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de Venise et se réunir aux troupes qui occupent cette place, soit à opérer par Feltre et Bellune pour se joindre aux débris de l'armée du prince Charles vers Laybach. Dans la première hypothèse, la position de l'aile droite qu'il avait laissée pour observei Venise, sous les ordres du lieutenant-général GouvionSaint-Cyr, lui répondait que les ennemis ne tenteraient pas impunément le passage. Dans la seconde hypothèse, il avait fait occuper les deux Ponteba et la Chiusa di Pletz autrichienne par plusieurs régimens de cavalerie et d'infanterie, sous les ordres des généraux de brigade Lacour et Lenchantin. Quelque direction que prit la colonne ennemie, la situation de l'armée sur l'Isonzo permettait de détacher à temps des forces suffisantes pour la couper; et cependant l'avant-garde ennemie continuait sa marche sur Laybach..

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La colonne forte d'environ 7 mille hommes d'infanterie et 1200 chevaux, commandée par le prince de Rohan est venue, le 2 frimaire, se jeter sur Bassano : elle put aisément enlever le faible détachement de 150 hommes qui formait la garnison, et elle se dirigea sur Castel- Franco. Aussitôt que le lieutenant-général Saint-Cyr en eut avis, il jugea le but de l'ennemi était en effet de traverser notre que ligne, dont sans doute il ne connaissait pas la force, et il fit ses dispositions pour le bien recevoir.

Le général en chef qui avait tout prévu, était tranquille de ce côté; mais, pour ne rien donner au hasard des événemens, il prit des mesures pour faire arriver, à marche forcée, sur la Piave, la division des grenadiers commandée par le général Partouneaux deux brigades des divisions Dahesme et Seras, la division des cuirassiers et une brigade de dragons les grenadiers devaient remonter la Piave par il Bosco del Montello, et tourner la position de Bassano. La division Gardanne, dirigée en même temps sur Venzone, devait renforcer les détachemens envoyés aux deux Ponteba pour couper toute retraite

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à l'ennemi, dans le cas où il eût déjà pris la route de Bellune et de la Pieva-di-Cadore pour gagner Villach et rejoindre le prince Charles à Laybach.

Le général en chef avait laissé le reste des troupes sur l'Isonzo, sous le commandement du général Duhesme, et se portait lui-même sur la Piave, pour y diriger les mouvemens qu'il avait ordonnés. Le lieutenant-général Saint-Cyr manœuvrait pour reconnaître l'ennemi et l'arrêter. Il avait formé une colonne tirée des divisions Regnier, Lecchi et Verdier; il était lui-même à Campo-San-Pietro, avec le régiment polonais commandé par le général Peyri. Le général Regnier, à Novale, avait ordre de marcher le 3 frimaire, à la pointe du jour Castel-Franco. L'ennemi arrivé de la veille, et sentant la difficulté de sa position, prévint l'attaque; il se jeta violemment sur la division Regnier, qui le reçut avec la plus grande vigueur, et l'eut bientôt culbuté ; il revint plusieurs fois à la charge, et heurta toujours contre le même écueil.

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sur

Pendant ce temps, le lieutenaut général SaintCyr fit faire un mouvement au régiment polonais et tourna l'ennemi; ce ne fut plus alors qu'une déroute jusqu'à Castel-Franco où nos troupes arrivèrent aussitôt que les Autrichiens. Tout ce qui n'avait pas péri, ou qui n'avait pas été pris sur le champ de bataille, a demandé à capituler. Six mille hommes d'infanterie et mille chevaux sont restés en notre pouvoir. C'est beaucoup plus que nous ne leurs avions opposé de combattans effectifs; mais ils sentirent que, par l'effet nécessaire des dispositions qui les menaçaient de toutes parts, leur perte devenait inévitable. Le général prince de Rohan commandant ce corps, plusieurs colonels et beaucoup d'officiers sont au rang de nos prisonniers. Six drapeaux et 1 étendard, 12 pièces de canon, leurs caissons et d'immenses bagages sont les résultats de la victoire. Il a été perdu 2 étendards dans la mêlée. Nous n'avons à regretter qu'une centaine d'hommes

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d'hommes mis hors de combat. Nous avons retrouvé les prisonniers fait sur nous à Bassano. Un corps de Croates, qu'on présume avoir fait partie de la colonne, est attendu aux débouchés des montagnes. Il est difficile qu'il nous échappe, d'après les mesures déjà prises pour lui faire partager le même

sort.

Le lieutenant-général Gouvion Saint-Cyr a déployé une grande habileté dans les manœuvres. Il donne lui-même de justes éloges à la bravoure et aux talens du général de division Regnier. Il cite avec honneur les chefs des 10 et 56e régimens de ligne le chef de bataillon Clavel, commandant le bataillon suisse, les chefs de brigade Grabinsky, et de bataillon Bialowiski et Clopski.

