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pas donner dans le piége qu'on semble me tendre; je ne veux pas aggraver par des paroles inutiles les difficultés d'une situation dont tous ceux qui ne sont pas aveugles ou insensés doivent comprendre la gravité... (Très-bien!) Mon langage d'ailleurs ne ferait qu'affaiblir la vérité.

Je termine par un dernier mot qui ne sera pas une menace, comme on le disait tout à l'heure, qui sera un regret, une plainte et un désaveu. Si vous repoussez la proposition, je regretterai que vous n'ayez pas mieux compris les intérêts de votre propre gloire. Je plaindrai le pays de n'avoir pas rencontré en vous, après tous les services que vous lui avez rendus, des chefs plus identifiés avec sa pensée actuelle. Enfin je désavouerai, et, je ne crains pas de dire, nous désa

vouerons...

VOIX NOMBREUSES A DROITE. Oui! oui!

LE CITOYEN DE MONTALEMBERT. Nous désavouerons la responsabilité de tous les périls qui peuvent surgir de cette décision. (Rumeurs et interruptions à gauche.)

Et, croyez-le bien, encore une fois, je n'entends pas par ces périls l'émeute, l'envahissement, ou la violence matérielle; j'entends la discorde morale, j'entends le désaccord, le discrédit du pouvoir, la destruction de l'union entre les différentes classes de citoyens : voilà le péril dont nous désavouons la responsabilité, dont nous déposons la responsabilité tout entière sur vos têtes (interruptions); ou, si vous l'aimez mieux, à vos pieds.

Contemplez cette responsabilité avant de la soulever; jugezla, pesez l'opinion du pays (interruption à gauche), dont vous serez tôt ou tard nécessairement les justiciables; pesez l'opinion de la postérité ! Et ensuite ramassez cette responsabilité si vous l'osez (bruit et rumeurs à gauche); ou plutôt ne l'osez pas, je vous en supplie. Non, ne l'osez pas, unissez

vous à nous... (rires ironiques à gauche) dans une pensée d'union, d'harmonie et de patriotisme; unissez-vous pour réjouir tous les bons citoyens; ajoutez à tous vos services le plus grand et le plus signalé de tous, et sachez conquérir la gloire la plus rare, la plus précieuse, la plus grande qu'il soit peut-être donné de posséder ici-bas celle de savoir abdiquer à propos. (Vive approbation dans une grande partie de l'Assemblée.)

L'orateur, en descendant de la tribune, reçoit les félicitations d'un grand nombre de membres.

(Extrait du Moniteur du 13 janvier 1849.)

M. Billault répondit à M. de Montalembert, et s'éleva contre le pétitionnement favorable à la proposition, qu'il appelait un 15 mai moral, faisant allusion à l'envahissement et à la dissolution de l'Assemblée par l'émeute du 15 mai 1848.

Après un discours de M. Odilon Barrot, président du conseil des ministres, en faveur de la proposition, l'Assemblée alla aux voix. 400 voix contre 306 se prononcèrent pour la prise en considération.

Après les trois délibérations successives qu'exigeait la Constitution sur la proposition de M. Rateau, l'Assemblée adopta le 14 février un amendement présenté par M. Lanjuinais, aux termes duquel l'Assemblée devait terminer la loi électorale et se dissoudre après les délais nécessaires pour les nouvelles élections.

APPLICATION DU SUFFRAGE UNIVERSEL

AUX COMMUNES RURALES

ASSEMBLÉE NATIONALE

Séance du 17 février 1849.

L'article 30 de la Constitution, eu établissant le vote au canton, avait en même temps autorisé la division du canton en plusieurs circonscriptions et renvoyé la détermination de la forme et des conditions de cette division à la loi organique électorale. Le décret du 28 octobre 1848 pour l'élection du président de la République avait créé quatre sections par canton et attribué aux conseils généraux le soin de fixer la circonscription de ces sections. La commission chargée de préparer la loi électorale proposa de modifier cet état de choses. Les articles 24, 25 et 26 du projet étaient ainsi conçus :

<< Art. 24. Néanmoins, en raison des circonstances locales, le canton peut être divisé en circonscriptions.

