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VI BULLETIN.

Au quartier-général de Passinano, le 22 brumaire an 14 (13 novembre).

L'ARMÉE, dans sa marche sur la Piave, n'a rencontré que de faibles obstacles. De la Piave au Tagliamento, elle a vu fuir devant elle quelques corps de cavalerie, qui semblaient l'observer, mais dont la retraité était calculée de manière à éviter tout engagement.

C'est au Tagliamento que l'ennemi parut vouloir nous attendre. Il avait réuni, sur la rive gauche, six régimens de cavalerie et quatre régimens d'infanterie, et sa contenance faisait présumer qu'il défendrait vivement le passage. Le général en chef n'avait eu d'abord que le dessein de faire reconnaître la position par de la cavalerie. Le général Espagne, commandant la division des chasseurs à cheval, les dragons aux ordres du général Mermet, et les cuirassiers aux ordres du général Pully, s'étaient portés sur le fleuve, tandis que les divisions Duhesme et Seras marchaient sur San - Vitto; celles des généraux Molitor et Gardanne se dirigeaient sur Valvasone.

Le général Espagne avait reçu l'ordre de pousser "des reconnaissances. Le 21, à six heures du matin un escadron qu'il avait fait passer, fut chargé par un régiment de cavalerie autrichienne. Il soutint l'attaque avec intrépidité, et donna le temps au général Espagne de se porter au-devant de l'ennemi, qui bientôt fut repoussé et mis en fuite. Notre artillerie cependant s'était mise en position. La canonnade commença d'une rive à l'autre ; elle fut très-vive, et se et se prolongea toute la journée. L'ennemi avait placé 30 pièces de canon derrière une digue; nous n'en avions que 18, et nos artilleurs conservèrent leur supériorité ordinaire. Les divi

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sions d'infanterie arrivèrent vers le soir. Le général en chef, satisfait des avantages qu'il avait obte et qui lui en assuraient de nouveaux, voulut pas de suite effectuer le passage; il se contenta de faire ses dispositions pour le lendemain, persuadé qu'il pourrait porter des coups plus décisifs. Les divisions étaient réunies aux points indiqués, à San Vitto et à Valvasone : c'est sur ces deux points qu'elles devaient passer le fleuve, tourner et couper l'ennemi. Le prince Charles craignit sans doute l'exécution de ce plan; il ne jugea pas devoir attendre le jour dans sa position, et dès minuit, il était en retraite sur le chemin de PalmaNova. L'armée passa le Tagliamento avec le regret de n'avoir plus d'ennemis à combattre ; et ce fut alors qu'elle connut mieux encore tous les résultats de la journée de la veille : la rive gauche du fleuve était couverte d'hommes et de chevaux, qui avaient péri par l'effet de notre artillerie. L'armée continue sa marche. L'espoir de rencontrer et de combattre l'ennemi, ajoute à son impatiente ardeur. Elle apprend tout ce que fait la grande-armée, et le desir de seconder ses mouvemens et de répondre à la confiance de l'Empereur, l'agite et l'aiguillonne

sans cesse.

L'avant-garde enlève chaque jour des prisonniers qui vont grossir le nombre de ceux que nous avons déjà faits. Le temps est constamment favorable; on travaille à réparer les ponts de la Piave et du Tagliamento.

VIIe BULLETIN.

Au quartier-général de Gorizia, le 26 brumaire an 14 (17 novembre)

L'ENNEMI, en nous abandonnant les rives du Tagliamento, avait dirigé sa retraite sur Palma-Nova. Il ne chercha point à défendre cette place, qu'il aurait pu tenir avec avantage, et ce ne fut qu'à plusieurs milles de là, que nous rencontrâmes ses derniers postes. Il s'engagea quelques affaires de peu d'intérêt, qui nous valurent cependant un certain nombre de prisonniers.

Le 24, l'armée se forma en deux colonnes et se porta sur l'Isonzo. L'avant-garde, aux ordres du général Espagne, entra, deux heures avant la nuit, dans Gradisca, où les Autrichiens n'opposèrent qu'une faible résistance. Les chasseurs à cheval remontèrent alors la rive droite du fleuve pour se porter sur Gorizia, et la division Seras s'établit en même temps à Sagrado, sur la rive gauche.

