Page images
PDF
EPUB

session, nous permettait, dès aujourd'hui, d'émettre une opinion sur ces importantes matières, nous ajouterions qu'en comparant les élèves de cette académie à ceux que nous avions examinés dans une académie différente, nous craignons d'avoir à constater, par la faiblesse générale des candidats, une trop fàcheuse uniformité dans les études de toutes les parties du royaume. »

Voilà les paroles de M. Fortoul, doyen de la faculté d'Aix, telles que je les ai trouvées dans le Journal général de l'instruction publique, du 28 novembre 1846.

Voilà ce qu'il faut penser, d'après le jugement des hommes les plus impartiaux et les plus compétents dans la question, de cette fameuse supériorité de l'instruction universitaire, et de ce fameux niveau des études, qui n'est autre chose que celui d'une déplorable médiocrité.

Comment voulons-nous y porter remède? Nous ne prétendons pas pouvoir le faire par le texte de cette loi; mais nous espérons y contribuer en créant le conseil supérieur que vous avez déjà adopté et les quatre-vingt-six conseils départementaux que nous vous proposons en ce moment. Nous espérons commencer une réforme fondamentale dans l'enseignement national en appelant à cette œuvre, d'une part, la concurrence, el, de l'autre, le contrôle, l'initiative, l'action puissante, énergique des grands éléments sociaux, au premier rang desquels je n'hésite pas à placer, d'une part, les quatre-vingts évêques, et de l'autre, les quatre cents pères de famille, membres des conseils généraux, que nous appelons à siéger dans les conseils académiques : telle est notre pensée, telle est notre espérance.

Maintenant on viendra sans doute nous dire que dans ces conseils académiques on se disputera, qu'on se prendra aux cheveux, qu'il y aura des conflits, des luttes, comme dans le conseil supérieur. Il en sera peut-être ainsi. C'est une chance inévitable. Il nous est permis d'espérer le contraire. Nous

ferons, nous avons fait pour le mieux. Sans doute nous pouvons être trompés; si, par exemple, les quatre-vingts évêques de France refusent le mandat laborieux, mais glorieux que nous leur offrons, celui de garantir la liberté d'enseignement en même temps que de contrôler l'enseignement officiel; si la magistrature apporte, dans l'exercice de ces nobles fonctions auxquelles nous la convions, un esprit tout différent de celui qu'elle montre ailleurs, un esprit de routine et d'indifférence; si les chefs de l'administration publique de l'État, les préfets trouvent que les intérêts de l'instruction secondaire et de l'instruction primaire sont au-dessus d'eux; si, en dernier lieu, les pères de famille que nous investissons d'un mandat, qui, jusqu'à présent, ne leur avait jamais été confié et qui sera le mandat le plus auguste, le plus solennel et le plus efficace qu'ils auront à remplir, ah! sans doute, si tous refusent leur concours, s'ils répondent par l'indifférence, par la négligence, à notre tentative, alors, oui, nous serons trompés, notre espoir sera trahi. Mais savez-vous qui sera trompé avec nous? Ce sera la France entière, tous les hommes de bien qui, jusqu'au sein de l'Université elle-même, ont espéré, réclamé, préféré la liberté de l'enseignement et la concurrence, non pas comme l'aliment d'une polémique interminable, mais comme un remède sérieux aux maux de la société. Alors il sera prouvé une chose bien triste, c'est que la France est insouciante de l'intérêt le plus délicat et le plus sacré, de l'intérêt des générations futures, et que le régime qui lui convient le mieux est le monopole tempéré par l'indulgence.

Mais nous ne serons pas trompés, j'en ai la confiance; nous ne serons pas trahis dans notre attente. La très-grande majorité de l'épiscopat se dévouera à la sainte et laborieuse tâche à laquelle nous la convions; les préfets, les magistrats,

les administrateurs comprendront toute l'étendue de la nouvelle mission que nous voulons leur confier; les conseils généraux accepteront avec empressement cette extension de leur rôle, cette grande et noble augmentation de leur influence, de leur importance politique. Nous arriverons ainsi au résultat tant désiré. L'esprit d'union, de dévouement, de conciliation qui a fait la majorité de cette assemblée, se retrouvera dans le pays, et le pays nous saura gré de lui avoir donné une institution destinée à la fois à garantir la liberté d'enseignement et à relever l'enseignement public. (Vive approbation sur les bancs de la majorité.)

(Extrait du Moniteur du 13 février 1850.)

M. de Parieu, ministre de l'instruction publique, tout en défendant l'enseignement universitaire contre certains reproches du préopinant, confirma ce qu'il avait dit sur l'importance capitale de la mesure qui créait une académie par département, et qui était une des clefs de la loi. Après un discours de M. Barthélemy SaintHilaire, en réponse à M. de Montalembert, la discussion, remise au lendemain 13 février, se continua entre lui et M. Thiers. Le discours de M. Thiers sur cette question est peut-être le plus remarquable de tous ceux qu'il a prononcés dans cette mémorable discussion 1. L'amendement de M. Wallon fut rejeté, et l'article 7 adopté, dans la séance du 14 février.

