d'en finir avec sa puissance. Désormais tout fut militaire à Vienne, tout se résuma en traités de subsides, de contin

gens, pour porter des armées immenses contre Bonaparte.

Et dans cette action militaire forte et simultanée, les questions secrètes durent également tenir leur place. On examina donc à Vienne, comme appendice, un point de politique très sérieux. Le voici : L'empereur Alexandre fort mécontent de la branche aînée des Bourbons reçut plusieurs mémoires: si l'Autriche n'était pas enticrement éloignée d'une régence avec Marie-Louise et le roi de Rome; si l'Angleterre faisait des protestations indifférentes et froides sur les éventualités de l'avenir laissées libres tout entières à la France, la Russie fort mécontente, je le répète, de la conduite un peu hautaine de Louis XVIII, était pressentie par quelques hommes d'Etat (je crois que le duc Dalberg était dans cette opinion) sur la possibilité de substituer le duc d'Orléans à Louis XVIII sur le trône de France. L'empereur Alexandre semblait y voir plus de garantie, une meilleure direction des idées, moins de contrariétés à ses desseins, et néanmoins après le débarquement de Bonaparte le torrent coulait tellement à pleins bords que tout fut abandonnné devant la

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