Le lendemain, les divisions Molitor, Gardanne et Partouneaux longèrent la rive droite de l'Isonzo, dans le dessein de passer au-dessous de Gorizia; mais l'équipage de pont n'étant point encore arrivé, le passage ne put pas s'effectuer sur ce point.

Les divisions Seras et Duhesme marchaient de leur côté sur Rubia et Savogna. Leurs avant-postes talonnaient l'ennemi. Il y eut un engagement à la suite duquel sa cavalerie se replia dans le plus grand désordre; son artillerie ne nous échappa qu'à la faveur de la nuit; nous l'avions poussé jusque sous les murs de Gorizia.

Le général en chef fit ses dispositions pour une attaque générale dans la matinée du 26. Les Autrichiens ne voulurent pas s'y exposer; ils avaient profité de la nuit même pour précipiter leur retraite. Le général Espagne les suit avec de la cavalerie et de

l'infanterie légère. Il a l'ordre de les chasser devant lui jusqu'à Leybach.

L'armée a pris position en avant de l'Isonzo; trois cents nouveaux prisonniers sont conduits sur ses derrières, et l'on en voit à chaque instant arriver d'autres. Les magasins établis à Údine et à PalmaNova sont tombés en nos mains.

Le général en chef se loue de l'activité soutenue de l'armée; elle surmonte avec courage et gaîté les fatigues et les privations inévitables d'une marche aussi rapide. C'est un témoignage qu'il se plaît à lui rendre auprès de Sa Majesté l'Empereur et Roi.

VIII BULLETIN.

2

Au quartier-général de Gorizia, le a frimaire an 14 (23 novembre).

L'ARMÉE Conserve la position qu'elle a prise sur la rive gauche de l'Isonzo. L'avant-garde, aux ordres du général Espagne, s'est portée sur Vipacco, a repoussé les ennemis jusqu'à Gauz, et dans plusieurs charges, conduites avec vigueur, leur a fait une centaine de prisonniers. La totalité de leur cavalerie s'est retirée par la grande route; une partie considérable de leur infanterie a pris le chemin de la vallée d'Idria, pour gagner celle d'Oberleybach. Cinq compagnies de voltigeurs poursuivent l'ennemi dans cette direction, tandis que nos avant-postes ont déjà poussé des reconnaissances sur les retranchemens de Prevald, et se dirigent vers Leybach. Le général en chef a fait marcher la division Seras sur Trieste. Les Autrichiens, à notre approche, ont évacué la place, en y abandonnant 300 blessés. Un corps de troupes les a suivis sur la route de Leybach, et leur a enlevé 50 hommes. Deux régimens de dragons, soutenus par de

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l'infanterie, se sont portés à notre gauche, sur la Chiusa de Pletz, que gardaient les deux régimens d'infanterie Strasaldo et de Ligne, avec quelque cavalerie. Tous les postes ont été abandonnés le lendemain même de l'arrivée de nos troupes. Le général de brigade Lacour, qui les commande, a reçu l'ordre de pénétrer jusqu'à Villach, et de tenter d'ouvrir quelque communication avec la grandearmée, dont les mouvemens ont sans doute déterminé la retraite de l'ennemi, qui aura craint de se voir enveloppé. Il a aussi été dirigé un détachement sur Ponteba-Veneta, où l'ennemi, qui se trouvait en force, n'avait pas osé nous attendre.

Dans ces divers mouvemens nous avons fait près de 400 prisonniers.

Le général en chef a laissé vers Padoue le corps de troupes venant de Naples. Il a joint à une des divisions de l'armée, la légion Corse, et le 2e régiment italien. Le lieutenant-général Gouvion-Saint-Cyr, qui commande ces forces réunies, observe Chiozza et Brondolo. Il se tient prêt à fondre sur les Russes et les Anglais, s'ils osaient tenter le débarquement dont ils menacent les côtes d'Italie.

Lecchi, général de division, etc. à S. Exc. le Ministre de la guerre.

Je me hâte de prévenir V. Exc. qu'un corps de troupes ennemies commandé par le prince de Rohan, s'est montré près de Bassano. Le général en chef est parti de Stra avec la réserve, composée d'un corps polonais, commandé par le général Peyry; d'un régiment de cavalerie française; d'un régiment d'infanterie française; d'un bataillon commandé par le général Regnier; et enfin de 4 pièces d'artillerie commandées par le chef de bataillon Millo, et escortées par le 5o régiment d'infanterie italienne.

Le général Regnier, parti de ses cantonnemens,

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