'C'est dans ce discours, que se trouve cette parole si souvent citée : « Soyez « persuadés que je ne suis pas, quoique je ne l'aie pas voulue et faite, un << ennemi de la République aujourd'hui : elle a un titre à mes yeux: elle est, << de tous les gouvernements, celui qui nous divise le moins. »

Euvres. III. - Discours. III

27

AMENDEMENT CONTRE LES JÉSUITES

VOTE DÉFINITIF DE LA LOI

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du 23 juin 1850.

Dans la séance du 23 février, MM. Bourzat, Ceyras, SavatierLaroche et Sage proposèrent d'ajouter les paragraphes suivants à l'article 65, qui fixait les conditions requises pour l'ouverture des établissements libres d'enseignement secondaire :

<< Nul ne pourra tenir une école publique ou libre, primaire ou secondaire, << laïque ou ecclésiastique, ni même y être employé, s'il fait partie d'une << congrégation religieuse non reconnue par l'État.

<< Aucune congrégation religieuse ne pourra d'ailleurs s'établir que dans les formes et sous les conditions déterminées par une loi spéciale.

<< La discussion de cette loi devra être précédée de la publication des sta« tuts de la congrégation, et de leur vérification par le conseil d'État, qui << donnera son avis. >

Cet amendement, développé par M. Bourzat, l'un de ses auteurs, et défendu par M. Emmanuel Arago, fut combattu d'abord par Mer Parisis, puis par M. Thiers, dans un discours mémorable où il prouva que la Constitution, en promettant la liberté à tout le monde, interdisait toute mesure préventive contre les jésuites. Après une discussion incidente et très-vive entre M. Thiers, d'une part, M. Jules Favre et M. de Lamartine de l'autre, sur l'origine et l'avenir de la République, et sur les journées de Février 1848, dont c'était l'anniversaire, et que M. Thiers avait qualifiées de funestes, l'amendement fut rejeté à la majorité de 450 voix contre 148.

Dans la séance du 25 février, l'Assemblée, après avoir adopté les 83 articles, décida, à la majorité de 436 voix contre 205, qu'elle

passerait à une deuxième délibération, laquelle fut fixée, sur la proposition de M. de Montalembert, au lundi suivant.

Cette troisième délibération fut commencée par M. Delebecque, qui combattit la loi, au nom des traditions de l'ancienne Université de Paris, et qui termina son discours ainsi qu'il suit :

« La Restauration elle-même n'a pas répudié l'Université; la Restauration a seulement couronné l'édifice impérial d'un conseil royal qui était la fidèle expression du principe monarchique. En effet, la Restauration trouvait une institution excellente dans l'Université, et elle s'en servait.

1830 a quelque peu changé les choses. 1830, en effet, était un triomphe manqué de la démocratie; on revint alors aux principes de la liberté de l'enseignement. Le gouvernement constitutionnel de 1830 était, non pas une monarchie pure, qui pouvait et devait vouloir l'Université impériale et l'Université de Paris, mais un gouvernement mixte qui devait lutter constamment entre l'idée du pouvoir et l'idée de la liberté. Le gouvernement de la branche cadette se tint, en effet, autant qu'il put, entre le principe monarchique et le principe républicain. La loi de 1833 en est la meilleure preuve, et il faut en faire honneur à M. Guizot; au point de vue du gouvernement d'alors, la loi n'était pas mauvaise.

Mais, dès ce moment, il se passa un fait dont il faut tenir compte; il se passa un fait qui devait souvent se produire sous un gouvernement tel que la monarchie constitutionnelle. L'esprit de controverse, l'esprit de secte, se glissa dans la politique, et ce ne fut pas, chose étrange, le principe républicain qui vint réclamer la liberté de l'enseignement, ce fut un autre principe, ce fut un principe de secte, ce fut le principe ultramontain, ce fut le principe de M. de Montalembert. Chose étrange, je le répète, la liberté de l'enseignement, dans la forme qu'on voulait, et qu'on veut encore lui donner aujourd'hui, ne fut pas invoquée par les républicains; les républicains ne siégeaient pas à la Chambre des pairs, ni même à la Chambre des députés. Ce fut M. de Montalembert, à la Chambre des pairs, qui, dans un intérêt de parti, dans un simple intérêt de lutte, pour mieux battre en brèche l'opposition et le pouvoir lui-même, demanda la liberté de l'enseignement.

C'était là une liberté fausse, une liberté trompeuse, dont on formule aujourd'hui les dispositions dans une loi que vous regretterez, j'espère.

Comment se fait-il maintenant qu'un parti qui se pique d'être

« PreviousContinue »