« Art. 25. Cette division ne peut excéder le nombre de trois circonscriptions.

<< Art. 26. Le tableau des circonscriptions sera arrêté par le conseil d'État, sur les avis préalables et motivés donnés pour chaque département par le préfet et le conseil général. »

Dans la séance du 17 février, M. Dufournel proposa un amendement qui supprimait toute limite et attribuait aux conseils généraux le droit de multiplier indéfiniment les circonscriptions, suivant les circonstances.

M. Oscar de la Fayette sous-amenda cette proposition, en dela division ne pût jamais excéder le nombre de quatre

mandant que

circonscriptions.

M. de Montalembert le remplaça à la tribune.

Messieurs, l'article 30 de la Constitution, en établissant le vote au canton, a posé un principe que je me permets de trouver fâcheux et impopulaire, mais qui est obligatoire, et que personne ici ne peut vouloir ni violer, ni éluder. Mais en même temps, à côté de ce principe, le même article a immédiatement posé une dérogation, une atténuation à ce qu'il pouvait y avoir de fâcheux et d'impopulaire dans le principe.

J'invoque ici l'un des interprètes les plus autorisés de la Constitution, l'honorable M. Dufaure, qui remplissait alors les fonctions de rapporteur, et qui a opposé au vote à la commune la seule objection vraiment sérieuse, vraiment acceptable, la difficulté de trouver partout, dans toutes les communes, un bureau capable de juger et de relever les votes... (Réclamations à gauche.)

UN MEMBRE A GAUCHE. Il y en a bien d'autres!

LE CITOYEN DE MONTALEMBERT. C'est là la seule objection que l'honorable M. Dufaure ait fait valoir.

LE CITOYEN CHARTON. Elle est matérielle, il y en a de morales.

LE CITOYEN DE MONTALEMBERT. Je sais que vous en avez d'autres, et je les examinerai tout à l'heure. Mais je reste en ce moment dans les termes de la première discussion, et, je le répète, dans ceux que l'honorable M. Dufaure, alors rapporteur de la commission de Constitution, a lui-même portés à cette tribune.

Je dis qu'il s'agit, en ce moment, d'organiser la dérogation admise et proclamée par la Constitution elle-même au principe qu'elle a posé.

Eh bien, vous l'aviez organisée d'une façon transitoire, comme vous le disait l'honorable préopinant, par la loi du 28 octobre sur l'élection du Président. Si vous aviez maintenu cette organisation transitoire dans la loi organique et permanente, je n'hésite pas à dire que probablement tout le monde se serait rallié à ce moyen terme, et qu'il n'y aurait eu ni opposition ni discussion. Mais vous ne l'avez pas voulu.

Loin de là, qu'a fait la commission? En présence de cette organisation transitoire et des excellents résultats qu'elle avait produits, elle vient apporter une innovation on ne peut pas plus fâcheuse, on ne peut pas plus impopulaire.

En quoi consiste-t-elle? Dans la réduction du nombre des circonscriptions à trois, alors que le nombre de quatre avait déjà été trouvé insuffisant dans beaucoup de localités.... (Rumeurs à gauche. - Approbation sur plusieurs bancs), et dans l'attribution au conseil d'État de la fixation des trois circonscriptions.

Voilà les deux innovations détestables, selon moi, que le projet de votre commission vous propose de consacrer.

Or, d'abord, qu'est-ce que le conseil d'État? On vous le disait tout à l'heure, et on ne saurait trop le répéter, c'est non-seulement le deuxième corps de l'État, mais un corps essentiellement politique, et où la passion politique, ou, si vous aimez mieux, l'opinion politique doit nécessairement dominer. C'est à ce corps-là que vous donnez à juger, quoi? Des questions de convenance locale, des questions de topographie. Et non-seulement vous altérez ainsi le caractère auguste, le caractère essentiellement politique et élevé de ce corps, mais vous aggravez aux yeux du pays tout entier les inconvénients de cette centralisation outrée, contre laquelle tous les esprits vraiment patriotiques, dans toutes les opi

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