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telle infecte déjà la littérature, l'art, et jusqu'à la philosophie. Quel contraste, Messieurs, entre ces productions du jour et les œuvres, rarement irréprochables, mais toujours marquées du sceau de l'enthousiasme et des aspirations généreuses, que nous avait values cette renaissance de la philosophie et de l'histoire, de l'éloquence et de la poésie, dont M. Royer-Collard, M. de Chateaubriand et madame de Staël ont été parmi nous les glorieux précurseurs! Qu'il y a loin de ces grandeurs morales au culte exclusif des intérêts matériels remplaçant toutes les passions et tous les principes dont la France a si longtemps vécu !

Messieurs, opposons à ce misérable déclin, que l'on ose vanter comme un progrès, les hautes et libres méditations de la pensée. Opposons à ces triomphes de Plutus les victoires pures et magnanimes de l'intelligence. Ne laissons pas l'esprit français, j'allais dire l'esprit humain, s'affaisser et s'abattre dans ce néant. Empêchons, s'il en est temps encore, l'art et le style, en se matérialisant et en se vulgarisant à l'infini, de signaler l'avénement de leur dégénération progressive. Faisons surtout rentrer, autant que nous le pouvons par nos exemples et nos vœux, faisons rentrer dans les âmes la loi du devoir et la recherche de la vraie grandeur; prêchons-leur l'amour de la vérité, les généreux vouloirs, les convictions indépendantes et résolues; et ranimons ainsi cette séve divine de la raison et de la liberté qui menace de se tarir.

Sursum corda! c'est le cri quotidien de la religion; c'est aussi le mot d'ordre de toute vraie science, de toute littérature honnête, de tout art sincèrement consacré à la vraie beauté. C'est au fond la traduction de la primitive devise de la plus ancienne Académie de l'Institut : A l'immortalité! Il n'y a d'immortel ici-bas que l'effort de l'homme vers ce

qui est plus grand que lui. Le reste n'est qu'illusion ou faiblesse.

Que nos travaux incessants et désintéressés servent à la fois de leçon et d'encouragement à cette jeunesse qui nous remplacera si vite, et qui a besoin, comme nous en avons eu besoin nous-mêmes, d'être éclairée, fortifiée, soutenue dans la bonne voie. Dans ses rangs, que de mains laborieuses occupées à creuser chaque jour de nouveaux sillons dans le champ de l'étude! Que de nobles luttes contre la pauvreté, contre les rigueurs ou les tentations du sort! Combien d'obscurs et valeureux dévouements, que la gloire viendra peutêtre un jour atteindre de ses feux, et que couronne déjà le rayon de la conscience pure et satisfaite! Mais aussi, il faut le dire, et notre affectueuse sollicitude pour elle nous arrache cet aveu, il est au sein de cette chère jeunesse une portion trop nombreuse, plus nombreuse qu'autrefois, qui semble déjà languir indifférente et énervée, les yeux détournés de tout but élevé, de toute responsabilité personnelle, tiède et défiante à l'endroit de tout ce qui s'élève au-dessus du niveau commun, idolâtre de la force et de la multitude qui en est le symbole. On la dirait fatiguée avant d'avoir combattu, découragée par des périls qu'elle n'a pas courus, affamée d'un repos qu'elle n'a pas mérité, et résignée aux fausses joies d'une sécurité éphémère. Souhaitons-lui les délicates fiertés et les nobles ambitions qui sont la marque assurée des âmes bien nées; souhaitons-lui ces poésies de l'adolescence et ces enthousiasmes de la jeunesse qui enfantent les sacrifices et transforment les mondes.

Souhaitons-lui jusqu'à des passions, s'il le faut; oui, des passions à dompter, à discipliner, à féconder, parce que tout vaut mieux pour elle que la décrépitude précoce et le scepticisme corrupteur.

Jeunes et vieux, sortons tous de cette basse et servile condition des âmes. Ne soyons à aucun degré complices de l'engourdissement moral et intellectuel de notre temps. Ne laissons pas éteindre en nous le feu intérieur, la lumière et la chaleur, la volonté et la vie. Portons au delà de l'horizon des intérêts grossiers et frivoles un regard intrépide; et en rendant justice et hommage à toutes les gloires du passé, tâchons de respirer le souffle d'un meilleur avenir.

FIN DU TROISIÈME ET DERNIER VOLUME

DES DISCOURS.

TABLE DES MATIÈRES

CONTENUES DANS CE VOLUME.

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AUX CATHOLIQUES, LE LENDEMAIN DE LA RÉPUBLIQUE. Article
publié dans l'Univers du 28 février 1848.
PREMIÈRE CIRCULAIRE DU COMITÉ ÉLECTORAL DE LA LIBERTÉ RELI-
GIEUSE, à l'occasion des élections faites par le suffrage
universel pour l'Assemblée constituante. (8 mars 1848). .
DEUXIÈME CIRCULAIRE DU Comité ÉLECTORAL DE LA LIBERTÉ RELI-
GIEUSE. (15 mars 1848).

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BREF DU PAPE. (16 mars 1848).

PROFESSION DE FOI ÉLECTORALE. (3 avril 1848)
LETTRE AUX ÉLecteurs du DouвS. (20 mai 1848).

ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

DISCOURS SUR LA REPRISE DE POSSESSION DES chemins de fER PAR

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L'ÉTAT. (Séance du 22 juin 1848.).
SUR LES DEUX CHAMBRES. (5 juillet 1848). . .
De la liberté d'ENSEIGNEMENT DANS LA CONSTITUTION.

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sion de l'article 8 du projet de Constitution. (Séances du
18 et du 20 septembre 1848). ....

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Pétition de dix habitants de Cherbourg relative au discours

précédent.

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