Le général de brigade Lacour est à Villach; il pousse ses avant-postes sur Clagenfurth, et touche au moment de communiquer avec la grande

armée.

L'avant-garde, aux ordres du général Espagne, fait à chaque pas de nouveaux prisonniers. Les routes d'Idria et de Laybach sont couvertes de chevaux tués, de caissons rompus, et de milliers de boulets abandonnés.

XXXIe BULLETIN.

Austerlitz, 14 frimaire an 14 ( 5 décembre )..

L'EMPEREUR est parti hier d'Austerlitz, et est allé à ses avant-postes près de Saruschitz, et s'est là placé à son bivouac. L'empereur d'Allemagne n'a pas tardé à arriver. Ces deux monarques ont eu une entrevue qui a duré deux heures. L'empereur d'Allemagne n'a pas dissimulé, tant de sa part que de la part de l'empereur de Russie, tout le mépris que leur inspirait la conduite de l'Angle

terre. « Ce sont des marchands, a-t-il répété, qui mettent en feu le Continent pour s'assurer le commerce du Monde. »

Ces deux princes sont convenus d'un armistice et des principales conditions de la paix, qui sera négociée et terminée sous peu de jours.

L'empereur d'Allemagne a fait également connaître à l'Empereur, que l'empereur de Russie demandait à faire sa paix séparée; qu'il abandonnait entièrement les affaires de l'Angleterre, et n'y prenait plus aucun intérêt.

L'empereur d'Allemagne répéta plusieurs fois dans la conversation: « Il n'y a point de doute dans sa querelle avec l'Angleterre, la France a raison. » Il demanda aussi une trève pour les restes de l'armée russe. L'Empereur lui fit observer que l'armée russe était cernée , que pas un homme ne pouvait échapper: «Mais, ajouta-t-il, je desire faire une chose agréable à l'empereur Alexandre; je laisserai passer l'armée russe ; j'arrêterai la marché de mes colonnes; mais votre majesté me promet que l'armée russe retournera en Russie et évacuera l'Allemagne et la Pologne autrichienne et prussienne. >> « C'est l'intention de l'empereur Alexandre a répondu l'empereur d'Allemagne ; je puis vous l'assurer d'ailleurs, dans la nuit, vous pourrez vous en convaincre par vos propres officiers. >>

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On assure que l'Empereur a dit à l'empereur d'Allemagne, en le faisant approcher du feu de son bivouac : « Je vous reçois dans le seul palais que j'habite depuis deux mois. » L'empereur d'Allemagne a répondu en riant : « Vous tirez si bon. parti de cette habitation, qu'elle doit vous plaire. » C'est du moins ce que l'on croit avoir entendu. La nombreuse suite des deux princes n'était pas assez éloignée pour qu'elle ne pût entendre plusieurs

choses.

L'Empereur a accompagné l'empereur d'Alle

magne à sa voiture, et s'est fait présenter les deux princes de Lichtenstein et le général prince de Schwarzenberg. Après cela, il est revenu coucher à Austerlitz.

On recueille tous les renseignemens pour faire une belle description de la bataille d'Austerlitz. Un grand nombre d'ingénieurs lèvent le plan du champ de bataille. La perte des Russes a été immense. Les généraux Kutuzow et Buxhowder ont été blessés to ou 12 généraux ont été tués; plusieurs aidesde-camp de l'empereur de Russie et un grand nombre d'officiers de distinction ont été tués. Ce n'est pas 120 pièces de canon qu'on a pris, mais 150. Les colonnes ennemies qui se jetèrent dans les Facs furent favorisées par la glace; mais la canonnade la rompit, et des colonnes entières se noyèrent: Le soir de la journée, et pendant plusieurs heures de la nuit, l'Empereur a parcouru le champ de bataille et fait enlever les blessés spectacle hor rible s'il en fut jamais! L'Empereur, monté sur des chevaux très-vîtes, passait avec la rapidité de F'éclair, et rien n'était plus touchant que de voir ces braves gens le reconnaître sur-le-champ. Les uns oubliaient leurs souffrances et disaient: « Aut moins la victoire est-elle bien assurée ? » Les autres : « Je souffre depuis huit heures, et depuis le commencement de la bataille je suis abandonné ; mais j'ai bien fait mon dévoir. » D'autres : « Vous devez être content de vos soldats aujourd'hui. » A chaque soldat blessé, l'Empereur laissait une garde qui le faisait transporter dans les ambulances. Il est horrible de le dire; quarante-huit heures après la bataille, il y avait encore un grand nombre de Russes qu'on n'avait pu panser. Tous les Français le furent avant la nuit. Au lieu de 40 drapeaux, il y en a jusqu'à cette heure 45, et l'on trouve encore les débris de plusieurs.

Rien n'égale la gaîté des soldats à leur bivouac A peine aperçoivent-ils un officier de l'Empereur,

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