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Il a beaucoup plu toute la journée; tout le pays situé entre l'Iser et l'Inn n'offre qu'une forêt continue de sapins, pays fort ingrat. L'armée a eu beaucoup à se louer du zèle et de l'empressement des habitans de Munich à lui fournir les subsistances qui lui étaient nécessaires.

XIVe BULLETIN.

Braunau, 8 brumaire an 14 (30 octobre).

LE maréchal Bernadotte est arrivé le 3, à dix heures du matin, à Salzbourg. L'électeur en était parti depuis plusieurs jours; un corps de 6 mille hommes qui y était, s'était retiré précipitamment la veille. Le quartier-général impérial était le 6 à Haag, le 7 à Mulhdorff, et le 8 à Braunau.

Le maréchal Davoust a employé la journée du 7 à faire réparer entièrement le pont de Mulhdorff.

Le 1er régiment de chasseurs a exécuté une belle charge sur l'ennemi, lui a tué une vingtaine d'hommes et lui a fait plusieurs prisonniers, parmi lesquels s'est trouvé un capitaine de hussards.

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Dans la journée du 7, le maréchal Lannes est arrivé avec la cavalerie légère au pont de Braunau. Il était parti de Landshut. Le pont était coupé; il a sur le champ fait embarquer sur deux bateaux une soixantaine d'hommes. L'ennemi, qui d'ailleurs était poursuivi par la réserve du prince Murat, a abandonné la ville. L'audace des chasseurs du 13e a contribué à précipiter sa retraite.

La mésintelligence entre les Russes et les Autrichiens commence à s'apercevoir. Les Russes pillent tout. Les officiers les plus instruits d'entr'eux comprenneut bien que la guerre qu'ils font est impolitique, puisqu'ils n'ont rien à gagner contre les Français, que la nature n'a pas placés pour être

leurs ennemis.

Braunau, comme il se trouve, peut être considéré comme une des plus belles et des plus utiles acquisitions de l'armée. Cette place est entourée d'une enceinte bastionnée, avec pont-levis, demi-lune et fossés pleins d'eau. Il y a de nombreux magasins d'artillerie et tous en bons état; mais ce qui paraîtra difficile à croire, c'est qu'elle est parfaitement approvisionée. On y a trouvé 40 mille rations de pain prêtes à être distribuées, plus de mille sacs de farine l'artillerie de la place consiste en 45 pièces de canon avec double affût de rechange, en mortiers approvisionnés de plus de 40 mille boulets et obusiers. Les Russes y ont laissé une centaine de milliers de poudre, une grande quantité de cartouches, de plomb, un millier de fusils, et tout l'approvisionnement nécessaire pour soutenir un grand siége.

L'Empereur a nommé le général Lauriston, qui arrive de Cadix, gouverneur de cette place, où il a établi le dépôt du quartier-général de l'armée.

X Ve BULLETIN.

Braunau, 9 brumaire an 14 (31 octobre).

PLUSIEURS déserteurs russes sont déjà arrivés entr'autres un sergent - major natif de Moscou homme de quelque intelligence. On s'imagine bien que tout le monde l'a questionné. Il a dit que l'armée russe était dans des dispositions bien différentes pour les Français que dans la dernière guerre; que les prisonniers qui étaient revenus de France s'en étaient beaucoup loués; qu'il y en avait six dans sa compagnie qui, au moment du départ de Pologne, avaient été envoyés plus loin que si on avait laissé dans les régimens tous les hommes revenus de France, il n'y avait pas de doute qu'ils

n'eussent tous déserté; que les Russes étaient fâchés de se battre pour les Allemands qu'ils n'aiment pas, et qu'ils avaient une haute idée de la valeur francaise. On lui a demandé s'ils aimaient l'empereur Alexandre. Il a répondu qu'ils étaient trop misérables pour lui porter de l'attachement; 'que les soldats aimaient mieux l'empereur Paul, mais que la noblesse préférait l'empereur Alexandre; que les Russes, en général, étaient contens d'être sortis de chez eux parce qu'ils vivaient mieux et étaient mieux payés; qu'ils desiraient tous de ne pas retourner en Russie, et qu'ils préféraient s'établir dans d'autres climats, à retourner sous la verge d'une aussi rude discipline; qu'ils savaient que les Autrichiens avaient perdu toutes leurs batailles, et ne faisaient que pleurer.

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Le prince Murat s'est mis à la poursuite de l'ennemi. Il a rencontré l'arrière-garde des Autrichiens, forte de 6 mille hommes, sur la route de Merobach : l'apercevoir et la charger n'a été qu'une même chose pour sa cavalerie. Cette arrière-garde a été disséminée sur les hauteurs de Ried. La cavalerie ennemie s'est alors ralliée pour protéger le passage de l'infanterie par un défilé; mais le 1er régiment de chasseurs et la division de dragons du général Beaumont l'ont culbutée, et se sont jetés avec l'infanterie ennemie dans le défilé. La fusillade at été assez vive; mais l'obscurité de la nuit a sauvé ̈ cette division ennemie : une partie s'est éparpillée dans les bois; il n'a été fait que 500 prisonniers. L'avant-garde du corps du prince Murat a pris position à Haag. Le colonel Montbrun, du 1er de chasseurs, s'est convert de gloire. Le 8e régiment de dragons a soutenu sa vieille réputation. Un maréchal-de-logis de ce régiment ayant eu le poignet emporté, dit devant le prince, au moment où il passait : «< Je regrette ma main , parce qu'elle ne pourra plus servir notre brave Empereur. » L'Empereur, en apprenant ce trait, a dit : « Je reconnais

bien

bien là les sentimens du 8e. Qu'on donne à ce ma réchal-de-logis une place avantageuse, et selon son état, dans le palais de Versailles. »

Les habitans de Braunau, selon l'usage, avaient porté dans leurs maisons une grande partie des magasins de la place. Une proclamation a tout fait rapporter. Il y a à présent un millier de sacs de farine, une grande quantité d'avoine, des magasins d'artillerie de toute espèce, une très-belle manutention, et 60 mille rations de pain, dont nous avions grand besoin: une partie a été distribuée au corps du maréchal Soult.

Le maréchal Bernadotte est arrivé à Salzbourg. L'ennemi s'est retiré sur la route de Carinthie et de Wels. Un régiment d'infanterie voulait tenir au village de Hallem ; il a dû se retirer sur le village de Colling, où le maréchal espérait que le général Kellermann parviendrait à lui couper la retraite et

à l'enlever.

Les habitans assurent que, dans son inquiétude, l'empereur d'Allemagne s'était porté jusqu'à Wels, où il avait appris le désastre de son armée. Il y avait appris aussi les clameurs de ses peuples de Bohême et d'Autriche contre les Russes qui pillent et violent d'une manière si effrénée, qu'on desirait l'arrivée des Français pour les délivrer de ces singuliers alliés.

Le maréchal Davoust, avec son corps d'armée a pris position entre Ried et Haag. Tous les autres corps d'armée sont en grand mouvement; mais le temps est affreux : il est tombé un demi-pied de neige; ce qui a rendu les chemins détestables.

Le ministre secrétaire-d'état Maret a joint l'Empereur à Braunau.

L'électeur de Bavière est de retour à Munich; il a été reçu avec le plus grand enthousiasme par le peuple de sa capitale.

Plusieurs malles de Vienne ont été interceptées : les lettres les plus récentes étaient du 18 octobre.

On commençait à y avoir des nouvelles de l'affaire de Wertingen: elles y avaient répandu la conster nation. Les vivres y étaient d'une cherté à laquelle on ne pouvait atteindre. La famine menaçait Vienne. Cependant la récolte a été abondante; mais la dépréciation du papier-monnaie et des assignats qui perdaient plus de quarante pour cent, avaient porté tout au plus haut prix. Le sentiment de la chute du papier-monnaie autrichien était dans tous les esprits.

Le cultivateur ne voulait plus échanger ses denrées contre un papier de nulle valeur. Il n'est pas un homme en Allemagne qui ne considère les Anglais comme les auteurs de la guerre, et les empereurs François et Alexandre comme victimes de leurs intrigues. Il n'est personne qui ne dise: Il n'y aura point de paix tant que les olygarques gouverneront l'Angleterre, et les olygarques gouverneront tant que Georges respirera. Aussi le règne du prince de Galles est-il desiré comme le terme de celui des olygarques, qui, dans tous les pays, sont égoïstes et insensibles aux malheurs du monde.

L'empereur Alexandre était attendu à Vienne ; mais il a pris un autre parti: on assure qu'il s'est rendu à Berlin.

XVIe BULLETIN.

De Ried, le 11 brumaire an 14 (2 novembre).

Le prince Murat a continué sa marche en poursuivant l'ennemi l'épée dans les reins, et est arrivé,

le

9 en avant de Lambach. Les généraux autrichiens, voyant que leurs troupes ne pouvaient plus tenir, ont fait avancer huit bataillons russes pour protéger leur retraite. Le 17e régiment d'infanterie de ligne, le 1er de chasseurs et le 8e de dragons char

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